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chaNgemeNt De regarD

Dans le document Un modèle latino-américain ? (Page 101-112)

À l’époque des Trente Glorieuses, les sciences humaines et sociales plutôt ancrées à gauche en France se voulaient internationalistes et se préoccupaient du passage à la démocratie en Amérique latine. En Norvège, « pays aux deux peuples » (norvégien et saami), Frederik Barth repensait la thématique de l’eth-nicité pour montrer que les frontières servent à penser la transition, cette relation intérieur / extérieur, fondatrice du rapport culturel (1969). À Paris, Robert Jaulin s’efforçait de développer auprès de ses étudiants le sens de la solidarité en imagi-nant « sauver les Indiens » (1970). Le sujet « indigène » n’occupait qu’une petite place dans l’étude des mouvements sociaux, et aucune dans celle des organisa-tions politiques. La science politique ne s’était pas saisie de l’ethnicité. Les groupes ethniques constituaient le domaine réservé de l’ethnologie – science des « cultures primitives » – ainsi qu’on reconnaissait alors cette discipline en France, celle-ci étant ailleurs intégrée dans le domaine plus vaste de l’anthropologie comme science de l’homme et science comparative. L’idée d’un partage du monde mieux équilibré se faisait jour, les prémisses d’une réflexion sur le développement durable étaient jetées, le respect des droits de l’homme allait devenir une priorité poli-tique… C’était, après 1968, l’époque des mouvements étudiants pour « changer la société » et des mouvements de femmes contre l’ordre patriarcal. Mais en dehors des instituts et des commissions indigénistes qui, en Amérique et particulièrement au Mexique, canalisaient les problématiques de l’intégration (assimilation) des

« indigènes » dans la nation, les institutions administratives et gouvernementales du « premier monde » ignoraient les « peuples autochtones », lesquels n’existaient pas en tant que catégorie, socialement construite et politiquement relationnelle, ainsi qu’elle résultera des travaux onusiens 2.

2 Anaya, Jaime, 1996, Indigenous Peoples in International Law, Oxford, Oxford University Press et Minde, Henry, 2008, Indigenous Peoples : Self-dtermination, Knowledge, Indigeneity, Eburon Delft.

À propos de l’engagement du sociologue et de l’anthropologue en Amérique latine Le recul historique montre combien se sont déplacées les lignes de clivage.

Le monde est devenu multipolaire, les préoccupations globales plutôt que régio-nales 3, le multiculturalisme est entré en politique, dans un cadre libéral au Canada ou aux États-Unis et comme moyen d’accommoder les perspectives des immi-grants dans les sociétés d’accueil, puis il s’est diffusé, au Brésil et ailleurs, pour incorporer les problématiques de la diversité interne, étant rejeté en France comme un communautarisme, désintégrateur du pacte républicain.

Dans les années 1980 se produit un changement dans l’état du monde qui aura un effet en Amérique latine. Comme l’observe José Bengoa, « Los indígenas habían permanecido silenciosos y olvidados durante décadas y siglos, e irrumpen con sus antiguas identidades cuando pareciera que se aproxima la modernidad al conti-nente » 4. Cette émergence présente, à ses yeux, une caractéristique, reconnue par tous et objet de différentes critiques : elle s’appuie sur la production d’un discours identitaire amenant à réinventer la culture indigène, sur un plan générique : « una cultura indígena reinventada » (p. 130). Elle est concomitante d’une demande de reconnaissance de droits qui se produit dans d’autres régions du monde et qui aura de grands effets sur la compréhension des situations vécues par les communautés autochtones. La saisine des Nations unies par les représentants des organisations amérindiennes se traduira, les quarante années suivantes, par la construction du mouvement international des peuples autochtones et l’adoption, en 2007, de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones (DDPA).

