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Le cas de la colombie

Dans le document Un modèle latino-américain ? (Page 180-191)

Roberto Pineda Camacho

Universidad nacional de Colombia 2

Comme dans la majorité des États latino-américains, ces dernières décennies en Colombie, une véritable politique néo-indigéniste, ainsi que l’a appelée Chris-tian Gros 3, a été impulsée. Elle s’est traduite dans la Constitution de 1991 qui définit le pays comme une nation multiethnique et pluriculturelle, ainsi que le stipule l’article 7 : « L’État reconnaît et protège la diversité ethnique et culturelle de la nation colombienne ». De plus, dans son article 10, la Constitution établit le castillan comme la langue officielle de la nation, mais elle stipule aussi que les langues des groupes ethniques (64 langues aborigènes et 2 créoles) sont offi-cielles au même titre que le castillan dans leurs territoires respectifs. La Constitu-tion accorde un grand nombre de droits aux peuples indigènes ; la loi 70 de 1993 a aussi accordé des droits spéciaux aux peuples afro-américains, en particulier de la région Pacifique.

La Nouvelle Charte établit que les territoires indigènes constituent des entités territoriales de la nation avec les municipes et les départements, et détermine que les resguardos – ou territoires indigènes – sont des formes de propriété collective

1 Le terme d’« indigène acculturé » est ici défini dans le cadre de son utilisation par les magis-trats de la Cour constitutionnelle, dans le sens contraire, de façon générique, de celui de « indi-gène traditionnel » – sans que cela signifie nécessairement une vision étatique de la Cour sur les communautés aborigènes. Pour une analyse conceptuelle, voir Uribe, Carlos, 1992, « Acultura-ción », in Margarita Serje, María Cristina Suaza et Roberto Pineda (eds), Palabras para desarmar, Bogotá, Icanh, p. 25-37.

2 Je souhaite remercier l’anthropologue juridique Esther Sánchez pour sa générosité et son soutien dans le processus d’élaboration de cet article.

3 Gros, Christian, 2010, Nación, Identidad, violencia. El Desafío Latinoamericano, Bogotá, Universidad Nacional-Universidad de los Andes-IFEA.

et non aliénables (article 329). D’autre part, elle reconnaît dans l’article 246 leur propre juridiction :

Les autorités des peuples indigènes peuvent exercer des fonctions juridiction-nelles au sein du champ territorial, en conformité avec leurs propres normes et procédures, tant qu’elles ne sont contraires ni à la Constitution ni aux lois de la République. La loi établit les formes de coordination de cette juridiction spé-ciale avec le système judiciaire national.

Elle a également établi, suivant les termes de la convention 169 de l’OIT (Orga-nisation internationale du travail), le droit de participer à la prise de décisions quand des projets mis en œuvre affectent leur intégrité culturelle 4. Ces dispositions régissent une population indigène variée de plus de 84 peuples natifs qui com-prennent environ 1 300 000 personnes. Les peuples aborigènes sont distribués sur la quasi-totalité du territoire national et possèdent sous forme de resguardos près d’un quart du territoire de la nation. Avant la Constitution de 1991, les commu-nautés indigènes avaient obtenu d’importantes revendications, en grande partie grâce à leurs propres luttes et mouvements sociaux ; mais les droits acquis dans la Constitution de 1991 ont ouvert un nouveau scénario de reconnaissance de leur identité et d’autres droits sociaux qui ne peuvent être minimisés, malgré les diffi-cultés croissantes en raison du conflit armé en Colombie.

Pour diverses raisons, le développement légal des normes constitutionnelles a été principalement mis en œuvre par la Cour constitutionnelle, dont la jurispru-dence a marqué à travers la figure de la tutela (tutelle) – ou derecho de amparo (droit de protection) –, élément clé dans la défense des droits collectifs des com-munautés indigènes et dans leur relation avec l’État et d’autres acteurs sociaux.

Cet article analyse, à travers l’étude de verdicts de la Cour constitutionnelle, les modalités de compréhension de la différence culturelle indigène dans la Colombie contemporaine, ainsi que les ruptures et les continuités dans le cadre de l’imaginaire juridique sur l’Indien dans notre pays, héritier de la mentalité hispano-coloniale.

