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PARTIE 1. Contexte clinique, scientifique et sociétal

II. Quand santé, fonctionnement et environnement interagissent ou l’apparition du handicap

3. Les ressources psychologiques après LCA

3.1. LCA et estime de soi

La LCA constitue une expérience qui met à l’épreuve l’individu dans sa relation avec lui-même, dans son inscription dans l’histoire familiale et dans ses choix de vie. Le patient perçoit un ébranlement de sa propre identité (Oppenheim-Gluckman, 2005). Après LCA, se pose alors la question pour l’individu de sa propre valeur et ainsi de son estime de soi.

3.1.1. L’estime de soi : définition

La valeur globale du soi peut être évaluée à travers l’estime de soi. Selon Rosenberg, l’estime de soi est « un indicateur d’acceptation, de tolérance et de satisfaction personnelle à

l’égard de soi tout en excluant les sentiments de supériorité et de perfection ». Cette

évaluation de la valeur globale du soi constitue une dimension psychologique unidimensionnelle allant d’une estime de soi basse à une estime de soi élevée impliquant le respect de soi-même (Rosenberg, 1985; Vallieres & Vallerand, 1990). En tant que composante évaluative du soi, l’estime de soi influence les capacités d’action de l’individu et se nourrit en retour des succès. Elle dépend étroitement du regard que l’individu porte sur lui-même et dépend de l’humeur de l’individu que l’estime de soi influence en retour. Ainsi, une estime de soi élevée facilite l’engagement dans l’action et permet une plus grande stabilité émotionnelle (André, 2005). Elle permet à l’individu de se projeter, d’évoluer malgré les difficultés et les expériences de vie rencontrées (perte d’un emploi, maladie…) (Oubrayrie-Roussel & Bardou, 2015). En d’autres termes, l’estime de soi constitue une ressource psychologique nécessaire à l’intégration sociale et professionnelle de l’individu. C’est pourquoi l’estime de soi des personnes cérébrolésées a été largement étudiée.

3.1.2. L’estime de soi après LCA

Comparativement à un groupe de sujets sains (n’ayant rapporté aucun antécédent de LCA), les patients traumatisés crâniens rapportent des scores d’estime de soi plus bas (Ponsford, Kelly, & Couchman, 2014). En accord avec ces résultats, Cooper-Evans, Alderman, Knight, & Oddy (2008) observent des scores d’estime de soi significativement plus bas en comparaison avec des scores de pré-blessure rétrospectivement rapportés par des patients

présentant une LCA de nature traumatique, vasculaire ou autre (Cooper-Evans, Alderman, Knight, & Oddy, 2008).

3.1.3. Facteurs associés à l’estime de soi après LCA

 Facteurs sociodémographiques

Parmi les facteurs sociodémographiques, la plupart des études ne retrouve aucune relation significative entre l’estime de soi après LCA et l’âge, le genre, le statut marital ou encore le niveau d’éducation et ce quel que soit l’outil de mesure administré (l’échelle de Rosenberg (1965), l’échelle de Heatherton et Polivy (1991) ou l’échelle visuelle analogique de Brumfitt et Sheeran (1999)) (Keppel & Crowe, 2000; Thomas & Lincoln, 2008; Vickery, 2006; Vickery, Sepehri, Evans, & Lee, 2008). Ces facteurs sociodémographiques ne semblent donc pas déterminants pour expliquer les niveaux d’estime de soi après LCA.

 Facteurs lésionnels et séquellaires

Parmi les facteurs lésionnels, aucune relation significative n'a été trouvée entre l'estime de soi et la sévérité du TCE, qu’elle soit mesurée par le score initial à l’échelle de Coma de Glasgow (GCS) ou la durée de l’amnésie post-traumatique (Anson & Ponsford, 2006). Le lien entre l’estime de soi et la latéralité de la lésion après AVC reste incertain. Quelques études montrent que les patients présentant une lésion au niveau de l’hémisphère droit ont des scores d’estime de soi plus faibles que les patients présentant une lésion au niveau de l’hémisphère gauche (Vickery, 2006; Vickery, Evans, Lee, Sepehri, & Jabeen, 2009; Vickery, Sherer, Evans, Gontkovsky, & Lee, 2008). D’autres travaux ne retrouvent aucune relation significative entre les scores d’estime de soi et la latéralité de la lésion (Keppel & Crowe, 2000; Thomas & Lincoln, 2008). Les études ayant exploré le lien entre l’estime de soi et le temps écoulé depuis la lésion ne rapportent aucune association significative (Anson & Ponsford,

2006; Anson & Ponsford, 2006; Keppel & Crowe, 2000; Riley, Dennis, & Powell, 2010). Ces facteurs lésionnels ne semblent donc pas non plus les plus déterminants pour expliquer les scores d’estime de soi après LCA.

