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PARTIE 1. Contexte clinique, scientifique et sociétal

I. La lésion cérébrale acquise : des pathologies multiples aux séquelles communes

3. Comorbidités (neuro-) psychiatriques

Des réactions psychiatriques ou la constitution d’états post-traumatiques interagissant avec les troubles neurocognitifs et neurocomportementaux sont fréquents après LCA (Lermuzeaux, 2012; Oppenheim-Gluckman, 2005). Les données de la littérature internationale démontrent que les victimes survivant à un TCE, et sans que sa gravité soit un facteur discriminant, présentent un risque significativement accru de développer des syndromes psychiatriques comparativement à la population générale (Koponen et al., 2002; Lermuzeaux, 2012; Silver, Kramer, Greenwald, & Weissman, 2001; van Reekum, Cohen, & Wong, 2000).

3.1. La dépression post-traumatique

La dépression post-traumatique est l’une des complications psychiatriques les plus fréquentes après LCA (Azouvi, 2015; Hackett, Yapa, Parag, & Anderson, 2005; Perrin, Dieguez, Schluep, Greber, & Vingerhoets, 2002; Thomas, 2017). Entre 20 et 40% des personnes cérébrolésées éprouvent des symptômes dépressifs pendant la première année après la blessure (Goossens & Wiart, 2005). Ce pourcentage atteindrait 50% dans les années suivantes (Fleminger, Oliver, Williams, & Evans, 2003). Cette prévalence de la dépression chez les personnes souffrant de LCA apparait supérieure à celle de la population générale qui en France en 2017 s’élevait à 9,8 % en population générale, soit un adulte sur 10 (Léon, Chan Chee, du Roscoät, & Groupe Baromètre Santé 2017, 2018).

Selon les recommandations de la Société Française de Médecine Physique et Réadaptation (SOFMER) , la définition de la dépression post-traumatique après LCA s’appuie sur les critères du manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux (DSM-IV-TR) (SOFMER, 2013). Elle se caractérise par une tristesse présente pratiquement toute la journée,

une diminution de l’intérêt ou du plaisir, une perturbation de l’appétit et/ou du sommeil, une fatigue, une perte d’énergie, des sentiments de culpabilité ou de dévalorisation de soi et/ou encore des difficultés de concentration (Guelfi & Crocq, 2003). Les caractéristiques de la dépression post-traumatique après LCA ne semblent donc pas spécifiques quant aux critères diagnostiques. En revanche, certains symptômes neurologiques tels que les troubles du langage après LCA peuvent complexifier le diagnostic. De plus, la fatigue, les difficultés de concentration ou encore les troubles du sommeil fréquents après LCA peuvent conduire à sur- diagnostiquer les patients. La pathogénie des troubles dépressifs après LCA a suscité de nombreux travaux.

Les données de l’imagerie cérébrale mettent en évidence une corrélation entre la dépression consécutive au TCE et une réduction volumétrique de la substance grise préfrontale gauche, particulièrement en ventro- et dorsolatéral (Jorge et al., 2004). Spalletta et al. (2006) ont ensuite émis l’hypothèse selon laquelle un dysfonctionnement physiopathologique pourrait entrainer une dépression post-AVC. La localisation de la lésion semble également jouer un rôle puisque, plus récemment, Jiang, Lin, & Li (2014) ont rapporté un taux de morbidité de symptomatologie dépressive plus important chez les patients ayant présenté un AVC hémisphérique gauche comparativement à des patients ayant présenté un AVC hémisphérique droit. La présence de lésions multifocales était également associée à un risque plus élevé de dépression (Jiang et al., 2014). En d’autres termes, la LCA créerait une vulnérabilité neurobiologique à la dépression.

Parmi les autres facteurs favorisants, le risque de développer une dépression après LCA est renforcé par l’existence d’une pathologie psychiatrique antérieure à la lésion (Bombardier, 2010; Fann et al., 2004; Jiang et al., 2014; Jorge et al., 2004). Des facteurs

sociodémographiques associés à la dépression après LCA ont également été identifiés : être une femme, être jeune, vivre seul ou encore un statut socio-économique faible (Bombardier, 2010; Dikmen, Bombardier, Machamer, Fann, & Temkin, 2004; Hart et al., 2011; Jorge et al., 2004; Kim et al., 2007; Visser et al., 2015). La perte ou l’absence de travail après LCA augmenterait aussi le risque de dépression (Dikmen et al., 2004; Kim et al., 2007). Enfin, une étude récente réalisée auprès de patients ayant été victimes d’un TCE de sévérité modérée à sévère rapporte que la dépression évaluée 6 mois après l’accident était associée à une dépression et à des déficits neuro-comportementaux à 12 mois (Juengst, Myrga, Fann, & Wagner, 2017). Ainsi, selon ces auteurs, la dépression pourrait être dans la voie développementale d'un dysfonctionnement comportemental, déclenchant un cycle de causalité réciproque.

3.2. LCA et autres troubles (neuro)-psychiatriques

D’autres troubles psychiatriques ont été rapportés après LCA parmi lesquels l’utilisation de substances (drogues et alcool) et l’anxiété (Gould, Ponsford, Johnston, & Schönberger, 2011; Osborn, Mathias, & Fairweather-Schmidt, 2016; Whelan-Goodinson, Ponsford, Johnston, & Grant, 2009). Van Reekum et al. (2000) rapportent que l’abus de substance après LCA était 1,3 fois supérieur par rapport à la population générale. Toutefois, ces données ne permettent pas de démontrer un lien biologique ou une relation chronologique précise entre la LCA et les consommations. En effet, le risque de voir se développer une dépendance à des substances chez un sujet sans antécédent de ce type après TCE reste flou (Lermuzeaux, 2012). En revanche, il est désormais reconnu que l’abus de substances augmente la probabilité d’être exposé à un TCE à l’occasion d’un accident de la voie publique ou d’actes de violence. Silver, Kramer, Greenwald, & Weissman, (2001) avaient

déjà rapporté une fréquence significativement plus élevée d’abus de substances après TCE comparativement à la population générale et une fréquence de tentatives de suicide plus importante. Ce résultat confirme celui de la revue de littérature de Simpson & Tate (2007) mettant en évidence des taux de suicide, de tentatives de suicide et d’idées suicidaires plus importants dans la population TCE qu’en population générale. Le risque de suicide augmenterait en présence d’un TCE sévère comparativement à un TCE léger et augmenteraient en présence d’idées suicidaires. Les patients présentant un TCE léger semblent donc moins à risque de développer ce type de troubles neuropsychiatriques.