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La capacité matrimoniale au tamis de l'ordre public

Le leurre du mariage en tant qu'union exclusive

1. Racines et évolution du mariage dans la société

3.1 La capacité matrimoniale au tamis de l'ordre public

Le tamis de l'ordre public conduit au cœur du mariage-institution, à ses fonde-ments les plus irréductibles. Ordre public et droits de l'homme y entretiennent des liens particulièrement étroits4.

3.1.1 Le libre consentement des partenaires

a) Le libre consentement: une exigence fondamentale des droits de l'homme

La faculté de pouvoir contracter mariage avec la personne de son choix est une des plus grandes libertés acquises à la révolution française. Le consentement exprès, personnel, mutuel et libre des partenaires n'est certes qu'implicitement garanti aux ati. 14 CF et 12 CEDH5. Il s'agit néanmoins d'un élément fonda-mental, qui mène à la notion du mariage-institution6. Le mutisme de l'art. 12 CEDH surprend, dans la mesure où l'art. 16 § 2 DUDH, sa source

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Sur les conditions au mariage en général : HAUSHEER, Ehefahigkeit, Ehehindemisse und Ungiiltigkeit der Ehe, in: REC 42 (1974) 333; MERONI.

DR 72 271; DR 48 253.

ANTONOPOULOS, p. 203.

Sur la conclusion du mariage et la réserve d'ordre public : OTHENIN-GIRARD, p. 347ss,

§ 549ss. Sur l'ordre public et la dimension sociale de la famille :BUCHER, Famille, p. 62ss.

MALINVERN!, Pactes, p. 62; PALM-RISSE, p. 104-106. Eg.: FROWEIN/PEUKERT, p. 423,

§ 4, un mariage forcé violerait de surcroît l'art. 8 CEDH.

Tant dans la norme constitutionnelle, cf. GUILLOD, Liberté, p. 104, 106s, que conventionnelle, et ce également par le renvoi à la législation nationale.

Le leurre du mariage en tant qu'union exclusive

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-d'inspiration, exige expressément le libre et plein consentement, à l'instar de l'art. 23 § 3 PIDCP, par ailleurs directement applicable; il s'agit même, au côté du postulat d'égalité contenu au§ 4, de la plus importante partie de cette norme, qui a en particulier pour but de protéger la liberté matrimoniale des jeunes filles et garçons à l'encontre des unions arrangées par leurs parents. Le caractère stric-tement personnel du droit de se marier est mis en évidence : il ne tolère aucune exception?. Cette caractéristique, ainsi que la condition du plein et libre consen-tement des deux parties au mariage, font l'objet de l'art. 1 § 1 de la Convention sur le consentement au mariage, instrument international, ce1tes non ratifié par la Suisse, mais également source du standard minimum d'exigences en matière de protection des droits de l'homme&. A ces dispositions s'ajoutent enfin les art. 10 § 1 PIDESC, qui mentionne in fine le libre consentement des futurs époux9, 17 § 3 CADH et 161it. b de la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes!O. L'importance viscérale de cette condition ne saurait en conséquence être mise en doute II! La condamnation des mariages précoces, forcés ou monnayés, est une preuve importante de la mise en place d'un régime démocratique de mariagel2. En droit islamique notamment, des restrictions à la liberté de la femme de choisir son partenaire existent toutefois encore; une imp01tante attache à l'approbation parentale reste ancrée dans les mœurs13. Il est même fait état de nouvelles pratiques en Algérie, les mariages collectifs des jeunes couples à la Mosquée sous l'autorité de l'Imam, les futurs époux se choisissant sur photos à la Mosquéei4. La question de la reconnaissance de telles unions n'est pas anodine. Que le consentement des parties appartienne à l'essence même du mariage est en effet illustré en droit inteme par l'inexistence

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NOWAK, CCPR, p. 443-445, § 30 in fine et 31, voir ég. : § 31, et réf. note 73.

PALM-RISSE, p. 107. Adoptée par l'AG des NU le 7.12.62, en vigueur le 9.12.64, in: CdE, Recueil, p. 362ss. Sur son mécanisme : ERIKSSON, p. 168-170. Une Recommandation sur le consentement au mariage, l'âge minimum du mariage et l'enregistrement des mariages y a fait suite le 1.11.65, Résolution 2018 (XX) de l'AG, in: CdE, Recueil, p. 365ss.

PALM-RISSE, p. 108s, s'interroge sur la différence rédactionnelle entre les art. 23 § 3 PIDCP et 10 § 1 PIDESC, et conclut à l'équivalence de leur champ d'application, les deux Pactes devant être lus de concert.