Cet article est divisé en trois parties. Dans la première, nous analyserons de façon succincte – comme une ébauche – les imaginaires de la politique coloniale et sa projection républicaine, notamment dans la loi 89 de 1890. Dans un second temps, nous analyserons le contenu des verdicts importants de la Cour constitu-tionnelle à ce propos ; enfin nous proposerons des commentaires en relation avec la nécessité de penser les nouvelles dynamiques en s’appuyant sur les réflexions du professeur Christian Gros.

4 « L’exploitation des ressources naturelles sur les territoires indigènes se fera sans perte de l’intégrité culturelle, sociale et économique des communautés indigènes. Dans les décisions qui sont adoptées en relation avec cette exploitation, le Gouvernement favorisera la participation des représentants des communautés concernées ». Cet article a été mis au point en se fondant sur le processus dit de consultation au préalable.

Jurisprudence constitutionnelle et dilemmes face à l’« Indien acculturé »

UNe PoLitiqUe à LoNg terme

Pendant la période coloniale, la politique instaurée vis-à-vis des peuples indi-gènes était fondée sur le modèle « République des Espagnols » vs « République des Indiens ». Les autorités espagnoles pratiquèrent une sorte de gouvernement indirect, confinant les Indiens dans des « villages d’Indiens », construits comme les villages espagnols, dans lesquels la figure du prêtre doctrinaire revêtait une grande importance. Dans ce cadre, elles acceptèrent l’existence d’une élite cacicale et reconnurent leurs terres sous forme collective, sous la figure de resguardo ou fundo legal. Ainsi, ils purent obtenir le tribut des comuneros et contrôler la force de travail indigène – par le biais de la mita et d’autres systèmes de conscription des hommes et des femmes.

Dans ce contexte, une idée de l’Indien synonyme de « communauté indigène » s’est construite en relation avec le contrôle d’un territoire de propriété collective et de formes de travail collectives ; en d’autres termes, un imaginaire légal s’est configuré dans lequel l’image de l’Indien s’est confondue ou a coexisté avec celle de communauté.

Dans le cas de la Colombie, cette politique de séparation des Indiens et des Espagnols a connu de nombreuses vicissitudes. Le processus de métissage a consi-dérablement affecté cette politique, et déjà au xviiie siècle une grande partie de la population qui vivait dans les resguardos était métisse. À cette époque, en effet, dans de nombreuses régions, on avait assisté non seulement à un processus de transculturation très significatif mais aussi à un processus de castillanisation accé-léré, dont la dynamique n’est toujours pas bien comprise.

Dans de nombreux cas, les élites cacicales abusaient de leur position pour légi-timer l’accès à la terre et à d’autres biens, en opposition avec leurs propres comu-neros, ce qui n’exclut pas pour autant qu’ils n’aient pu réussir à instaurer un calme relatif dans certaines régions par leurs formes de propriété et leurs relations avec les autorités espagnoles. D’autre part, les communautés indigènes ont conservé des liens avec les villes et les villas coloniales grâce à des pratiques de marché et de socialisation de diverses natures, malgré les difficultés de communication et la précarité des chemins à travers les montagnes et les forêts.

« L’échec » relatif de la politique coloniale s’est manifesté très tôt dans certaines régions du Nouveau Royaume de Grenade. Dès le début du xviie siècle, d’impor-tants secteurs de la population aborigène vivaient dans les villes de Bogotá, Tunja et peut-être Popayán et Pasto, entre autres grandes villes du royaume. Les Indiens occupaient l’échelon le plus bas de la population urbaine et constituaient des engrenages fondamentaux pour sa reproduction et pour le bien-être des Espa-gnols et des Créoles ; les Indiens et Indiennes urbains se consacraient à des tra-vaux de faible prestige, tratra-vaux manuels et service aux personnes, mais certains groupes parvinrent – le plus souvent en quelques générations – à une mobilité

dans l’échelle sociale et à participer activement dans les réseaux de commerce et les marchés.

