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Le conseil d’administration et le comité consultatif

5 LE DIAGNOSTIC DE MATURITÉ DES INSTANCES ET DES DOMAINES D’ACTION DE

5.2 La mise en place et le maintien de l’efficacité des instances de gouvernance

5.2.2 Le conseil d’administration et le comité consultatif

Le CA est défini comme un ensemble d’individus élus par les actionnaires et habilités à agir en leur nom en ce qui concerne le pilotage stratégique et la surveillance de l’organisation et de ses dirigeants, en visant à harmoniser les opérations de celle-ci avec son environnement interne et externe (OCDE, 2004). Comme exposé dans la section 3.4, au Canada et dans plusieurs pays à travers le monde, des lois obligent les actionnaires des sociétés ouvertes à doter leur entreprise d’un CA et à leur déléguer certains de leurs pouvoirs de contrôle et de prise de décision. Dans le cas des PME et des OBNL, le fait de se doter d’un CA ne découle pas d’une obligation légale, mais plutôt d’un choix stratégique ou parfois d’une exigence d’un bailleur de fonds (IGOPP, 2013).

Dans les deux cas, les actionnaires, en déléguant leurs pouvoirs aux membres du CA, s’attendent de ceux- ci qu’ils défendent leurs droits et remplissent leur obligation fiduciaire. Cette obligation consiste à agir avec

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diligence, avec le soin requis et dans l’intérêt des actionnaires, ainsi que de celui de l’organisation et de ses autres parties prenantes (OCDE, 2004). En tant qu’agent des actionnaires et mandants des dirigeants de l’organisation, le CA joue des rôles clés dans la prise de décision, la supervision et la délégation (Banque Royale du Canada, 2009). Cette instance représente un élément essentiel du fonctionnement et du renforcement d’une bonne gouvernance d’organisation, mais auquel ne se réduit pas non plus la gouvernance (Allaire et Firsirotu, 2003). En effet, le CA ne peut atteindre sa pleine efficacité qu’à l’aide d’un grand nombre de mécanismes cruciaux servant à le guider et le supporter dans la réalisation de son mandat (Paquet, 2013).

Plusieurs des directives et des législations émises ou adoptées depuis les années 1990 (voir section 3.4) contenaient des réformes visant spécifiquement les CA, leurs structures, leurs responsabilités et surtout, leur imputabilité quant à leurs décisions. Selon les principes de l’OCDE (2004), les tâches des administrateurs doivent être réalisées en toute connaissance de cause, de bonne foi, avec diligence, soin et loyauté. Les membres du CA doivent veiller à traiter équitablement tous les actionnaires et les parties prenantes de l’organisation lors de leur processus de décision et cela, en travaillant de manière transparente, efficace, efficiente et éthique (OCDE, 2004; Paquet, 2013).

Parmi les attributs essentiels que doivent posséder les administrateurs pour arriver à porter un jugement objectif se trouve bien entendu l’indépendance. Le Règlement 582-110 sur le comité d’audit offre à l’article 1.4 une définition reconnue sur ce qu’est l’indépendance et sur les conditions à rencontrer pour qu’un administrateur puisse être considéré comme tel. Plusieurs voix s’élèvent pour aller outre ce critère jugé insuffisant et parfois même peu souhaitable ou dommageable s’il est le seul considéré (Allaire et Firsirotu, 2003; Paquet, 2013). L’approche de gouvernance créatrice de valeur d’Allaire et Firsirotu (2003) fait des attributs de légitimité et de crédibilité des administrateurs un de ses piliers fondateurs, plutôt que l’indépendance de ceux-ci. Le simple fait d’être indépendant n’est pas jugé suffisant, car il faut encore que les administrateurs soient compétents, capables et aient envie de poser des questions audacieuses aux dirigeants (Paquet, 2003; ICGN, 2014). Pour pouvoir y arriver, il faut aussi qu’ils possèdent et consacrent le temps nécessaire afin de bien remplir leurs fonctions et acquérir leur crédibilité et leur légitimité (ibid.). Comme le mentionnait Warren Buffet dans une lettre adressée aux actionnaires de sa société Berkshire Hathaway en 2002 :

« On réclame maintenant des administrateurs « indépendants ». Il est certain qu’il est souhaitable d’avoir des administrateurs qui pensent et qui s’expriment de manière indépendante, mais ils doivent également avoir le sens des affaires, avoir de la motivation et être axés sur les actionnaires […] Ces individus [administrateurs indépendants], qui étaient honnêtes et intelligents, n’en savaient tout simplement pas assez sur l’entreprise ou ne se souciaient pas suffisamment des actionnaires pour mettre en doute des acquisitions imprudentes ou des rémunérations trop généreuses » (Buffet, 2002, p. 17)

En plus de ces éléments et afin de renforcer l’indépendance du CA dans son ensemble, plusieurs ouvrages de meilleures pratiques recommandent que le CA tienne périodiquement des réunions regroupant

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uniquement les administrateurs indépendants, sans que les administrateurs non indépendants et les membres de la direction soient présents (ICGN, 2013; CCGG, 2013; Autorité des marchés financiers (AMF), 2005).