RS 108; ratifiée par la Suisse le 27.3.97. Adoptée par l'AG des NU le 18.12.79, en vigueur le 3.9.81, in : CdE, Recueil, p. 112ss. Elle est considérée plus comme un geste politique que comme un acte concret contre la discrimination. Sur son mécanisme : ERIKSSON, p. 175-178.

Cf. ERIKSSON, p. 78ss.

Cf. la loi chinoise de 1980 sur le mariage : WANG, p. 117s. Voir ég. : GLENDON, Etat, p. 35ss, sur la conclusion du mariage d'un point de vue de droit comparé.

Jusqu'en France: RUDE-ANTOINE, p. 95. L'Afrique connaît ég. des entorses: NHLAPO THANDABANTU, p. 15s.

VANDEVELDE, p. 24ss, 35. Les deux parties, leur consentement réciproque, la dot, la puissance paternelle, les témoins, le contrat de mariage et la formalité du mariage musulman constituent ses fondements : AL-MIDANI, p. 34.

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du mariage contracté en son absence. Cette union n'est pas susceptible d'être annulée en justice, tout au plus son inexistence peut-elle y être constatéel5. Mais jusqu'où les tribunaux sont-ils en droit de nier tout effet à une union, aussi contraire à nos conceptions soit-elle, si celle-ci s'est ancrée dans la réalité et le temps ? La soumission du pouvoir judiciaire face au concubinage en est le témoin. Or, un mariage inexistant constitue au moins un concubinage tangible ! L'équité et la protection de la bonne foi, des pa1tenaires comme des tiers, obligent certainement à tempérer une telle inexistence, alors que l'union, à défaut d'être entérinée formellement, l'est concrètement par les faits. Une procédure de divorce n'est-elle pas alors le meilleur garant de la justice lors de la dissolution d'une union déjà en soi douloureuse? La difficulté d'ériger des principes fonnels et rigides ne résiste décidément pas à la vivante réalité. L'exigence du libre consentement des partenaires n'en demeure pas moins une condition essentielle du mariage, à ce point fondamentale que son intégration dans l'esprit d'une société devrait prévenir la conclusion de mariages monnayés !

b) L'ambiguïté du libre consentement face aux conséquences naturelles de l'union

Les fervents défenseurs du mariage ne manquent pas de dénoncer toute approche par trop juridique du concubinage comme un système législatif fondé sur des conceptions ultra-individualistes, pseudo-égalitaires, et en parfaite contradiction avec la tradition républicaine de l'égalité effectivement assurée dès lors que mari et femme peuvent librement choisir d'entrer ou non dans le mariagel6. A l'opposé, les tenants d'un ultralibéralisme parviennent à la même conclusion!?!

Partisans et détracteurs du concubinage soulignent l'abandon de la morale tradi-tionnelle en accordant au concubinage ne serait-ce que l'ébauche d'un statut, alors que pour Krause, auteur cité à la note précédente, il s'agit au contraire d'une forme de mini-mariage forcé, qui élimine la possibilité d'un concubinage dépourvu de tout lien juridique, ressuscitant le statut légal du concubinage du temps des vendanges au Moyen Age ! Selon cet auteur, même en 1215, époque pourtant rarement citée en exemple pour son respect de la liberté individuelle, la Magna Carta énonçait qu'aucune veuve ne serait forcée de se remarier ! Dans ce sens, un projet législatif de 1968 présenté au Parlement danois, qui visait à permettre à l'un ou aux deux concubins d'exiger la reconnaissance légale de leur

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ATF, in: REC 65 (1997) 75-78, 145-147 =Praxis 86 (1997) no Il, refus au nom de l'ordre public de reconnaître un mariage fondé sur une procuration falsifiée, mais l'on aurait pu se demander si le mariage était valablement célébré, cf. BUCHER, in: RSDIE 8 (1998) 249-251; ATF 114 II 4 = JT 1990 I 286. WERRO, p. 91, § 375-377.

Par ex.: DREYFUS, p. 210.

Par ex. : KRAUSE, Droit, p. 143s, note 40.

Le leurre du mariage entant qu'union exclusive

union d'une durée minimale de trois ans, avec tous les effets d'un mariage, fut mal accueilli par le Folketing en raison de son incompatibilité avec l'art. 23 § 3 PIDCP18. Le même raisonnement, fondé sur l'affranchissement du consentement de toute contrainte, a conduit le législateur français à ne pas régle-menter les fiançailles19. Tant la France que le Danemark ont pourtant dû s'in-cliner devant 1 'osmose réunissant mariage, concubinage, et même fiançailles, par le biais d'une approche du consentement moins fonnaliste et ce faisant plus proche de la réalité.