Durant la décennie des années 1980, des mondes africain, asiatique, océanien et latino-américain émergeront les auteurs postcoloniaux qui amèneront à reposer la question de la domination et à revisiter la fabrique de l’histoire 5. Mais ce sera avec le déplacement du politique vers les Nations unies et d’autres lieux de la gou-vernance mondiale, avec la construction des organisations indigènes nationales, puis internationales et transnationales que les « questions autochtones » devien-dront plus visibles, et plus problématisées. En informant des situations concrètes et en travaillant les espaces du droit pour ancrer les luttes autochtones dans la demande de droits humains, ces organisations introduisent sur la scène acadé-mique le concept d’« essentialisme stratégique » 6 et questionnent la forme de l’État, entre autres pour l’ouvrir au pluralisme. C’est l’enjeu de la réflexion actuelle

3 La région renvoie à deux niveaux d’organisation du politique ; comme circonscription adminis-trative pensée dans le cadre des politiques de décentralisation et de déconcentration des services de l’État ; comme un espace d’intégration supra-étatique et une forme d’intégration économique.

4 « Les indigènes étaient restés silencieux et oubliés durant des décennies, des siècles, et ils vont faire irruption avec leurs anciennes identités quand il semblerait que se rapproche la modernité dans le continent. » Bengoa, José, 2000, La emergencia indígena en América Latina, México, Fondo de Cultura Económica, p. 35.

5 Voir Amselle, Jean-Loup, 2008, L’Occident décroché : enquête sur les postcolonialismes, Paris, Stock.

6 Spivak, Gayatri, 1988, « Can the Subaltern Speak? », in C. Nelson et L. Grossberg (eds), Marxism and the Interpretation of Culture, Chicago, University of Illinois Press, p. 271-313.

sur la mise en œuvre du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes que la DDPA reconnaît aux « peuples autochtones » (article 3). Avec cet ancrage dans le registre juridique, on note que les « questions autochtones » ne renvoient plus à des formes d’identification dans l’ensemble des cultures de l’humanité, dont les communau-tés visées représenteraient la diversité, ce qui contredit l’option critique ouverte par Kuper (2004) : elles sont non essentialistes, multidimensionnelles, renvoient à des problématiques économiques, sociales, écologiques, éducationnelles ou politiques, et s’articulent dans un espace transnational qui n’est pas homogène.

Ce repositionnement s’accompagne d’une mutation des sujets autochtones qui de « victimes » deviennent « acteurs de leur propre destin », et il se traduit aux Nations unies par une nouvelle approche politique dite de mainstreaming, laquelle vise à intégrer les questions autochtones dans tous les programmes de développe-ment et politiques publiques.

En quarante ans, les politiques assimilationnistes, qui visaient à intégrer la diversité interne considérée comme un archaïsme et un frein à la modernisation de la communauté nationale étatique, ont changé de visage. Dans le contexte d’une grande transformation de l’État-nation amené à repenser son fonctionnement pour s’ajuster aux lois de marché, les politiques publiques visent toujours une intégra-tion des communautés indigènes. Mais le statut des indigènes a changé : ils ne sont plus seulement victimes de processus de développement qui les marginalisent ou les déplacent, ils s’efforcent de prendre pied dans les structures décisionnelles 7. Les changements constitutionnels de nombreux États latino-américains témoi-gnent de ces évolutions qui se produisent aussi bien sur le territoire national que dans l’arène internationale 8. La donne a changé, avec la configuration d’un acteur autonome : les organisations autochtones se sont multipliées et fédérées dans des organisations multiethniques ; elles s’efforcent avec un succès inégal de se struc-turer en partis politiques ; la question de leur participation à la prise de décision est désormais posée. L’émergence de leaders autochtones qui sont le produit de l’éducation 9, qui voyagent dans le monde entier et deviennent les interlocuteurs privilégiés des agences de l’ONU, induit à son tour une mutation dans les sciences humaines et sociales invitées à revisiter leurs méthodologies et à travailler « avec » les autochtones et non plus « sur » eux.

7 Voir par exemple l’étude sur les peuples autochtones et le droit de participer à la prise de déci-sions, soumise en 2010 à l’examen du Mécanisme d’Experts sur les droits des peuples autochtones A / HRC / EMRIP / 2010 / 2. Voir aussi Gros, Chistian, 2001, « Le multiculturalisme à l’école : entre mythe et utopie », Recherches Amérindiennes au Québec, vol. XXXI, n° 3, p. 59-71.

8 Bellier, Irène, 2006, « Le projet de déclaration des droits des peuples autochtones et les États américains : avancées et clivages », in Christian Gros et Marie-Claude Strigler (éds), Être indien dans les Amériques, Paris, Institut des Amériques.