Les autres critères recherchés pour la composition de CA performants sont, entre autres, que les administrateurs soient responsables, bien informés, efficaces, fassent preuve d’une très grande intégrité et jouissent d’une réputation en matière d’équité, de bon jugement et de professionnalisme (CCGG, 2013; ICGN, 2014). De plus, l’ICGN (2014) recommande que le CA fasse appel à ses comités ou au service de consultants externes indépendants afin de le conseiller dans le cas où le celui-ci ne possède pas l’expertise requise pour se prononcer sur un sujet précis. De plus, le fonctionnement du CA devrait faire l’objet d’une évaluation périodique afin d’apporter les changements nécessaires si applicables (OCDE, 2004).

D’autres facteurs peuvent être pris en compte pour composer un CA équilibré tels l’expérience, l’expertise en gestion ou concernant les activités de l’organisation, le niveau de scolarité, l’âge, la nationalité et le sexe des candidats (ICGN, 2014). Il importe de rechercher la diversité afin de favoriser les débats d’idées en lien avec les divergences de visions, de points de vue et de perceptions, ce qui participe à enrichir le processus de décision et à le rendre plus objectif (ICGN, 2014; CCGG, 2013). Il est particulièrement recommandé de chercher à établir une répartition homme-femme équilibrée au sein du conseil, puisque de plus en plus de recherches1 tendent à démontrer qu’il existe une corrélation entre ce critère de diversité et de meilleurs rendements financiers (CCGG, 2013). Les réalisations de l’organisation en matière de diversité et d’équité dans la composition de son CA devraient être communiquées à toutes les parties prenantes (ICGN, 2014; GRI, 2013).

Pour être en mesure de réaliser son mandat, le conseil doit se voir accorder toute l’autorité nécessaire à son bon fonctionnement, mais aussi l’autonomie et l’indépendance suffisantes pour réellement constituer un mécanisme de création de valeurs pour l’organisation (OCDE, 2004). Il en va de même dans sa relation avec la haute direction. Il a la responsabilité de surveiller les performances de gestion de celle-ci, mais doit aussi veiller à ce que la direction puisse gérer efficacement l’organisation dans ce cadre (ibid.).

Afin de pouvoir réaliser leurs tâches adéquatement, les administrateurs doivent avoir accès à de l’information détaillée, exacte et pertinente, et cela dans un délai raisonnable leur permettant d’en prendre

1 McKinsey & Company (2013). Women Matter 2013. Gender diversity in top management: Moving

corporate culture, moving boundaries.

Catalyst (2004). The Bottom Line: Connecting Corporate Performance and Gender Diversity.

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connaissance à l’avance et de s’informer sur le sujet avec diligence et soin. Les documents destinés aux réunions du CA doivent lui être fournis suffisamment à l’avance et être suffisamment détaillés pour permettre une prise de décision éclairée, mais aussi assez succincts pour favoriser la bonne compréhension de ceux-ci (CCGG, 2013).

D’autres éléments considérés comme garants d’efficacité du CA sont sa taille, ainsi que la définition claire des rôles des responsabilités de celui-ci (CCGG, 2013; AMF, 2005). Le CA devrait :

« […] être suffisamment grand pour inclure les connaissances spécialisées nécessaires et répartir les différentes fonctions du conseil et des comités entre les administrateurs, mais suffisamment restreints pour permettre des discussions et des délibérations franches, cohérentes et responsables et assurer que chaque membre individuel est responsable et comptable des décisions du conseil » (CCGG, 2013, p.11).

Il doit aussi exister des séparations et des définitions claires des rôles et des responsabilités assumées par le CA et par la direction, qui doivent être écrites, accessibles et diffusées à tous (CCGG, 2013). Dans le but d’éviter les conflits d’intérêts, il est recommandé que les postes de président du CA et de président de la direction soient occupés par deux personnes, indépendantes l’une de l’autre (ibid.).

