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Le concubinage, la nécessité d'une reconnaissance juridique complète

1. Présentation du concubinage

1.5 Le concubinage, un mariage informel

--~---des mesures variables, selon la diversité --~---des caractères et du mode de vie de chacuni79. La détermination des faits probants doit, en conclusion, varier en fonc-tion de l'effet recherché. L'aspect économique de l'union est ainsi capital en matière de droit social, alors qu'en matière de bail par exemple, les relations personnelles sont au premier plan 180; les objectifs sociaux de la législation doivent guider la définition du groupe familial181. Il convient de ne pas se figer sur un critère passe partout, qui donnerait au concubinage sa visibilité en tous domaines, comme par exemple le critère de la durée d'une relation, auquel nombre de pays accordent pourtant leurs lettres de noblesse182.

1.5 Le concubinage, un mariage informel

Le concubinage a plusieurs visages, tant s'agissant des faits probants qui l'attes-tent, que des motivations le sous-tendant183. Il n'est certes pas aisé de gérer une réalité qui échappe à un moule prédéterminé, si cher à 1' esprit juridique : la vie se déploie avec plus de souplesse et de vitalité que le monde du droit. Or, la sagesse des concubins frappe, même si certaines situations sont moins traditionnelles, et de ce fait plus ambiguës. Ses motifs et objectifs sont ainsi généralement louables et courageux, faisant une confiance suffisamment aveugle à la force et à la soli-darité de l'union pour se passer de formalisme, à tout le moins dans les temps heureux. Ses éléments constitutifs ne font guère preuve d'une originalité extra-vagante susceptible de nous laisser sans points de repère. Il n'est en conséquence pas permis d'approfondir une réflexion sur le concubinage en partant de l'idée qu'il conespond à un choix fondé sur un attachement sans borne à la liberté, décidé en âme et conscience, et à un rejet parallèle des conséquences qu'une union est à même d'engendrer. Ce type de concubinage, plus théorique que vécu, retient particulièrement l'attention, étant donné qu'il se met à l'opposé de notre histoire et interprète les valeurs fondamentales de nos sociétés modernes jusqu'à leur extrémité. Le culte passionnel de la libetté reste toutefois un mythe ! Le concubinage conespond au contraire à une vision de la vie de couple qui ne 179 Dans ce sens: STAMBELOU, p. 182; et déjà en 1940: BRON, no 76; NOIR-MASNATA, p. Il;

PULVER, p. 195. Le courant féministe prône ég. une conception large de l'union, cf. MÜLLER-FREIENFELS, Rechtsfolgen, p. 777.

180 Dans ce sens : MÜLLER-FREIENFELS, Rechtsfolgen, p. 772.

181 182 183

Dans ce sens : FORDER, Rapport, p. 8.

Critère par ex. repris par SCHWANDER, p. 922, mais non dans les propositions de SCHUMA-CHER, p. 864. BORRILLO, Pacs, p. 302, note que «l'ordre juridique, dans l'absence d'acte formel, prend compte du temps pour l'octroi d'effets de droit».

MEULDERS-KLEIN, Mariage, p. 280, en conclut qu'il n'a pas de visage et traverse lui-même une crise d'identité !

Le concllbinage, la nécessité d'une reconnaissance juridique complète

diffère guère du reflet matrimonial, n'en déplaise d'ailleurs à leurs détracteurs respectifs184. Il ne représente de surcroît en rien une fracture, mais se sihw dans la suite du mouvement transitant du statut au contrat, qui imprègne l'évolution en cours dans le droit du mariage. Ce phénomène n'a à nouveau rien de choquant ou de surprenant: l'osmose est un processus aussi doux que prévisible. Le contrat fait allusion à une solidarité assumée davantage sur la base de l'autonomie de la volonté, plutôt que déduite froidement de la loi, ce qui est en hannonie avec les nouvelles conceptions sur le mariage. Il ne s'agit aucunement d'une négation de solidarité entre les membres du couple185. L'emprise de la liberté individuelle pâlit la nécessité du formalisme, sans effacer son fondement : la quête du bonheur au travers de l'union. Le couple se construit spontanément en dehors de toute fmmalité, son essence étant la qualité intrinsèque de la relation qu'il scelle186.