9 Gros, Christian, 2001, « Le multiculturalisme à l’école », art. cit.

À propos de l’engagement du sociologue et de l’anthropologue en Amérique latine Aujourd’hui le terme « ethnie » est critiqué par les autochtones éduqués qui veulent décoloniser les méthodologies 10 et dont les idées sont reprises par ceux d’entre eux qui vont aux Nations unies. Ils se forment à l’anthropologie et au droit, produisent des connaissances depuis l’intérieur, ce qui change les perspectives d’une science qui reposait sur le double exercice de l’observation participante et du « regard éloigné » (Lévi Strauss). La connaissance des univers de pensée, des langues et des sociabilités, des mythes et des systèmes de parenté, des représenta-tions et des pratiques écologiques était au cœur du projet anthropologique. Mais la dimension politique et juridique des systèmes indigènes / autochtones était peu traitée en France, et bien moins dans les mondes américains que dans les mondes africains. Dans la perspective d’une anthropologie politique, elle ne peut plus être négligée.

Il y a trente ans, la situation des Indiens des hautes terres – à l’époque le terme

« Indien » n’était pas réfuté – renvoyait à l’analyse des formes corporatives et syndicales qui organisaient leur rapport à la terre. La question de la place des

« indigènes » 11 dans les systèmes nationaux commençait à être appréhendée, pour dénoncer la violence à laquelle étaient confrontées les populations locales du fait des stratégies de conquête territoriale que soutenaient les gouvernants des pays dits « en voie de développement » pour ouvrir l’exploitation des ressources natu-relles aux investisseurs étrangers et alimenter un front de colonisation, particuliè-rement actif en Amazonie 12. P. Clastres 13 faisait figure de pionnier en questionnant la nature de l’État pour les sociétés sans classes des basses terres amazoniennes,

« sociétés contre l’État » capables d’anticiper les divisions sociales créées par la cristallisation des intérêts dans des formes institutionnalisées de pouvoir étatique, mais incapables de résister à la violence de la colonisation menée dans les marges de l’État conquérant. Aujourd’hui l’heure n’est plus à l’analyse de la « chefferie amérindienne » 14, la recherche porte aujourd’hui sur la gouvernance autochtone, politique comme économique 15.

10 Tuhiwai Smith, Linda 1999, Decolonizing Methodologies: Research and Indigenous Peoples.

New York, St. Martin’s Press, LLC.

11 Le terme « indigène » ne deviendra péjoratif en langue française que plus tard, avec la fixation onusienne du sens au moment de la négociation de la DDPA, tout en étant acceptée en anglais et en espagnol et pour référer à l’héritage de la colonisation européenne. En anthropologie, le terme

« indigène » renvoie aussi, et sans rapport avec les groupes qui nous occupent, à ce qui est du lieu (objet, personne, savoir - insider).

12 Cette question est toujours à l’agenda, avec du côté des États l’apparition de stratégies de captation de l’investissement direct étranger (IDE) et, du côté de la « société civile » qui fait son apparition dans les années 1980, l’articulation des nouveaux volets de droits humains.

13 Clastres Pierre, 1974, La société contre l’État, Paris, Minuit.

14 Descola Philippe, 1988, « La chefferie amérindienne dans l’anthropologie politique », Revue Française de Science Politique, vol. 38, n° 5, p. 818-827.

15 Gros, Christian, et Foyer, Jean, 2010, ¿Desarollo con identidad? Gobernanza económica indí-gena, siete estudios de casos, IFEA, FLACSO, CEMCA ; Comaroff, John L. & Comaroff, Jean, 2009, Ethnicity, Inc., Chicago, Chicago University Press.

Une demande de droits culturels s’est greffée sur la dimension sociale et écono-mique qui particularise les communautés autochtones dans l’État contemporain, la demande de droits civils et politiques est venue compléter la montée en visibilité de ces « autres » qui ont résisté aux formes les plus tragiques de l’assimilation. Des leaders et des organisations indigènes / autochtones jouent un rôle actif dans une scène internationale qui s’est élargie à la société civile durant la même période. On est entré dans la décennie des droits de l’homme 16, sans doute indispensables pour ne pas se retrouver seulement face à l’insupportable violence de la « vie nue » 17. Pour les organisations autochtones cette dimension « droits de l’homme » est cen-trale. Dans ce grand changement de l’organisation du monde qui s’est accompa-gné d’un véritable enthousiasme pour l’humanitaire, des intellectuels engagés ont joué leur rôle.