Le consentement des parties ne saurait, de surcroît, être examiné seulement sous l'angle de son pouvoir créateur de l'union, mais il doit également englober celui d'y mettre fin. Le consentement est en effet un processus en quelque sorte continu. La conséquence de la théorie du mariage-contrat implique qu'il est susceptible d'être rompu comme toutes les conventions par le consentement des parties, ainsi que par l'idée de liberté individuelle, droit fondamental et inalié-nable consacré par les textes. L'accès facilité à la désunion permet en conclusion une approche plus pragmatique du consentement.

3.1.2 L'âge des partenaires

Le concept d'âge nubile fait partie de l'ordre juridique suisse, non seulement eu égard aux dispositions du droit international des droits de 1 'homme, notamment les art. 12 CEDH, 23 PIDCP et 16 DUDH, mais également par le biais du Code civil, qui fixe une telle frontière temporelle, implicite ce faisant au droit consti-tutionnel de se marier. L'Etat a l'obligation de fixer l'âge nubile, mesure étatique nécessaire à la réalisation du droit de se marier2ü, L'art. 2 de la Convention sur le consentement au mariage prévoit d'ailleurs spécifiquement cette obligation de légiférer.

Les majorités civile et matrimoniale coïncident en Suisse depuis le 1er janvier 1996, fixées à dix-huit ans21. Cet abaissement de l'âge nubile consiste dans un acte de libéralisation de la capacité matrimoniale; 1' on peut à ce titre regretter l'absence d'un système de dispenses disponibles pour de plus jeunes

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MEULDERS-KLEIN, Mariage, p. 279.

LAMBACHA, p. 27ss.

AUER et al. II, n. 369; BEDDARD, p. 60; FROWEIN/PEUIŒRT, p. 421, § 1. PALM-RISSE, p. 126, envisage toutefois l'hypothèse d'un Etat ne fixant pas d'âge nubile, sans conclure qu'il violerait par là même ses obligations intemationales, ce bien qu'elle admette l'exigence de mesures étatiques pour la réalisation du droit de se marier, cf. p. 122.

Art. 14, et 94 al. 1 CC. RO 1995 1126; Message Age CCS. Eg. : HEUSSLER, in: REC 61 (1993) 148-150; SANDOZ, Famille 96, p. 110; WERRO, p. 68, § 248-251.

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candidats22. L'accès au mariage a en effet de ce point de vue été restreint, ce qui sous l'angle du respect des droits fondamentaux ne nous convainc guère. Fixer un âge nubile élevé tend en règle générale à éviter les mariages précoces dans un souci de planning familial, fondé en pmiiculier sur des préoccupations écono-miques et démographiques23. De telles considérations arguées par un pays euro-péen seraient d'une conventionnalité douteuse. Elever l'âge matrimonial n'est de surcroît guère efficace si l'on en croit par exemple l'expérience des pays du Maghreb; en pratique, des mariages de très jeunes enfants sont tout de même célébrés par les familles, et ce jusqu'en France24. L'effet de la loi sur les mœurs sociales reste décidément limité ! Certains pays, comme la Pologne, ont toutefois reculé devant la libération du mariage, celle-ci ayant porté des fruits peu satisfai-sants25. Relevons enfin que l'âge matrimonial suédois, fixé à dix-huit ans, peut être considéré comme relativement élevé. En dépit de dispenses, il est même dénoncé comme une exception à la libéralisation des lois sur la capacité matri-moniale et au développement général du droit au mariage26. Cette constatation milite, en conclusion, pour repenser plus libéralement encore notre approche de l'âge nubile, ce certes dans les limites fixées par la capacité de discernement.

3.1.3 La capacité de discernement des partenaires

a) La capacité de discernement à l'épreuve des droits de l'homme

La capacité de discernement est une condition expresse du mariage exigée par l'art. 94 al. 1 CC, et très largement admise dans la jurisprudence du TF, qui a suivi en ce domaine l'évolution des conceptions sociales27. La loi vise ainsi à empê-cher la conclusion de mariages qui ne sont pas de véritables communautés et tend

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Selon l'art. 96 al. 1 et 2 a CC, l'âge nubile de la femme était fixé à dix-huit ans, avec une dispense possible dès dix-sept ans, alors que l'homme devait attendre vingt ans, une dispense étant néan-moins possible dès dix-huit ans.