Bien entendu, les liens avec les secteurs ruraux, avec les villages d’origine, ont perduré, et de nouvelles identités ethniques ont vu le jour, difficiles à détecter dans les sources coloniales ; ou qui nécessitent de notre part de nouvelles stratégies de lecture pour saisir cette dynamique de la vie quotidienne peu explorée dans la documentation coloniale 5.

À partir de 1810, la fondation de la République a signifié un changement de la politique coloniale, exprimée dans la politique de division des resguardos. Dans la Constitution de Cúcuta de 1821, en vue de convertir l’Indien en citoyen, on a aboli le tribut ; et on a défendu sa reconversion en propriétaire privé 6. Au cours du xixe siècle, de nombreux resguardos des régions de l’altiplano de Cundiboya furent divisés, tandis que la mesure ne semble pas avoir eu d’impact dans le Cauca ni dans le département de Nariño.

La Constitution de 1886 – une charte hispaniste et catholique – a ouvert la voie à une « nouvelle » politique indigéniste inspirée du modèle colonial, à travers la promulgation de la loi 89 de 1890, « par laquelle est définie la manière dont les sauvages devant être réduits à la vie civilisée doivent être gouvernés » 7. Dans son article 1 il est stipulé :

La législation générale de la République n’administre pas les sauvages qui seront réduits à la vie civilisée à travers les missions. En conséquence, le Gouverne-ment, en accord avec l’autorité ecclésiastique, définit la façon dont ces sociétés naissantes doivent être gouvernées.

5 Zambrano, Martha, 2008, Trabajadores, villanos y amantes. Encuentro entre indígenas y españoles en la ciudad letrada, Bogotá, Instituto Colombiano de Antropología e Historia.

6 La loi du 11 octobre 1821, « sur l’arrêt des tributs des indigènes, la distribution de leurs resguardos et exemptions qui leurs sont concédées », détermine que les Protecteurs Naturels conserveraient leurs fonctions antérieures ; mais dans le même temps elle stipule que les Indiens – assimilés à la condition de « citoyens misérables » – instruiraient leurs actions civiles ou crimi-nelles, sans aucun coût. Elle établit que dans les cinq ans les terres seraient réparties entre leurs membres ; il fut ordonné que tant que les terres ne seraient pas divisées en parcelles, le cabildo d’Indiens continuerait à s’organiser dans des buts uniquement économiques et administratifs (répartition de terres, etc.) « en restant des sujets des juges des paroisses ».

Il fut aussi autorisé que dans les paroisses il serait possible « d’établir d’autres citoyens moyen-nant le loyer correspondant au terrain sur lequel se trouvent leurs maisons ; mais sans causer de dommage aucun aux Indiens pour leurs pâturages, les semis ou d’autres produits de leurs resguar-dos ».

D’autre part, la loi du 3 août 1824 ordonne que les Indiens errants soient reconnus et remettent leurs terres ; et soient réduits dans des villages sous juridiction des paroisses administrés comme dans le reste du pays. On leur fournirait des curés et des séculiers, et on favoriserait la présence de missionnaires dans les différentes zones les nécessitant (République de Colombie, Codification nationale, t. I. 1824).

7 Concernant l’exposition des raisons de la promulgation de la loi citée et ses principaux anté-cédents idéologiques, voir Ariza, José Libardo, 2009, Derecho, saber e identidad indígena, Bogotá, Siglo del Hombre editores.

Jurisprudence constitutionnelle et dilemmes face à l’« Indien acculturé »

De même, dans l’article 2 est décrété que :

Les communautés des indigènes déjà réduits à la vie civile ne sont pas non plus administrées par les lois générales de la République en ce qui concerne les resguardos. De ce fait, ils sont gouvernés par les dispositions prises ci-après.

Bien que la loi 89 de 1890 n’eût pas pour objet d’abolir la politique anticom-munale, elle s’est traduite – dans diverses régions – par une pause relative dans le processus de division de la terre collective des Indiens. Par ailleurs, la disposition citée a ratifié le caractère collectif des terres des communautés indigènes organi-sées en resguardos d’origine coloniale ; elle a reconnu la fonction de cabildo de indios comme autorité de la communauté indigène et ratifié certaines de ses fonc-tions juridiques ; l’Indien fut déclaré mineur d’âge, et pour cette raison sujet à une juridiction civile et pénale spéciale.