Comme Atwater le souligne déjà dans le titre de son article : <<Long-term Cohabitation without a Legal Ceremony is Equally Valid and Desirable».

Le concubinage est en conclusion un mariage informel187! Le doyen Carbonnier s'est d'ailleurs exclamé : «la question du mariage, résumons-la crûment: c'est la question du concubinage»188. Comment ignorer un tel phéno-mène, qui n'a rien d'une affaire de mode? L'histoire nous enseigne la pérennité de certaines limites à 1' autonomie de la volonté, dans le sens où la régulation de l'organisation de la vie privée n'a que rarement été laissée à l'entière disposition des individus. La réalité sociale est autant le guide que l'essence du monde juri-dique. D'aucuns accusent les fiançailles de consister dans une institution devenue désuète, dont le maintien dans le Code civil se justifie à peine189. L'absence supposée de corrélation entre fait socialement vécu et institution consacrée légis-lativement constitue le fondement d'une telle réticence. Or, l'augmentation de la fi·équence du concubinage, corrélative en partie au nombre dégressif de mariages et à la multiplication des divorces, impose une reconnaissance qui soit égale à son enjeu social. Ni l'Etat, ni la société, ne tirent avantage de la négation de leurs

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188 189

En Suède par ex., comme en France, en 1980, 90 % des couples estiment que leur relation a autant de valeur qu'un mariage : SCHWENZER, Status, p. 161, note 40.

Confirmé dans l'expérience américaine: MELTON, p. 499.

Dans ce sens : MÜLLER-FREIENFELS, Rechtsfragen, p. 740s.

Dans ce sens: MÜLLER-FREIENFELS, Rechtsfolgen, p. 737, la définition négative du concu-binage étant ainsi plus facile qu'une approche positive; Naien, p. 659s, cette relation du droit japonais est ég. née de la conclusion que l'essence du mariage ne vient pas de sa formalité; l'on peut parler alors du mariage de fait.

CARBONNIER, Jean, Le droit entre le droit et le non-droit. Conclusion juridique pour un colloque de démographie sur la nuptialité, IXe colloque national de démographie, Congrès et colloques no 7, INED 1991; conclusion publiée, in: Revue Population, no 3, 1992.

Par ex. BRUNNER, Christiane, BOCE 1996 745; contra: KÜCHLER, Niklaus, BOCE 1996 750.

Les partenariats

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racines mêmesl9D; à long terme, une telle démarche est en contradiction avec leurs intérêts vitaux. Il est irréaliste de penser effacer une réalité sociale en l'igno-rant. Elle revient immanquablement par la petite porte et déstabilise ce faisant l'ensemble de l'édifice social, dépourvu des moyens adéquats pour gérer la situa-tion et parant alors au plus pressé. Or, le terrain de nos jours est suffisamment mûr pour permettre la coïncidence entre définition légale et sociale du mariage, la démarcation claire entre mariage formel et informel s'effaçant suite à un processus historique continul91. De cette présentation transparaît déjà qu'un trai-tement fondamentalement différent du concubinage et du mariage ne peut être raisonnablement soutenu, et ce cetiainement pas sur la base d'une idéologie ultra-libérale, égoïste et négatrice. Confrontés à la ressemblance toujours plus fasci-nante des concubinages modernes et du mariage, Huet-Weiler et Hauser s'exclament, ce en 1989 déjà: «c'est dire que ces unions libres appellent un minimum d'organisation juridique, sinon un statut»l92!

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~--190 Dans ce sens en doctrine américaine: MELTON, p. 499, 516s.

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OLENDON, State, p. 81; O'DONOVAN, p. 44ss; PARKER, Act, p. 133s, souligne ce processus historique menant aujourd'hui simplement à un réajustement de définitions.

Traité, p. 167. Contra: CARBONNIER, Droit, p. 178: «Réclamer un statut juridique pour un phénomène dont la finalité, la raison d'être est précisément de se situer en dehors du droit, n'est-ce pas une contradiction intenable ? ».

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2. La reconnaissance du concubinage : le point de vue des droits de