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Le Cinématographe vu de l’Etna (1926, Jean Epstein)

A. L’essai

4. Le Cinématographe vu de l’Etna (1926, Jean Epstein)

Deuxième essai important sur le cinéma rédigé par Jean Epstein, Le Cinématographe

vu de l’Etna (Epstein [1926] 1974)338 regroupe plusieurs textes de provenance variée339.

Composant les cinq parties de l’essai, ces textes sont à recouper avec d’autres publications d’Epstein, par exemple avec « Le regard du verre » (Epstein 1925) paru en 1925 dans le numéro double sur le cinéma des Cahiers du mois. Nous retrouvons à nouveau dans Le

Cinématographe vu de l’Etna les préoccupations d’Epstein pour la photogénie – qu’il se

risque à définir un peu plus précisément qu’ailleurs340 – ainsi que son admiration pour le

personnage de Charlot341. À cela s’ajoutent d’autres éléments caractéristiques de la pensée

336 Le petit tirage du livre de Cendrars (550 exemplaires) ne permet pas de s’avancer sur la diffusion des idées qui

y sont proposées. Jean Prévost parlera – sans le nommer – de L’ABC du cinéma dans son article de janvier 1927,

« Le cinéma et la critique », en l’incluant dans un ensemble de productions sur le cinéma proposées par les

éditeurs. Difficile de dire quel a été le rayonnement d’un tel texte, mais il possède la signature poétique de Cendrars et se veut une tentative originale de parler du cinéma.

337 Nous n’avons pu consulter la version originale du Cinématographe vu de l’Etna. Nous nous référons donc à

l’édition qu’en a faite Pierre Lherminier dans le premier tome des Écrits sur le cinéma de Jean Epstein (Epstein 1974).

338 Le texte original a été publié aux éditions Les Écrivains réunis.

339 S’ouvrant sur un texte biographique sur un voyage en Sicile et sur l’irruption de l’Etna (paru dans Cinéa-Ciné

pour tous réunis (15 avril 1926), no 59, p. 9-10), l’ouvrage de Jean Epstein reprend ensuite une conférence

prononcée au Salon d’Automne de 1923, « De quelques conditions de la photogénie ». La deuxième partie, « Langue d’or », a été publiée une première fois en décembre 1922, dans La Revue mondiale; la troisième partie, « L’élément photogénique » reprend une conférence donnée au Club des Amis du Septième Art (CASA) en avril 1924; la quatrième partie, « Pour une nouvelle avant-garde » reprend une conférence donnée au Vieux-Colombier en décembre 1924; la cinquième partie, « Amour de Charlot » semble avoir été spécifiquement rédigée pour Le Cinématographe vu de l’Etna. Nous renvoyons ici aux références données par Pierre Lherminier dans son édition des Écris sur le cinéma de Jean Epstein (Epstein 1974). Nous précisons également que des éléments de la conférence du CASA, « L’élément photogénique », ont été publié dans Cinéa-Ciné pour tous réunis en mai 1924. Cet article (Epstein 1924) – intégré à notre corpus d’analyse – est substantiellement différent de sa reprise, quelques années plus tard, dans Le Cinématographe vu de l’Etna.

340 « J’appellerai photogénique tout aspect des choses, des êtres et des âmes qui accroît sa qualité morale par la

reproduction cinématographique. Et tout aspect qui n’est pas majoré par la reproduction cinématographique n’est pas photogénique, ne fait pas partie de l’art cinématographique » (Epstein [1926] 1974, p. 137).

160 epsteinienne, par exemple, une réflexion sur la définition et la signification du cinéma (langage, mobilité, espace-temps, poésie, etc.), et sur la recherche d’une nouvelle grammaire pour le cinéma.

En 1926, le cinéma est toujours, pour Epstein, porteur d’espoir342, malgré les

difficultés rencontrées pour le faire accepter comme art. Ses défenseurs doivent donc encore militer pour son existence, creuser les différences qu’il entretient avec les autres arts (principalement, le théâtre et la peinture), cesser d’abuser de procédés mécaniques343 et

accéder à « la photographie des illusions du cœur » (Epstein [1926] 1974, p. 150). Ce deuxième essai sur le cinéma fournit à Epstein l’occasion d’approfondir son propos et de l’inscrire au cœur des préoccupations des écrivains de cinéma qui cherchent de plus en plus, au milieu des années 20, à concentrer leurs idées et à systématiser leur pensée.

5. « 2x2 » (1928, Benjamin Fondane)

Texte introductif à Trois scenarii – cinépoèmes344, publié en 1928 aux Documents

internationaux de l’Esprit nouveau, il est difficile de dire avec précision dans quel canal de diffusion « 2x2 » (Fondane 1928) a circulé345. La préface de ce livre, présentant trois

ciné-poèmes (« Paupières mûres », « Barre fixe » et « Mtsasipol ») accompagnés de deux photographies de Man Ray, peut cependant être isolée de ses autres textes et examinée de

342 « C’est pourquoi nous sommes quelques-uns à avoir mis en lui notre plus grand espoir » (Epstein [1926]

1974, p. 142).

343 « Parmi ces procédés comptons principalement la suppression du sous-titre, le montage accéléré, l’importance

et l’expressionnisme du décor » (Epstein [1926] 1974, p. 147).

344 Il s’agit du premier ouvrage rédigé en français par Benjamin Fondane.

345 Il existe bien une publication – faisant d’ailleurs suite à la revue L’Esprit nouveau (1920-1925) – intitulée les

Documents internationaux de l’Esprit nouveau, mais elle n’a été éditée qu’une fois en 1927, et sa consultation ne révèle aucun texte de Fondane. Du reste, nous avons examiné le texte de Benjamin Fondane dans sa version originale, une plaquette éditée rue Monge, à 29 exemplaires… ce qui nous porte à croire que l’ouvrage est resté confidentiel et n’a sans doute circulé que dans un milieu d’artistes avant-gardistes très restreint.

161 manière autonome puisqu’elle constitue un exemple d’essai sur le cinéma, mêlant poésie et considérations sur les capacités du nouvel art. Bien que « 2x2 » introduise trois scénarios

intournables selon Fondane, cette préface se distancie, dans sa première partie, des

interactions possibles entre littérature et cinéma.

Pour Fondane, le cinéma est le véritable traducteur du monde moderne et il possède ainsi les aptitudes nécessaires pour appréhender les nouveautés, en transposant, mieux que la vie, l’intensité de la réalité. Fondane établit également une distinction entre la machine (l’appareil, l’objectif) et le langage, considérant cette dualité comme antinomique. Il estime cependant que l’espace d’un moment, le langage saura reprendre le dessus en permettant une réunion avec la machine, avant de s’en dissocier à nouveau.