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3.2.2. Le&personnage&

Dans le cas de la lecture littéraire d’un récit, on ne peut ignorer l’élément clé : la question des personnages. Il paraît en effet complexe de raconter une histoire sans personnage. Ces derniers ont un statut privilégié dans le cadre du récit puisqu’ils sont garants de la cohérence de l’intrigue (Glaudes & Reuter, 1998). Giasson (2011) a identifié, à partir de recherches menées aux Etats-Unis, plusieurs niveaux de compréhension du personnage. Cette compréhension progresse au fur et à mesure des apprentissages des élèves du primaire. Au début de leur apprentissage de la lecture, la compréhension des élèves se concentre sur les attributs externes des personnages tels que l’âge ou l’apparence physique. Par la suite, la compréhension s’affine et prend également en compte les qualités internes des personnages : leurs centres d’intérêt et leurs sentiments par exemple. Ce n’est que dans un troisième temps que les élèves parviennent à atteindre le cœur des personnages et à prendre aussi en compte leurs relations et leurs motivations. C’est vers cette compréhension que doit tendre l’enseignement de la notion de personnage à l’école primaire (Giasson, 2011).

Lorsqu’on on se penche sur l’étude des personnages, il est difficile de passer sous silence le modèle établi par Greimas (1966, cité par Reuter & Glaudes, 1998, p. 66). Bien que daté, il présente l’avantage de distinguer actants et acteurs. Les actants sont les forces agissantes communes à tout récit. On retrouve parmi elles le sujet, l’objet, l’adjuvant, l’opposant, le destinataire et le destinateur. La multitude de personnages envisageables ne correspond qu’à des acteurs incarnant l’un ou l’autre ou parfois plusieurs de ces actants. Cette restriction à six actants permet une meilleure analyse des relations entre les personnages.

Greimas met également en lumière les rôles thématiques des personnages, qui sont des propriétés que nous leur attribuons selon leur catégorie sociale. Ces rôles thématiques sont les prémices des stéréotypes, notion que Perrin (2010) place au centre des apprentissages concernant le personnage. En effet, il est selon elle primordial de construire les stéréotypes les plus courants avec les élèves pour leur permettre, non seulement de construire des archétypes relatifs plutôt aux traits psychologiques, mais aussi d’attribuer certaines caractéristiques entendues aux personnages stéréotypés afin de reconnaitre lorsqu’un stéréotype est pris en contre-point.

De plus, Perrin (2010) met également l’accent sur l’enseignement du repérage des personnages et de leur permanence. Cette permanence est incarnée notamment par ce que Glaudes et Reuter (1998) ont appelé des désignateurs. Les noms des personnages ainsi que les

différentes reprises anaphoriques (déictiques, groupes nominaux, périphrases, etc.) sont autant de désignateurs possibles dans un même récit. La chaine de coréférences qu’ils constituent peut être plus ou moins claire, ce qui influe largement sur la lisibilité du texte et sur sa cohérence (Glaudes & Reuter). Enfin, la construction du personnage et de sa permanence, dans le cas particulier des albums de jeunesse, passe également par l’image. D’après la pensée de Tsimbidy (2008), la construction iconographique des personnages doit répondre à une contrainte majeure : quel que soit l’angle retenu, le personnage doit être reconnu. L’image peut d’ailleurs représenter un point d’ancrage pour le lecteur et remplacer une longue description de personnage dans le texte. Cette représentation peut prendre appui sur les conventions figuratives, ou au contraire, les détourner. Pour autant, la représentation du personnage n’est pas toujours indispensable. En effet, un personnage peut prendre vit dans l’image par des traces de sa présence ou même s’incarner dans des formes abstraites. Quelles que soient les orientations choisies, il apparait donc clairement que le traitement de l’image concourt également à la construction du personnage chez le lecteur et influe sur la lisibilité de l’intrigue.

Problématique

À partir de la revue de littérature dressée précédemment il nous apparait clairement que l’enseignement de la compréhension en lecture est un domaine complexe. S’il demande aux élèves la mobilisation simultanée de plusieurs processus et stratégies distincts, il demande aux enseignants d’opérer des choix et d’élaborer des tâches pour enseigner explicitement les stratégies de compréhension. L’opérationnalisation de ces savoirs en savoirs à enseigner au travers d’un dispositif entraine immanquablement une transposition de ces savoirs. L’apport de Philippe (2004), mais aussi de Paun (2006) ou Schneuwly (1995) nous donne à penser qu’une autre traduction des savoirs intervient lorsque le dispositif est mis à l’épreuve en classe.

Cette recherche s’intéresse précisément à ce qui se joue dans la traduction des savoirs tant par l’enseignant que par les élèves, l’enseignement de la compréhension en lecture étant davantage considéré comme un support d’observation. En effet, la compréhension en lecture est un domaine non seulement très étendu, mais surtout, les recherches à son propos demandent du temps. De plus, il est difficile d’observer les stratégies cognitives mises en place par les élèves, lors de la lecture ou développées au fil des séances, sans un important dispositif, difficilement envisageable dans le cadre de ce projet de mémoire. C’est donc pour l’ensemble de ces raisons que l’enseignement de la compréhension en lecture devient davantage notre outil que notre objet d’étude.

Lors des situations d’enseignement, l’enseignant est en interaction quasi permanente avec ses élèves, et plus particulièrement lors de débats autour d’hypothèses interprétatives.

Les remarques des uns font écho à la pensée des autres, pouvant ainsi très rapidement faire dévier l’objet de discussion, voire l’objet d’enseignement. De leur côté, les élèves interagissent également entre eux. D’après le socio-constructivisme, ces interactions concourent également à l’élaboration du savoir chez les élèves. Ainsi, les savoirs visés et définis par les institutions comme étant à maitriser par les élèves sont traduits par les enseignants en fonction de leurs pratiques, afin d’être enseignés. Par la suite, lors de la mise en place effective de l’enseignement, une nouvelle traduction s’opère, fruit des interactions entre, d’une part, l’enseignant et ses élèves et, d’autre part, entre les élèves. Que devient alors le savoir initialement visé ?

Ainsi, notre question de recherche vise à comprendre comment, pour une classe de 6P de Genève, s’opérationnalisent les prescriptions institutionnelles pour la compréhension en lecture, à travers une séquence d’enseignement basée sur un album de jeunesse.

Cette question principale se décline en trois sous-questions :

- Comment ces prescriptions institutionnelles et ces savoirs scientifiques se traduisent-ils en objets à enseigner ?

- Comment ces objets à enseigner s’opérationnalisent au sein d’un dispositif en tant qu’objets enseignés ?

- Quelles transformations de l’outil pour quelles transformations des objets d’enseignement ?

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