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Langages s´emantiquement clos

1.4 Quine et le d´eflationnisme

2.1.5 Langages s´emantiquement clos

Il n’est pas suffisant que le langage pour lequel on veut d´efinir la v´erit´e ait une structure exactement sp´ecifi´ee pour que la d´efinition soit possible. C’est ce que montre l’antinomie du Menteur. En effet, consid´erons `a nouveau l’´enonc´e M :

M n’est pas vrai

et supposons maintenant que nous puissions donner en fran¸cais une d´efinition ad´equate de vrai (-en-fran¸cais). `A partir de cette d´efinition, en vertu de la convention-T, nous devrions ˆetre en mesure de d´eriver l’´equivalence-T correspondant `a M , `a savoir :

M est vrai si et seulement si M n’est pas vrai

qui est une contradiction patente. De quelles hypoth`eses la d´erivation de cette an- tinomie d´epend-elle crucialement ? Tarski en identifie trois :

1. avoir travaill´e avec un langage s´emantiquement clos, par quoi Tarski entend un langage poss´edant

b) un pr´edicat de v´erit´e pour ses ´enonc´es,

c) et tel que toutes les ´equivalences-T qui d´eterminent l’usage ad´equat de « vrai » y sont assertables.

2. avoir utilis´e les lois de la logique classique

3. avoir fait une hypoth`ese empirique relativement `a la d´enotation d’une certaine expression, nomm´ement « λ ».

Tarski remarque que l’hypoth`ese empirique selon laquelle M d´enote l’´enonc´e “M n’est pas vrai” est en fait ´eliminable, c’est-`a-dire qu’il est possible de reconduire le paradoxe sans elle.34 La preuve repose ´egalement sur l’usage des lois de la logique

classique. Mais renoncer `a ces lois est un prix que Tarski n’est pas prˆet `a payer. Parce que, comme le note Tarski, l’hypoth`ese (3)Ici l’hypoth`ese empirique est que M d´enote l’´enonc´e “M n’est pas vrai” . est en fait ´eliminable, il n’y a pas de raison de s’y attarder.35Par ailleurs Tarski n’est pas prˆet `a abandonner les lois de la logiques classiques, ce qui ´elimine (2). Reste donc (1) : le langage s´emantiquement clos. Tarski (1944) conclut :

En cons´equence, nous d´ecidons de ne pas utiliser de langage s´emantiquement clos au sens que nous venons de pr´eciser.(Tarski (1944), p.349)

Les langages (classiques) s´emantiquement clos ´etant inconsistants, un langage (clas- sique) ne peut pas contenir un pr´edicat ad´equat de v´erit´e pour lui-mˆeme, et par cons´equent, a fortiori, il n’est pas possible de d´efinir ad´equatement la v´erit´e pour un langage L dans L lui-mˆeme, puisqu’alors L devrait contenir les moyens de d´ecrire ses expressions, un pr´edicat de v´erit´e, et permettre de d´eriver toutes les ´equivalences- T, autrement dit ˆetre s´emantiquement clos. Par cons´equent il est en fait n´ecessaire, pour que la d´efinition de la v´erit´e pour L soit possible, de conduire cette d´efinition dans un m´eta-langage distinct du langage-objet.

Nous avons vu que l’instanciation du sch´ema-T par l’´enonc´e du Menteur don- nait lieu `a une contradiction. Et que par cons´equent un langage ne pouvait pas mˆeme contenir de pr´edicat de v´erit´e ad´equat pour lui-mˆeme. D’un autre cˆot´e, ´etant

34Si le langage est celui de l’arithm´etique A, contenant un pr´edicat, primitif ou d´efini, V r, on

peut en fait prouver qu’il existe un ´enonc´e λ du langage de l’arithm´etique (´eventuellement augment´e du pr´edicat primitif) tel que A ⊢ λ ↔ V r(pλq). C’est une cons´equence du lemme de diagonalisation que Carnap avait extrait des preuves d’incompl´etude de G¨odel.

35Si le langage est celui de l’arithm´etique A, contenant un pr´edicat, primitif ou d´efini, V r, on

peut en fait prouver qu’il existe un ´enonc´e λ du langage de l’arithm´etique (´eventuellement augment´e du pr´edicat primitif) tel que A ⊢ λ ↔ V r(pλq). C’est une cons´equence du lemme de diagonalisation que Carnap avait extrait des preuves d’incompl´etude de G¨odel.

2.1. D´efinir la v´erit´e ?

donn´e un langage L contenant un pr´edicat primitif de v´erit´e, toute instanciation du sch´ema-T par un ´enonc´e de L contenant lui-mˆeme le pr´edicat de v´erit´e ne semble pas devoir permettre de d´eriver une contradiction. On peut penser par exemple que l’´equivalence-T suivante :

« L’´enonc´e « la neige est blanche » est vrai » est vrai si et seulement si l’´enonc´e « la neige est blanche » est vrai

n’est pas probl´ematique.36 Si L un langage contenant un pr´edicat primitif V r, et Σ est un ensemble d’´enonc´es de L, appelons V r Σ-ad´equat pour L si toutes les ins- tances du sch´ema-T correspondant aux ´enonc´es de Σ sont assertables dans L. On sait que si (L est classique et) coh´erent V r n’est pas EnL-ad´equat, o`u EnL d´esigne

l’ensemble des ´enonc´es de L. C’est ce que Tarski vient de montrer. Mais la question se posait de savoir pour quels ensembles d’´enonc´es Σ il ´etait possible que L contienne un pr´edicat de v´erit´e Σ-ad´equat. De fa¸con r´etrospectivement ´etonnante peut-ˆetre, Tarski n’a pas cherch´e `a caract´eriser cette classe d’´enonc´es, alors que comprendre leurs propri´et´es s’est r´ev´el´e ˆetre une des tˆaches principales des th´eoriciens contem- porains de la v´erit´e.37 Mais rappelons que Tarski cherchait d’abord une d´efinition

explicite de la v´erit´e. Or montrer qu’un langage classique coh´erent peut contenir un pr´edicat primitif de v´erit´e Σ-ad´equat pour un fragment Σ ´etendant proprement le fragment non al´ethique du langage, et montrer encore que dans certains cas l’ex- tension de la syntaxe par les ´equivalences-T correspondantes est conservative38, et que par cons´equent une th´eorie coh´erente et ad´equate de la v´erit´e pour un langage dans ce langage lui-mˆeme est jusqu’`a un certain point possible, tout ceci n’aurait pas permis d’accomplir ce qu’une d´efinition explicite accomplit de surcroˆıt, `a savoir une explication de la notion de v´erit´e en termes non s´emantiques.

36Et elle ne l’est pas, au sens o`u en ajoutant cette ´equivalence-T `a l’ensemble des ´equivalences-T

obtenues en instanciant le sch´ema-T par des ´enonc´es du fragment de L ne contenant pas de pr´edicat de v´erit´e, on obtient une th´eorie coh´erente.

37On peut voir cette question comme ´etant le centre des recherches de S. Kripke (1975), McGee

(1991), pour ne prendre que deux exemples. Voir aussi pour un traitement enti`erement classique de la notion d’´enonc´e fond´e l’article de Leitgeb (2005). Sur les ensembles maximalement consistants d’´equivalences-T, voir McGee (1992). Plus r´ecemment Cieslinsky (2007) a cherch´e `a identifier les ensembles maximalement consistants d’´equivalences-T ´etendant conservativement la syntaxe.

38Satisfaisant ainsi l’un des crit`eres classiques de la m´ethodologie de la d´efinition (de la d´efinition