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L'importance du concubinage dans la société et sa signification sociale sociale

Le concubinage, la nécessité d'une reconnaissance juridique complète

1. Présentation du concubinage

1.3 L'importance du concubinage dans la société et sa signification sociale sociale

-Si le mariage a longtemps péché par manque d'égalité, modèle par excel-lence de soumission à la puissance patriarcale, ce au point qu'aujourd'hui encore ses réglementations sont regardées avec suspicion, les différentes formes de concubinage à travers l'histoire ne sont pas davantage un hommage à l'indépen-dance et à la dignité de la femme ! Mariage ou concubinage, ces modèles sont étroitement liés au rôle et au statut de la femme, dont l'évolution est un des facteurs expliquant la transformation des stmctures et mœurs familiales3 3. Que libetié ne rime pas nécessairement avec absence de réglementation est déjà une leçon de 1 'histoire. Comme s'est si bien exclamé Gautier : «c'est parfois la liberté qui asservit et au contraire, la loi qui libère»34. L'exemple du «semi-mariage» au Bas-Empire est à cet effet particulièrement intéressant. La dimension historique du concubinage permet de réaliser, en conclusion, combien l'organisation de la famille, sa régulation, et ce quel que soit le modèle choisi, sont inscrites dans l'histoire et les traditions d'une société35. Les antécédents historiques des réalités contemporaines ne nous aident certes pas à résoudre, mais à comprendre combien l'osmose des modèles familiaux est le ftuit d'un processus historique36.

1.3 L'importance du concubinage dans la société et sa signification sociale

La tradition suivie par une société, la place et le type de mariage qu'elle consacre, ont une importance décisive sur le genre et le nombre de ses concubinages. Plus la conception du mariage est en effet souple, permettant par là même différents mariages, plus la place réservée au concubinage s'amenuise. Or, nous connais-sons le mariage formel de tradition chrétienne, monogame et pour la vie, modèle de surcroît voulu exclusif ! Le caractère rigide de cette institution matrimoniale induit immanquablement des soupapes d'échappement afin de contourner la rigueur des nonnes et de leurs implications, non seulement juridiques mais égale-ment morales et psychologiques37. La reconnaissance du mariage apparent dans 33

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Quelle que soit la tradition d'une société; cf. l'évolution de la société au Maghreb: VANDEVELDE, p. 19.

GAUTIER, Union, p. 781.

L'ouvrage sous la dir. de RUBELLIN-DEVICHI, Monde, en est le témoin, cf. COMMAILLE/

PERRIN, p. 16.

PARKER, Act, suit ce processus historique en droit anglais.

La plupart des sociétés ont ainsi prévu des transgressions «fonctionnelles»: MEULDERS-KLEIN, Mariage, p. 264s, note 5. Le droit musulman admet au contraire divers types de mariages, permettant une satisfaction adéquate, variée, renouvelée et toujours licite du lien charnel selon VANDEVELDE, p. 22; JAHEL, p. 187, et note l, 190, 192, et note 22, système où droit et morale s'interpénètrent le plus, l'inégalité de la femme lui donnant sa cohérence, prix de la permissivité sexuelle, afin d'assurer la stabilité de la cellule familiale.

Les partenariats

la législation israélienne est à cet effet un exemple topique, eu égard à son rôle spécial dans la découverte d'une solution indirecte aux problèmes posés par l'écart entre la rigueur du droit religieux et la réalité du siècle38.

Si pendant longtemps le concubinage a été considéré comme un état de fait relevant du non droit, le droit intervenant pour le condamner ou le sanctionner, ce fait de société est devenu dans de très nombreux systèmes juridiques un fait juri-dique, étant donné son ampleur croissante39, Il y a bientôt vingt ans que le Conseil de l'Europe consacrait son 11 e Colloque de Droit Européen aux couples non mariés40. A la même époque, la doctrine commence à s'intéresser de manière plus intense au phénomène41.

L'intérêt de la Conférence de La Haye pour les dimensions de droit inter-national privé de la cohabitation non maritale remonte à des années. En décembre 1987, le Bureau permanent prépare une première note sur le droit applicable aux couples non mariés42; si l'élaboration d'une Convention à ce sujet n'est pas alors jugée nécessaire, le point est toutefois maintenu à l'ordre du jour, et le Bureau permanent continue, au cours des années suivantes, à observer l'évolution en droit comparé. En 1993, il établit une seconde note sur les dispositions applica-bles aux couples non mariés, cette problématique étant inscrite à l'ordre du jour des travaux futurs de la Conférence43. Cette note signale en effet que le phéno-mène de la cohabitation de couples internationaux est bien établi en Europe occi-dentale, et prévoit qu'il ne fera que s'amplifier avec la garantie de la libre circulation des personnes et l'ouverture des frontières en Europe orientale.