La disposition légale citée, malgré des considérations d’énonciation générale, a représenté un soutien de poids pour la défense des communautés indigènes ; sous sa protection, certaines d’entre elles – comme les populations pijao des municipes de Coyaima et Natagaima – purent réclamer, même sans un succès total, la recons-titution de leur vaste resguardo de Ortega y Chaparral, divisé en 1832 ; et le leader Manuel Quintín Lame a déployé une lutte pour le rétablissement des resguardos indigènes des départements du Cauca et de Tolima, malgré l’opposition des gou-vernements régionaux qui considéraient que les Indiens de Tolima avaient perdu cette condition et s’étaient transformés en paysans.

La loi 89 a renforcé l’idée que l’indigène était comme synonyme de commu-nauté rurale ; les manifestations de sa vie urbaine furent alors considérées comme condition d’une nature non indigène ou métisse. De plus, comme conséquence de la Constitution de 1886 – qui considérait la religion catholique comme partie constitutive de la nation –, un concordat avec le Saint-Siège a été signé en 1887, qui a ouvert la voie notamment à différentes conventions de missions. Dans ce contexte, on a promulgué la loi 72 de 1892 8 qui a organisé le pays en territoires de missions. Les régions indigènes furent placées sous tutelle de l’Église catho-lique – favorisant un régime ecclésiastique qui a pratiquement perduré près d’un siècle (jusqu’en 1974, quand à l’occasion d’une nouvelle réforme du concordat, on abolit le concept de territoire de mission dans l’organisation juridique de l’État colombien).

8 Cette loi autorise l’installation de missions ecclésiastiques sur les territoires considérés comme pertinents. À ce sujet, l’article 2 stipule : « Le Gouvernement administre en accord avec l’autorité ecclésiastique tout ce qui conduit à la bonne marche des missions et peut déléguer aux mission-naires les facultés extraordimission-naires pour exercer l’autorité civile, pénale et juridique sur les catecú-menos (voir note 9) en vertu desquelles l’action des lois nationales peut être suspendue jusqu’à ce qu’ils sortent de leur état sauvage, selon le pouvoir exécutif, et puissent avoir la capacité de se gouverner. »

D’un point de vue pénal, l’indigène – en sa qualité de mineur d’âge ou de catecúmeno 9 – était considéré comme un « immature psychologique ou social » ; aussi fut-il catalogué comme un sujet non imputable à des fins pénales de l’action de la médecine légale – les psychiatres –, et dont le champ correctionnel relevait des juridictions missionnaires.

Malgré une rénovation conceptuelle du statut pénal de l’indigène (à partir des années 1950), son traitement juridique fut largement sujet à des va-et-vient, des changements et des ambiguïtés, en termes de codes, de verdicts et de doctrines jurisprudentielles. Ce qui ne fut le cas que jusque dans les années 1980, quand l’analyse de la condition culturelle des indigènes – dans le sens de l’anthropologie moderne – fut adoptée comme critère pour la valorisation d’une conduite pénale, et quand les psychiatres furent remplacés par les anthropologues comme experts légaux. Une nouvelle perception des indigènes est aussi entrée dans la mentalité des juristes et du grand public 10.

Dans ce contexte, les dispositions constitutionnelles de 1991, et notamment la reconnaissance relative de leurs propres formes de droit, constitue une véritable rupture juridique avec la tradition républicaine.

LeS rePréSeNtatioNS De L’iNDigèNe DaNS La coUr coNStitUtioNNeLLe

Comme mentionné précédemment, la Cour constitutionnelle s’est vue concur-rencer le développement de l’interprétation des normes constitutionnelles, la fixa-tion de leur portée et la conclusion de nombreux conflits internes ou externes qui ont affecté différemment la vie des communautés indigènes. Son travail a été, de divers points de vue, extraordinaire. Sa fonction jurisprudentielle a permis la valo-risation et une meilleure compréhension de divers aspects des cultures indigènes de Colombie. La présence de magistrats ou de leurs auxiliaires, faisant office d’eth-nographes, dans les territoires indigènes ne doit pas être minimisée 11.