BOUCAUD, Droit, p. 21; WANG, p. 121, cf. l'expérience chinoise: 1930-18/16 ans, 1950-20/18 ans, 1980-22/20 ans. Pour une large vue comparative des âges matrimoniaux: ERIKSSON, p. 48ss, p. 30ss.

RUDE-ANTOINE, p. 97.

MIKLASZ, p. 151-153, le mariage de mineurs de quinze ans avait été reconnu, un des premiers décrets totalitaires, le 25.9.45, portant sur le mariage. Il s'en est suivi un âge légal de vingt-et-un ans pour les hommes et dix-huit ans pour les femmes, cf. Code de la famille et de la tutelle du 25.2.64. De même en Algérie: VANDEVELDE, p. 24, note 18.

Dénoncée comme telle par BRADLEY, Law, p. 164.

ATF 109 II 273, 276-280 = JT 1985 I 290: le discernement d'une femme faible d'esprit, aux capacités intellectuelles tout juste au niveau d'un enfant en début de scolarité, y est admis. La doctrine est ég. très souple, par ex. : DUKOR, p. 59; GOTZ, n. 1 ad. art. 97; HEGNAUER/

BREITSCHMID, p. 44; WERRO, p. 69, § 252ss.

Le Jeune du mariage en tant qu'union exclusive

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-aussi à protéger une personne contre le danger d'être livrée à son conjoint. Selon une approche conservatrice, le mariage doit en tout cas être préféré à un éventuel abandon social, ou au concubinage2s. La clause de faveur matrimoniale est bien ancrée dans nos conceptions ! Une interprétation sévère de l'art. 94 al. 1 CC serait certes contraire à sa ratio legis, étant donné qu'elle augmenterait le cercle d'exclus de la jouissance du droit fondamental au mariage. L'on porterait alors atteinte de façon importante à des droits éminemment personnels, garantis par la Constitution et le droit international des droits de l'homme, sans qu'une telle atteinte soit justifiée par un intérêt public ou la protection de l'un ou de l'autre des partenaires. Le juge civil peut ainsi être amené à coniger une norme de droit privé par le biais de l'interprétation conforme à la Constitution29. L'exigence de la capacité de discernement est par ailleurs certainement compatible avec l'art. 12 CEDH, à tout le moins en interprétant ce concept de manière extrême-ment libérale3o.

L'art. 97 al. 2 aCC, qui excluait du mariage les personnes atteintes d'une maladie mentale, que celles-ci soient capables ou non de discernement3I, a enfin été supprimé dans la modification du Code civiP2. Fondée sur des motifs eugé-niques du début du siècle, incompatibles avec les connaissances actuelles, cette interdiction portait en effet manifestement atteinte au noyau essentiel du droit fondamental de se marier au sens des art. 54 al. 1 et 2 aCF, 12 CEDH et 23 PIDCP. Il s'agit au contraire d'examiner in concreto la capacité de discerne-ment, notion relative, du fiancé atteint d'une telle maladie. Le droit fondamental de se marier implique, en conclusion, qu'il ne se justifie en aucun cas d'être exigeant dans 1' examen de la capacité de discernement des fiancés, condition au mariage d'une élasticité modèle ! Cette condition d'ordre public s'applique, par ailleurs, indépendamment de tout formalisme lié à la conclusion de l'union, ce sur la base de l'art. 18 CC, règle générale relative à l'incapacité de discernement.

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Sur le lien entre capacité de discernement et intérêt de la personne au mariage : SUTTER, Vier, p. 337s, et réf.

AEPPLI, p. 99ss, 103. Eg.: HALLER, p. 27, § llO; MALINVERN!, 113, p. 394; MÜLLER, Droits, p. 12, 16-19, § 46-57 et 64, note 112; VILLIGER, Recht, p. 496.

Eu égard au respect de son noyau dur: HÂNNI, p. 368; HEGNAUER/BREITSCHMID, p. 37, 3.06.

ATF 73 1 167= JT 1947 550.

Message 95 CCS, p. 65, Rapport 92 CCS, p. 11, 2.2.2.1 in fine. KELLER, C., p. 26-29, nous apprend que cette norme a failli être renforcée dans les années 40 au nom des thèses eugéniques de 1 'Allemagne nazie !

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b) L'annulabilité du mariage comme sanction de l'incapacité de discernement

L'art. 18 CC n'est pas applicable au mariage en raison des art. 120 ch. 2, 121 et 123 aCC, repris aux art. 105ss CC33. L'incapacité durable de discernement du fiancé lors de la conclusion du mariage entraîne l'annulabilité du mariage, qui nécessite l'introduction d'une action formatrice en nullité34. Le mariage reste ainsi pleinement valable aussi longtemps qu'il n'a pas été annulé par le juge, le jugement n'ayant de surcroît aucun effet rétroactif sauf en matière successorale35.