L'extension du concubinage est en conséquence sur le point d'entraîner une multiplication des conflits de lois44. En 1996, lors de sa 18e session, la Conférence maintient à l'ordre du jour les questions concernant «la juridiction, le droit applicable, la reconnaissance et l'exécution des jugements dans le cas de couples non mariés». Les options et les possibilités d'une approche uniforme en 38

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Bureau permanent, note 93, p. 120; selon ROSEN-SVI, p. 163 et 167, un système manifestant un excès de puritanisme face au mariage accorde alors une expression normative à un libéralisme excessif à travers 1' institution du mariage apparent.

Bureau permanent, note 93, p. 110, 119-138, pour une vue comparative du concubinage dans différents systèmes juridiques, et SCHWAB/HENRICH.

A Messine du 8-10.7.81. Le droit de la famille est au premier rang des soucis du CdE:

HARREMOES, p. Il.

GROSSEN/GUILLOD, p. 269; SCHNEIDER, Enfants, p. 122, le soulignent. Ce particulière-ment par ex. en Allemagne: RONKE, p. 334s, réf. note 7; STR.ÂTZ, Rechtsfragen, p. 303, réf. notes 20s.

Actes de la 16e Session (1987), tome I, questions diverses, p. 159-161.

Actes de la 17e Session (1993), tome 1, matières diverses, p. 108-147.

Voir d'ailleurs le <<Proposa/ for a number of provisions of private international law regarding registered partnerships» (mai 1998), projet néerlandais, cf. JESSURUN D'OLIVEIRA, p. 39ss.

Pour plus d'information: in.fi'a, chap. 1, 3.1.4.

Le C()llcubi!l~ge, la nécessité d'une re~<mnaissancej11ridique complèt~

droit intemational privé, face à la cohabitation hors mariage et au partenariat enregistré, est la tâche qui a été donnée récemment au Bureau permanent45. La nécessité pour la Conférence de La Haye d'intervenir dans le développement de règles de droit intemational privé, tant en ce qui conceme les partenariats enre-gistrés que la cohabitation hors mariage, est d'ailleurs soulignée dans la doctrine récente46. Les relations maritales de fait entrent au demeurant dans les Conventions intemationales. C'est ainsi que la Convention de La Haye sur la protection des adultes du 13 janvier 2000, ceties à propos des matières exclues, se réfère au mariage et «ali similar relationships». Cette prise en considération au niveau intemational du concubinage est le témoin d'un phénomène social incontoumable.

«De phénomène marginal vécu par quelques sans titres qui venaient grossir la classe déshéritée qui s'accommodait fort bien de cette union de seconde zone, le concubinage est devenu une nouvelle forme de vie maritale, désacralisée, déculpabilisée et ouverte à toutes les classes de la société»47. D'un épiphénomène d'organisation osée de la vie privée, le concubinage a rejoint le rang de la bana-lité, certains en déduisant un retour possible de l'institution matrimoniale48. Voici une belle épine dans le pied des détracteurs d'une quelconque reconnaissance d'unions parallèles au mariage, au nom du tort que l'on porterait à ce demier ! Les réactions de rejet, liées à des considérations morales, religieuses, ou éthiques ne sont ainsi plus guère de mise. Ces propos sont-ils manifestement tenus par une citadine genevoise49? La proportion de concubins est en effet plus élevée en milieu urbain et la partie romande de la Suisse est traditionnellement davantage tolérante, bien que la différence de sensibilité se soit peut-être inversée, si l'on en croit l'attitude plus souple des Eglises alémaniques concemant la bénédiction de couples non mariés hétérosexuels et homosexuels50. Quoi qu'il en soit, un sondage publié en août 1978 par la NZZ révélait que 69 % des personnes inter-rogées et 85 % des jeunes toléraient déjà le concubinage51.

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Bureau permanent, Doc. prél. 9, p. 6.

SARCEVIC, Law, p. 37ss.

François HELEINE, dans un article de 1980, cité par DELEURY /CANO, p. 85, et note 2.

RUBELLIN-DEVICHI, Europe, Avant-propos, p. 7.

En Allemagne par ex., l'acceptation du concubinage varie selon l'âge, le milieu urbain ou rural, le niveau d'éducation, la confession n'ayant pas d'importance significative: SCHWENZER, Status, p. 162s.

JdG 15.11.96, p. 11, le clivage linguistique étant la principale ligne qui divise les Eglises dans ce débat. L'Eglise évangélique réformée du canton de Fribourg, bilingue, s'est toutefois ralliée, cf. JdG 5.11.97, p. 16.

GROSSEN/GUILLOD, p. 271; MARTY-SCHMID, p. 85. Chiffres similaires en Allemagne, cf. NIEBLER, p. 15.