9 Le catecúmeno est une personne (homme ou femme) qui reçoit une instruction religieuse catholique afin de recevoir le baptême. Dans les colonies, les Indiens catecúmenos devaient aban-donner l’Église pendant la célébration de l’Eucharistie.

10 À ce sujet, voir le livre pionnier de Benítez, Hernán Darío, 1988, Tratamiento jurídico penal del Indígena colombiano. ¿Inimputabilidad o inculpabilidad?, Bogotá, Editorial Temis. Les consi-dérations d’Ariza sont aussi intéressantes (2009, Derecho, saber e identidad indígena, op. cit.) sur le passage de l’expert psychiatre à l’expert anthropologue dans les rapports des juges, même si, selon moi, il ne saisit pas de façon précise les implications de la substitution du « psychiatre » par l’expert judiciaire ou anthropologue ou tout autre scientifique social. Ariza, si je le comprends bien, pense qu’il s’agit d’une simple substitution du « gardien du panoptique », comme si les contre-discours restaient coincés dans la propre rationalité qu’on tente de dépasser, se transfor-mant en un nouveau régime disciplinaire, qui crée lui aussi des subjectivités subalternisées. En se concentrant sur l’analyse des discours, on perd la perspective de la pratique ou de la production de nouveaux sens avec une dimension interculturelle.

11 Il convient aussi de souligner les dynamiques qui se sont produites dans les cabildos quand les juges exercent leurs missions et que se créent de nouveaux sens qui expliquent et justifient

l’exer-Jurisprudence constitutionnelle et dilemmes face à l’« Indien acculturé » À titre d’exemple, le verdict T-428 de 1992, qui a vu l’intervention du grand juriste Ciro Angarita, démontre non seulement une grande réceptivité face à l’im-pact d’une route dans un resguardo indigène du municipe de Cristianía, mais sou-ligne aussi la difficulté d’indemniser le dommage culturel dans la mesure où la construction de la route éloigne « l’esprit » du jai 12 protecteur (dans ce cas un poisson géant), ce qui manifestement préoccupait la communauté 13.

De même, le verdict T 523/1997 du magistrat Carlos Gaviria, référent en maniement du fouet dans une communauté de Paéz, département du Cauca, sou-ligne qu’il ne peut être interprété comme un type de châtiment corporel assimi-lable à la « torture », mais que son recours est associé à la foudre et évoque aussi un processus de purification culturelle. L’analyse de différents verdicts souligne que la compréhension de la diversité culturelle qu’a la Cour constitutionnelle se fonde principalement sur l’interprétation de l’identité et de la culture indigène en tant que communauté associée à un territoire (collectif). Les verdicts T 188/93 et T 257/93 montrent dans quelle mesure cette association est fondamentale dans la définition même de l’identité :

Non seulement car le territoire en constitue leur principal moyen de subsistance mais surtout parce qu’il « constitue un élément intégrant de la cosmovision et de la religiosité des peuples aborigènes » 14.

Ainsi, Vera souligne l’importance que la Cour accorde au concept de « champ territorial », comme constituant fondamental de leur reproduction identitaire et culturelle. Dans ce contexte, les cultures indigènes, en tant que sujet collectif, ne se réalisent en tant que communautés que dans le sens de « comunnitas » de F. Tönnies, liées à un territoire. La Cour est ainsi explicite :

Les cultures des communautés indigènes, en effet, correspondent à une forme de vie qui se condense dans un mode particulier d’être et d’agir dans le monde, constitué à partir des valeurs, des croyances, des attitudes et des connaissances, qui si elles sont annulées ou supprimées – ce qui pourrait arriver si leur environ-nement souffrait d’une importante détérioration – peut conduire à leur déstabi-lisation voire à leur éventuelle extinction 15.

Ces appréciations, considérées par Vera comme imprégnées « d’essentia-lisme », reflètent l’incidence de différents facteurs :

cice de la justice indigène (Rappaport, Joanne, 2003, « El imaginario de una nación pluralista. Los intelectuales públicos y la jurisdicción especial indígena en Colombia », Revista Colombiana

cice de la justice indigène (Rappaport, Joanne, 2003, « El imaginario de una nación pluralista. Los intelectuales públicos y la jurisdicción especial indígena en Colombia », Revista Colombiana

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