Dans cette partie, nous considérons une configuration de cavité très courte de manière à
diminuer le waist de cavité afin d’atteindre une situation de pompage gros où wp > w
0. Nous
allons voir que ce type de configuration est favorable à l’apparition d’états stationnaires constitués
de plusieurs modes transverses oscillant à des fréquences différentes. Nous verrons également
que certains profils en intensité semblent présenter des vortex, bien qu’on ne puisse pas parler
rigoureusement de vortex puisque pris indépendamment aucun des modes transverses constituant
l’état stationnaire ne possède de singularité de phase.
Laser plan–concave en configurationmicrochip 135
3.2.1 Montage et observations expérimentales
Le montage considéré est identique à celui de la figure 3.1 à la différence que la longueur de
cavité est fixée à 4 mm, conduisant à unwaist w
0= 97µm. De plus, nous utilisons cette fois-ci
au choix deux jeux de lentilles de collimation et de focalisation conduisant à des grandissements
de la pompeγ = 1/2 ouγ = 1. La pompe que nous utilisons est toujours la même, à savoir une
diode laser fibrée de diamètre de fibre= 120µm. Cette configuration correspond bien entendu
à une situation de cavité non–dégénérée dans laquelle nous nous attendons à observer des profils
transverses invariants de forme par propagation.
Dans ce type de configuration, certains auteurs ont observé des structures transverses
ressem-blant à des réseaux de vortex invariants de forme par propagation [94, 95, 96], même si l’origine
de ces observations est souvent mal comprise. Afin de reproduire certaines de ces observations
expérimentales, nous sommes contraints d’autoriser un maximum de degrés de liberté
concer-nant le pompage, à savoir l’inclinaison de la pompe, sa translation ainsi que sa défocalisation par
rapport au waist optimal dans le milieu actif. Ainsi, il est impossible de dire que nous
contrô-lons parfaitement nos paramètres expérimentaux, et nous pensons qu’il en est nécessairement
de même pour les expériences citées ci-dessus. Après de nombreux tâtonnements, pour un
gran-dissement de la pompeγ = 1/2, nous parvenons à observer expérimentalement des réseaux de
vortex dont quelques-uns sont recensés sur la figure 3.19. Sur cette figure, nous avons reporté à
la fois le profil d’intensité observé au seuil de l’oscillation laser ainsi que celui observé bien au
dessus du seuil, dans différentes configurations de pompage.
La première chose que nous remarquons est que le mode observé au seuil va déterminer en
partie le type de réseau de vortex qu’il va être possible d’observer en pompage plus intense.
En effet, ce mode semble toujours être présent dans l’état stationnaire multimode obtenu bien
au dessus du seuil de l’oscillation laser. Ainsi, nous n’avons par exemple jamais pu mettre en
évidence une situation dans laquelle le mode fondamental gaussien est observé au seuil et se
trouve chassé par d’autres modes d’ordre supérieur en augmentant la puissance de pompe. La
seconde chose que l’on peut également remarquer est qu’il semble impossible d’observer un réseau
de vortex au seuil de l’oscillation laser. En effet, à chaque fois que nous avons observé un réseau
de vortex, nous avons toujours réussi à observer un mode de base contenant des lignes nodales en
baissant suffisamment la puissance de pompe. L’apparition de ces profils transverses multimodes
ne peut donc pas être expliqué par le régime de gain linéaire du laser, et nécessite absolument
l’intervention de la saturation du gain. Ceci tend à confirmer la vision que nous avons développé
au chapitre 2 concernant l’ordre d’apparition des modes déterminé par le régime linéaire et
l’apparition d’un nouveau mode intervenant uniquement après la saturation des modes déjà
présents.
Nous avons également réalisé quelques expériences en utilisant un grandissement γ = 1 de
la pompe en sortie de fibre, conduisant à une taille de pompe dans le milieu actif environ deux
fois plus grande que précédemment. Lorsque la pompe est suffisamment bien alignée avec l’axe
optique, on observe tout de même une sorte depattern représenté sur la figure 3.20. L’observation
d’un mode fondamental gaussien au seuil témoigne bien d’un centrage relativement bon de la
pompe.