Pour ce qui est du président du CA, le CA doit développer et diffuser une description de poste pour celui-ci (AMF, 2005). Ses rôles principaux sont d’assurer le leadership, d’organiser et de veiller à l’efficacité du conseil et de ses membres (Paquet, 2013). Il doit notamment présider les assemblées des actionnaires, veiller à répondre aux préoccupations de ceux-ci et favoriser la relation d’échange et de collaboration entre le conseil et l’équipe de direction (ICGN, 2014; CCGG, 2013). Il doit être prêt à investir du temps et des efforts importants pour remplir efficacement son mandat (ICGN, 2014).

Comme exposé au chapitre 4, les responsabilités du CA pour la réalisation de son mandat sont regroupées en huit domaines d’action, qui sont décrits en détail dans le présent chapitre, soit :

1. La mise en place et le maintien de l’efficacité des instances de gouvernance;

2. Le recrutement, le développement et la relève des administrateurs et des hauts dirigeants; 3. L’évaluation du rendement et la rémunération des administrateurs et des hauts dirigeants; 4. La stratégie organisationnelle;

5. L’éthique et la culture d’intégrité;

6. La reddition de compte, la communication et la gestion des parties prenantes; 7. Le contrôle interne, l’audit et la conformité;

8. Le diagnostic, la surveillance et la gestion des risques.

C’est au CA que revient la responsabilité de mettre en place les instances, les principes, les politiques et les directives nécessaires à l’instauration et le maintien d’un système de gouvernance efficace (OCDE, 2004). C’est aussi à lui d’établir le code de gouvernance de l’organisation, dans lequel sont définis le

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mandat, les responsabilités et l’autorité du conseil et des comités, ainsi que les politiques de gouvernance. Ce code devra aussi définir la manière dont les administrateurs doivent prendre leurs décisions et entre autres contenir les procédures de sélection, d’évaluation et de rémunération des administrateurs (Règlement 58-101 sur l’information concernant les pratiques en matière de gouvernance; ICGN, 2014, CCGG, 2013).

Dans le cas d’une PME ou d’un OBNL, l’instance du CA peut parfois représenter un fardeau pour le directeur général (IGOPP, 2008). Dans ce cas, il peut être plus recommandé de faire appel à un comité consultatif chargé de donner des avis et des conseils à caractère stratégique (ibid.). Ce comité n’a ni pouvoir décisionnel ni responsabilité juridique à l’égard de l’organisation, contrairement à un CA, et se définit comme suit :

« Groupe de personnes indépendantes chargé de donner des avis et des conseils aux dirigeants d’une entreprise sur des problèmes précis et qui se réunit de façon régulière. Contrairement à un conseil d’administration, les membres d’un comité consultatif n’ont ni le droit de voter sur des décisions d’entreprise ni de responsabilité juridique à l’égard de l’entreprise. L’entreprise est libre de mettre en place ou non les recommandations du comité consultatif. » (BDC, 2014)

Un sondage réalisé pour le compte de la BDC en 2013 révèle que 6 % de l’ensemble des PME canadiennes s’étaient dotés d’un comité consultatif, dont la moitié (ou 3 % du total) l’ont fait alors qu’elles disposaient aussi d’un CA. Ce sondage révèle aussi que 19 % des PME canadiennes comptent un CA (BDC, 2014, p.5).

Ce sondage a aussi révélé les principaux bénéfices que les entrepreneurs interrogés percevaient en lien avec la mise en place d’une structure de gouvernance comme celle d’un comité consultatif ou d’un CA. Parmi ceux-ci figurait sa contribution à définir une vision à moyen et à long terme de leur organisation, une capacité accrue à développer des orientations stratégiques claires, innovantes et cohérentes avec leur mission, ainsi qu’à mieux gérer leurs risques d’affaires et à améliorer la profitabilité de leur organisation en évitant des erreurs coûteuses. Parmi les autres avantages énumérés, cela permettait d’améliorer la rigueur et la structure de gestion de l’organisation, de rassurer les actionnaires et les investisseurs sur le sérieux et la crédibilité de l’organisation, d’avoir accès et d’élargir le champ d’expertise et de compétences au sein de l’organisation et d’obtenir des avis et des conseils externes avec du recul pour la prise de décision (IGOPP, 2008; BDC, 2014).

La grille de diagnostic comprenant les indicateurs de performance permettant d’évaluer la maturité dans ce domaine d’action de la gouvernance est présentée au tableau 5.2 suivant.

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Tableau 5.26Grille de diagnostic – Le conseil d'administration et le comité consultatif

Afin de pouvoir assumer adéquatement ses fonctions, le conseil est appuyé dans ces tâches par un ensemble de comités permanents ou spéciaux, selon les besoins et la taille de l’organisation. La prochaine section vise à développer les concepts concernant ces instances, leurs rôles, leurs responsabilités et les meilleures pratiques reconnues en la matière.