En revanche, les études rapportent que l’estime de soi est positivement associée à l’indépendance fonctionnelle (Fung, Lui, & Chau, 2006; Vickery, Evans, Lee, et al., 2009). Dans le sens de ces résultats, l’estime de soi est plus élevée chez des personnes présentant moins de déficiences neuro-motrices et neuro-orthopédiques (Shida, Sugawara, Goto, & Sekito, 2014). Plus précisément, le niveau d’indépendance par rapport aux activités de la vie quotidienne (telles que faire sa toilette ou tenir un rôle au sein de la famille) explique jusqu’à 74% de la variance de l’estime de soi chez des patients, en moyenne 10 ans après leur AVC (Shida et al., 2014). Une plus grande estime de soi après LCA était également associée à des niveaux plus élevés du fonctionnement sexuel (Downing, Stolwyk, & Ponsford, 2013).

Au regard du fonctionnement cognitif, aucune relation significative n'a été observée entre l'estime de soi et la mémoire ou l’attention après LCA (Anson & Ponsford, 2006; Vickery, 2006). En revanche, un fonctionnement cognitif global plus préservé et une conscience du déficit sont associés à une moindre estime de soi. De même, une capacité cognitive plus basse a été associée à une plus haute estime de soi (Cooper-Evans et al., 2008).

 Facteurs psychologiques

De nombreuses études rapportent également une relation significative entre une faible estime de soi et des niveaux de détresse émotionnelle plus élevés après LCA (Anson & Ponsford, 2006; Carroll & Coetzer, 2011; Cooper-Evans et al., 2008; Curvis, Simpson, & Hampson, 2016; Fung, Lui, & Chau, 2006; Ponsford et al., 2014; Vickery, Evans, Lee, Sepehri, & Jabeen, 2009; Vickery, Evans, Sepehri, Jabeen, & Gayden, 2009; Vickery, Sepehri, Evans, &

Jabeen, 2009). Ainsi, 12 jours après l’AVC, l’estime de soi mesurée avec l’échelle visuelle analogique de Brumfitt et Sheeran (1999) est associée négativement à des niveaux de symptômes dépressifs et de détresse émotionnelle chez 156 patients âgés en moyenne de 68 ans (Vickery, 2006). De même, 11 ans après le TCE (toute sévérité confondue), l’estime de soi mesurée avec l’échelle de Rosenberg était également négativement associée à la détresse émotionnelle mesurée avec l’HADS chez 29 patients âgés en moyenne de 46 ans (Carroll & Coetzer, 2011). Des résultats similaires obtenus avec les mêmes outils de mesure avaient déjà été retrouvés 11 ans après leur LCA (toute origine confondue) chez 22 patients âgés en moyenne de 43 ans (Cooper-Evans et al., 2008). L’estime de soi évaluée 3 semaines après l’AVC dans le cadre d’une étude transversale menée auprès de 73 patients était également négativement associée à la symptomatologie dépressive (mesurée avec la CES-D, Radloff, 1977) (Fung et al., 2006).

Comme nous avons pu le voir précédemment, l’estime de soi constitue une ressource qui facilite l’ajustement face au handicap. Elle est toutefois particulièrement affectée après LCA comme en témoigne les études menées en comparaison avec des groupes de sujets ou les scores d’estime de soi rétrospectivement rapportés par les patients. Parmi les facteurs sociodémographiques, lésionnels et psychologiques, trois facteurs associés à l’estime de soi après LCA se démarquent dans les études de façon unanime : un fonctionnement cognitif préservé, une moindre indépendance fonctionnelle et une détresse émotionnelle sont associés à une estime de soi basse.