Les règles applicables en matière d'annulation du mariage sont souvent invo-quées comme le témoin de la persistante faveur pour le mariage. En 1973 déjà, la Suède a par exemple abandonné les cas de nullité du mariage ou d'annulation en raison de l'incapacité matrimoniale des époux36. Dans tous les cas de figure, le divorce est la procédure à suivre. Dans la loi finlandaise de même, l'annulation du mariage n'existe plus37. Une telle évolution entraîne une diminution nette de l'importance des règles sur la capacité matrimoniale. Elle met en évidence combien l'ordre juridique n'est pas en mesure de nier une union qui a déployé dans le temps des effets et combien la force de la réalité factuelle prime sur les formes imposées par le droit. En Suisse également, un léger mouvement a tendu dans ce sens, certes un peu malgré lui. L'art. 120 ch. 4 CC, qui prévoyait la nullité du mariage lorsque celui-ci était conclu non pour fonder une communauté conju-gale mais pour éluder les règles sur la naturalisation, a ainsi été abrogé38. Les mariages «fictifs»39 ne sont en conséquence pas annulables, et ce malgré une tentative au Conseil des Etats de réintégrer cette disposition dans le droit du mariage40. Le maintien des règles relatives à l'annulation ne va pas de soi;

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Sur l'annulation du mariage: WERRO, p. 91ss, § 372ss.

BUCHER, Personnes, § 197; WERRO, p. 94, § 394. Pour une approche comparative des causes de «démariage», voir l'ouvrage de POUSSON-PETIT, Démariage.

Art. 109 al. 1 CC. PIOTET, p. 231; SANDOZ, Union, p. 595s, note 52, et réf.

BRADLEY, Law, p. 164s.

MODEEN, p. 180.

Dépourvu de raison d'être depuis le remplacement de l'acquisition automatique de la nationalité suisse par le système de la naturalisation facilitée. Sur les mariages de nationalité : WERRO, p. 76s, § 296-300. Voir ég. : KELLER, J., p. 2s, 34s, 54ss.

Le terme «fictif» n'est pas correct juridiquement, car il évoque une simulation (sur l'analyse de cette notion: COURVOISIER, p. 227-256), qui est une cause de nullité absolue du contrat qu'elle vicie, alors que le droit suisse ignore la nullité absolue des mariages, cf. SANDOZ, Ethique, p. 419, note 7.

Tentative qui échoua, cf. SANDOZ, Famille 97, p. 109, s'en réjouissant. Voir: JT 1998 IV 79.

Les tentatives sont toutefois récurrentes, alors que la Commission des Etats, favorable à des sanc-tions, tient à combattre les mariages blancs, cf. haro sur les mariages blancs, Le Temps 1.5.01, p. 9; et par ex. NYFFENEGGER, p. 168, estime qu'il faudrait pouvoir annuler, du point de vue du droit civil, un mariage de complaisance. Relevons d'ailleurs avec regret que l'art. 11 de

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le Conseil fédéral se sent d'ailleurs manifestement obligé de le justifier dans son message41! Il aurait été plus sage d'y renoncer dans un souci des réalités.

3.1.4 Le consentement du représentant légal à l'union de l'interdit

Si le droit de divorcer est un droit strictement personnel absolu, qui n'appartient qu'aux seules parties engagées, le droit de se marier est en revanche un droit stric-tement personnel relati:fl2. Nécessaire pour les interdits, le consenstric-tement du représentant légal ne saurait toutefois remplacer celui des fiancés eux-mêmes. Le caractère seulement relatif du droit de contracter mariage au regard du respect de la liberté matrimoniale, tant constitutionnelle qu'issue du droit international des droits de 1 'homme, nous rend perplexes, tant une ingérence étatique dans cette sphère d'autonomie ne va pas de soi.

Depuis la coïncidence entre majorité civile et capacité matrimoniale, la problématique du consentement du représentant légal à l'union du mineur a disparu. Dans les pays ayant davantage tenu compte du mouvement de libérali-sation de la capacité matrimoniale, le mariage de mineurs est encore possible selon un système de dispenses que connaissait notre ancien Code civil. Il est

Depuis la coïncidence entre majorité civile et capacité matrimoniale, la problématique du consentement du représentant légal à l'union du mineur a disparu. Dans les pays ayant davantage tenu compte du mouvement de libérali-sation de la capacité matrimoniale, le mariage de mineurs est encore possible selon un système de dispenses que connaissait notre ancien Code civil. Il est