Figure 3.19 – Profils d’intensité observés au seuil du laser en pompage gros, ainsi que des
réseaux de vortex observés lorsque la puissance de pompe Ppompe dépasse la puissance de seuil
P
th. Le grandissement de la pompe est γ = 1/2.
L’observation réalisée sur la figure 3.20 n’est pas sans rappeler les observations expérimentales
de Dangoisse, Louvergneux et coll. dans un laser à CO
2[97, 98]. Toutefois, à la différence de
leurs expériences, nous observons toujours le mode fondamental gaussien initial dans le profil
d’intensité multimode du laser. La différence majeure entre les structures que nous observons
et celles de l’article [98] est que ces dernières sont en réalité non stationnaires. L’hypothèse
simplificatrice concernant l’ordre d’apparition des modes que nous avons effectué précédemment
ne semble donc pas s’appliquer dans le cas des lasers à gaz dans lesquels la dynamique des modes
transverses semble plus complexe.
Laser plan–concave en configurationmicrochip 137
Figure3.20 – Profil d’intensité observé au seuil du laser en pompage gros, et lorsque la puissance
de pompeP
pompedépasse la puissance de seuil P
th. Le grandissement de la pompe est γ= 1.
3.2.2 Discussion
Nous avons tenté de reproduire par la simulation Fox–Li multimode des résultats semblables
aux observations des figures 3.19 et 3.20, en y introduisant uniquement la notion de pompage
gros et incliné par rapport à l’axe optique. Malheureusement nous n’avons jamais réussi à
ob-server de tels réseaux de vortex. Ceci n’est pas si étonnant étant donné le temps nécessaire qu’il
faut passer sur l’expérience à effectuer des réglages fins et difficilement reproductibles pour
ob-server des modes présentant des vortex bien visibles, qui ne soient pas recouverts par des modes
transverses supplémentaires. La seule manière de reproduire par la simulation les expériences
réalisées serait de construire un profil de pompe sur mesure, ce qui ne fait absolument pas partie
de nos motivations concernant la compréhension générale de la formation des modes transverses
stationnaires dans un laser.
Toutefois, il est assez facile de reconstruire les modes observés sur la figure 3.19 à l’aide de
modes usuels sommés en intensité, comme le montre la figure 3.21. Ceci montre bien que le
mode apparaissant au seuil sur la figure 3.19 est effectivement toujours présent dans le mode
stationnaire final.
Une question se pose toutefois concernant la raison de l’apparition de ces vortex. Il est évident
que deux modes possédant des lignes nodales que l’on superpose en intensité possèdera des zéros
d’intensité aux positions où les lignes nodales se croisent. Cependant, pour que ces zéros soient
bien visibles, il est nécessaire que les lignes nodales des modes mis en jeu se croisent à des
endroits où leur intensité est suffisament importante. Nous avons du mal à imaginer comment
cela pourrait se produire avec un profil de pompe régulier, même incliné ou excentré par rapport
à l’axe optique. Nous pensons en réalité que les irrégularités de la pompe mises en évidence sur
la figure 3.2 (a) jouent en la faveur de l’apparition de ces vortex. En effet, ces irrégularités sont
d’autant plus importantes que la pompe est défocalisée et nous pensons qu’un profil de pompe
possédant plusieurs maxima et minima locaux peut tout à fait imposer la position des zéros
d’intensité du profil multimode. Cette hypothèse semble confirmée par l’utilisation d’une pompe
fibrée de diamètre= 400µmprésentant un profil beaucoup plus régulier pour laquelle de tels
Figure 3.21 – Reconstructions des profils d’intensité observés sur la figure 3.19 obtenues en
sommant les profils d’intensité de différents modes usuels.
vortex ne sont jamais observés.
Nous pensons donc que toutes les observations de profils transverses exotiques effectuées dans
des lasers solides pompés par diode, et même dans tout type de laser de manière générale, sont
à considérer avec beaucoup de précautions. Ils sont dans tous les cas probablement dûs à des
conditions aux limites non-maîtrisées comme des irrégularités du profil de pompe, des défauts de
traitement des faces des éléments optiques intracavité ou même des effets de diaphragme.
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Dans le document
Étude de la sélection des structures transverses stationnaires dans les lasers
(Page 141-146)