De La PriSe De coNScieNce hUmaNitaire à L’eNgagemeNt

Début 1971, quelques sociologues et anthropologues américanistes se réunis-saient pour rédiger la Déclaration des Barbades, afin de dénoncer la violence faite aux populations indiennes en termes d’ethnocide et de génocide. L’expression sera contestée mais se retrouve finalement inscrite dans la Déclaration des droits des peuples autochtones (article 7). Ces anthropologues engagés critiquaient le colo-nialisme et le scientisme, appelant les États, les missions religieuses et les scien-tifiques à prendre leurs responsabilités. Cette déclaration invitait l’anthropologie américaniste à ne plus considérer les Indiens – il n’est pas encore question d’indi-gène ou d’autochtone – comme des objets d’étude, mais à analyser la colonialité de leur situation et à s’engager dans une lutte pour leur libération comme peuples colonisés. Il faut rappeler ces termes, car on a tendance à oublier, dans le cadre du multiculturalisme, ces enjeux de liberté fondamentale inhérents au droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, dont les représentants des peuples autochtones réclament la mise en œuvre.

Les premières organisations de défense des droits des peuples autochtones se sont créées, en 1969, à Amsterdam (NCIV), à Cambridge-USA (Cultural Survival), à Copenhague (IWGIA) et à Londres (Survival International, ONG dont Christian Gros présida la branche française) 18. Avec les premières grandes organisations amérindiennes, ces ONG ont joué un rôle actif dans la prise en charge onusienne des problématiques autochtones et continuent de soutenir la participation des indi-vidus aux forums internationaux ainsi que leur capacité à produire les matériaux

16 Badie, Bertrand, 2002, La diplomatie des droits de l’homme : entre éthique et volonté de puis-sance, Paris, Fayard.

17 Agamben, Giorgio, 1997, Homo sacer I. Le pouvoir souverain et la vie nue, Paris, Le Seuil.

18 Voir la table des sigles en fin de volume.

À propos de l’engagement du sociologue et de l’anthropologue en Amérique latine à partir desquels s’élabore la réflexion des experts des Nations unies, autochtones et non autochtones. Certaines d’entre elles mènent des campagnes d’action pour mobiliser la société civile occidentale, sur des violations de droits humains ou pour ratifier tel instrument international favorable aux intérêts des populations autoch-tones (convention 169 de l’Organisation internationale du travail (OIT), Déclara-tion des NaDéclara-tions unies sur les droits des peuples autochtones). Ces dynamiques propices à la construction de l’ensemble dit des « questions autochtones », qui s’institutionnalise, comme en témoigne le libellé de l’Instance permanente sur les questions autochtones, ont poussé à réexaminer les politiques du multiculturalisme des années 1980. La communauté internationale a été invitée à développer des formes de partenariat entre États et peuples autochtones (objet des deux décen-nies internationales, 1995-2004, 2005-2014) et à construire, l’UNESCO aidant, ce qu’elle dénomme aujourd’hui un « dialogue interculturel ». Cela a conduit, notam-ment en Amérique du Sud, à la mise en place de mécanismes destinés à intégrer les perspectives indígenas / autochtones dans les services d’éducation et de santé.

On mesure la distance qui a été franchie entre la première conférence organi-sée, en 1977 à Genève, avec le soutien du Conseil mondial des Églises sur « la dis-crimination à l’encontre des populations indigènes », et l’adoption par l’Assemblée générale des Nations unies de la Déclaration des droits des peuples autochtones, en septembre 2007. Une dynamique est enclenchée à l’échelle internationale.

Ainsi, en 2009 et 2010, trois des quatre États qui avaient marqué leur opposition à la DDPA ont signalé leur approbation (Australie, Nouvelle-Zélande, Canada, États-Unis). L’administration du président Obama a précisé qu’elle allait procéder à un réexamen des politiques domestiques des États-Unis à l’égard des « tribus fédé-rales » à l’aune de cette déclaration.