Les partenariats

Pour une vue comptable du phénomène, en 1989, Grossen et Guillod concluaient qu'en Suisse les concubins constituaient entre 2 à 8 % des couples selon les cantons, l'incidence du phénomène étant toutefois en augmentation52. Si l'on ne prend en considération que les unions sans enfant, les concubins repré-sentent alors 16% des couples en 199053. L'importance de l'union libre ne peut en conséquence être ignorée54. En 1998, le nombre de mariages continue à dimi-nuer à la faveur du célibat, baisse également enregistrée partout en Europe55. Les modèles familiaux centrés sur l'institution du mariage perdent ainsi de leur attrait, et la formation de couples en dehors du mariage devient de plus en plus fi·équente. L'apparition de guides pratiques sur le concubinage témoigne d'un besoin accm56. La moyenne du concubinage est au demeurant plus élevée dans d'autres pays d'Europe57 et d'ailleurs58; l'explosion du phénomène a eu lieu un peu partout dans les années 7059. En Suède, le nombre d'unions hors mariage a

GROSSEN/GUILLOD, p. 270s, réf. notes 8s; augmentation déjà notée en 1980 par GROSSEN, Aspects, p. 258. Voir ég. : AUGSBURGER-BUCHELI, p. 162; CASANOVA, p. 29; HAUG, p. 47ss, leur nombre ayant triplé de 1980 à 1990; MESSMER, p. 52, estime à 100'000 les couples de concubins en 1980; PULVER, p. 18; RIPPMANN, p. 12-14; YERSIN, Arrêt, p. 432. Le Temps 14.7.99, p. 10, confirme que l'augmentation est toujours en cours; de même à l'étranger, par ex. : BAYER, p. 44; SCHWENZER, Status, p. 262; SZLEZAK, p. 2s. p. 6; BEGEOT, François, FERNANDEZ-CORDON, Juan Antonio, La convergence démogra-phique au-delà des différences nationales, in : COMMAILLE/SINGLY de, dir., La question fami-liale en Europe, L'Hmmattan, Paris 1997. La faveur du célibat n'est pas un phénomène exclusivement occidental, mais par ex. rencontré au Sénégal : SOW SIDIBE, p. 227.

Voir le guide suisse de RIPPMANN, qui en est déjà à sa 6e éd.; en Allemagne: HAUSMANN/

HOHLOCH; en France : DUCHET-NESPOUX, et le dictionnaire du concubinage de MAZAUD-LÜDER. Pour l'Angleterre: CLAYTON, déjà en 1981, et pour les couples de même sexe aux LUND-ANDERSEN, p. 329s, 19% en 1985, l'un des taux le plus haut au monde, NIELSEN, Danemark, p. 147; en Norvège, 33,3% en 1997 :FORD ER, N, p. 6, note 4; en France : PEYRARD; THERY, Pacs, p. 150, actuellement 5 millions. En Turquie, en 1981, 15,4 %, 15 % étant des mariages sociologiques, mais non légaux, sans célébration civile, et 0,4 % des concubinages à l'Occidental : ORÜSCÜ, p. 242.

STINTZING, p. 2lss, en Australie, 5 à 8% de tous les couples de 1982 à 1988, voir ég.: WADE, p. 69s. Le nombre le plus élevé de concubinages reste toutefois en Amérique latine, en particu-lier au Guatemala, Panama, Paraguay, Equateur, Haïti et au Venezuela : MÜLLER-FREIEN-FELS, Law, p. 263s; SANCHEZ CORDERO, p. 280.

MÜLLER-FREIENFELS, Law, p. 259, et réf. notes 3s; SCHWENZER, Status, p. 157s.

Le ~oncubinage, la nécessité d'une reconnaissance juridique complète

déjà dépassé celui des couples mariés60. Au Québec, en 1986, 12,6 % de l'en-semble des couples vit une relation de fait, et la progression du phénomène sur une période de cinq ans pour le Canada est de 36,5 %, soit concernant le 8,3 % des couples. Ces statistiques apparaissent très conservatrices, le gouvernement du Québec ayant publié une propottion de 20% en 1981 déjà; il devait s'agir d'un couple sur trois au Québec en 199161. Selon des statistiques américaines de 1986, seul 27,8 % des ménages américains consistait en un homme, une femme et leurs enfants, étant précisé que ce pourcentage inclut les familles dont les enfants ne sont pas communs aux deux parents62. Le taux de familles traditionnelles au sens étroit est alors encore plus bas et a de surcroît chuté avec les années. Voici un coup porté à la famille supposée représenter la norme ! La voie, qui s'ouvre inéluctablement au concubinage en tant qu'alternative valable au mariage fmmel, est ce faisant celle d'une reconnaissance, peut-être progressive dans un premier temps afin de ménager les susceptibilités, mais totale dans sa finalité.

Si la réticence, voire le refus, de reconnaître le concubinage réside dans la crainte d'assister à sa multiplication, l'on peut arguer qu'une telle reconnaissance n'encourage pas nécessairement son établissement. Pour les personnes qui plani-fient leur vie, en spéculant pour déterminer quel mode d'existence est économi-quement le plus intéressant, la reconnaissance de droits et d'obligations nés du concubinage est dissuasive. La superbe solitude peut alors devenir de plus en plus attrayante63; cette projection n'est d'ailleurs guère démentie par les statistiques concernant l'engouement pour la vie en solo64!

1.4 Ame et corps du concubinage : motivations et éléments constitutifs