La situation des populations autochtones, évaluée en termes d’indicateurs de développement toujours discutables, ne s’est pas nécessairement améliorée par-tout dans le monde, mais l’approche « droits humains » s’est densifiée pour incor-porer des concepts propices à refonder les rapports de l’État avec les populations autochtones (par exemple avec les notions de consentement libre et préalable, de souveraineté permanente sur les ressources du territoire, de propriété intellectuelle ou encore par la re-considération des traités et autres arrangements constructifs, etc.). Il ne s’agit plus aujourd’hui de « sauver les populations indiennes » mais de comprendre comment elles prennent en main leur devenir dans les États contemporains.

L’articulation entre une position d’enseignement / recherche dans une institu-tion du savoir et un engagement militant qui s’inscrit dans une dimension transna-tionale est loin d’être anecdotique. Ce type de positionnement pour une science humaine et sociale en prise sur le réel permit de sortir le « sujet indigène » de l’altérité radicale qui le plaçait hors champ du politique, puisque pendant long-temps on n’étudiait ni comment les communautés autochtones se situaient dans les dispositifs gouvernementaux, ni comment elles bénéficiaient de la fabrique de

la démocratie et de la citoyenneté. Cela a en retour des effets dans la discipline et la réception publique de ses propositions, en ayant à l’esprit que des différences existent entre l’Amérique latine, la France et les autres continents quant à l’enga-gement des chercheurs, l’ouverture aux élites indigènes et l’acceptation des formes de co-production des savoirs.

Du point de vue des institutions du politique, parmi lesquelles figurent les agences des Nations unies qui ont installé les représentants autochtones à la table de la communauté internationale avec des développements institutionnels consé-quents 19, les productions des scientifiques engagés dans l’instruction des questions autochtones ont joué un rôle. Plusieurs des figures qui ont marqué le champ des questions autochtones à l’international émanent du terreau épistémique et poli-tique latino-américain. Les premières sont celles de José Martinez Cobo et Augusto Willemsen Dias qui, à partir de leur étude des discriminations à l’encontre des populations indigènes, réalisée entre 1972 et 1985, proposèrent une « working definition » toujours valide bien que discutée. On doit aussi citer Rodolfo Staven-hagen, professeur de socio-anthropologie mexicain, qui fut le premier rapporteur spécial sur les Droits humains et les Libertés fondamentales des peuples autoch-tones, et dont le double mandat de 2001 à 2008 permit de rôder le principe d’une quasi-instruction des situations de violation de droits humains, contribuant à publi-ciser les cas pour inviter les autorités nationales à modifier leurs politiques en direction des populations autochtones. D’autres seraient à mentionner, mais Chris-tian Gros s’inscrit dans cette filiation de l’intellectuel engagé, de manière pragma-tique autant que théorique, pour bousculer les cadres de l’Université, ouvrir les portes des agences internationales, former des générations d’étudiants à la valeur expérimentale du terrain afin de saisir les mutations sociales, économiques et poli-tiques de l’acteur indien, et aussi pour associer les représentants indigènes à des colloques scientifiques, témoignant de ce fait de l’importance de leur regard pour une évolution des pratiques scientifiques. Il s’est saisi de la question du multi-culturalisme lorsque celle-ci s’est posée en termes de politiques publiques, pour analyser la manière dont l’État s’ajustait à la donne constituée par l’émergence de l’acteur indigène dans un contexte marqué par la montée en force des scènes internationales de dénonciation, de dialogue et de négociation, mais aussi par le déploiement des politiques d’ajustement structurel et des pressions sur les terri-toires pour en exploiter les ressources naturelles et minérales.

19 Bellier, Irène 2007, « Partenariat et participation des peuples autochtones aux Nations unies : intérêt et limites d’une présence institutionnelle », in Catherine Neveu, Démocratie participative, cultures et pratiques, Paris, L’Harmattan, p. 175-192.

À propos de l’engagement du sociologue et de l’anthropologue en Amérique latine

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Les évolutions du paysage global, régional et académique nous invitent à mesu-rer l’importance des différences linguistiques 20 qui pèsent sur la compréhension de la double construction de l’indigénéité et de l’autochtonie. Ces concepts qui

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