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Cons´equences de la d´efinition

Tout d’abord la d´efinition `a la Tarski d’un pr´edicat de v´erit´e offre bien ce que Tarski en attend. Elle est formellement correcte et satisfait la convention-T. Quand elle est possible, la d´efinition montre donc qu’un usage coh´erent du concept de v´erit´e est possible. On se demandera peut-ˆetre, quid de l’´enonc´e du Menteur alors ? Apr`es tout l’´enonc´e du Menteur est un ´enonc´e bien form´e du m´etalangage.64 Il apparaˆıt que l’´enonc´e du Menteur est un th´eor`eme de la m´etath´eorie : M T ⊢ ¬V r(pλq). La raison en est simple : puisque λ n’est pas un ´enonc´e du langage-objet, et que dans la m´etath´eorie il est possible de prouver `a partir de la d´efinition de la v´erit´e que tout ´enonc´e vrai est un ´enonc´e du langage-objet (deuxi`eme clause de la convention- T), on peut prouver dans la m´etath´eorie que λ n’est pas vrai.65 La coh´erence de la m´etath´eorie est n´eanmoins pr´eserv´ee, tout simplement parce que l’´equivalence-T correspondante n’est pas, elle, un th´eor`eme de la m´etath´eorie, i.e. M T 0 V r(pλq) ↔ ¬V r(pλq).66

Il faut ensuite noter que la d´efinition de Tarski ne donne pas de crit`ere de d´ecision pour la v´erit´e dans le langage-objet.67 Certes, nous avons une d´efinition de l’ensemble des ´enonc´es vrais du langage-objet dans la m´etath´eorie, mais cette d´efinition ne nous permet pas en g´en´eral de d´ecider, dans la m´etath´eorie, de la v´erit´e ou de la fausset´e de tous les ´enonc´es du langage-objet, loin s’en faut. Nous ne

63Tarski (1983), p.195. Dans la section 3.5.1 on montrera sur un exemple comment d´eriver

une ´equivalence-T particuli`ere dans la m´eta-th´eorie. La preuve g´en´erale dans la m´eta-m´etath´eorie montre que le m´ecanisme simple `a l’œuvre dans cette preuve est g´en´eralisable.

64Nous simplifions un peu les choses ici. Il faudrait pr´eciser ce que nous appelons l’´enonc´e

du Menteur. Les points essentiels sont les suivants : 1. On peut ´etendre la syntaxe dans notre m´etalangage M L de fa¸con `a pouvoir y d´ecrire la morphologie de M L, et non seulement celle de L. 2. Dans cette th´eorie, d’apr`es le lemme de diagonalisation, il existe un ´enonc´e λ tel que M T ⊢ λ ↔ ¬V r(pλq). 3. Cet ´enonc´e λ appartient au m´eta-langage et non au langage-objet : sinon on aurait M T ⊢ V r(pλq) ↔ λ, d’apr`es 2., MT serait incoh´erente.

65M T ⊢ ∀x(V r(x) → x ∈ F orm

L). Donc par contraposition, si l’on a une preuve qu’un ´enonc´e

λn’est pas un ´enonc´e de L, on peut prouver dans M L que λ n’est pas vrai.

66Un point analogue ´etait d´ej`a not´e en passant dans Tarski (1939). On pourra consulter

Ketland (2000) pour une pr´esentation d´etaill´ee r´ecente. (Ketland semble ignorer le texte de Tarski(1939).)

2.3. Cons´equences de la d´efinition

pourrons trancher que pour ces ´enonc´es de la th´eorie-objet qui sont prouvables ou r´efutables... dans la m´etath´eorie (`a la traduction pr`es) ! Une chose est `a noter cepen- dant. Puisque le m´etalangage est « essentiellement plus riche » que le langage objet, il offre des moyens expressifs que le langage-objet n’offre pas, par exemple des quan- tificateurs et des variables d’un type logique plus ´elev´e que ceux disponibles dans le langage-objet. Par cons´equent la possibilit´e est ouverte, dans la m´etath´eorie, de formuler des principes gouvernant les notions du langage-objet (ou leur traduction) essentiellement plus riches que ceux qui ´etaient disponibles dans la th´eorie-objet. Dans ces conditions, nous serons souvent capables, dans la m´etath´eorie, de tran- cher la question de la v´erit´e d’´enonc´es laiss´es ind´ecid´es par la th´eorie-objet, en renfor¸cant nos axiomes `a l’aide des nouveaux moyens expressifs `a notre disposition. Nous aurons l’occasion, tout au long des chapitres suivants, de revenir sur le sens ´epist´emologique de ce processus de construction d’une m´etath´eorie au terme duquel nous sommes en position de d´ecider davantage d’´enonc´es que dans la th´eorie-objet. Quoi qu’il en soit de ce dernier point, il est n´eanmoins possible de prouver dans la m´etath´eorie un certain nombre de faits int´eressants concernant le langage-objet et la th´eorie-objet, lorsqu’on a d´efini la v´erit´e dans une m´eta-th´eorie construite selon les indications de Tarski :68

1. Principe de non contradiction pour le langage-objet. Pour tout ´enonc´e x, ¬(x ∈ V r) ou ¬(¬ ∗ x ∈ V r)

2. Principe du tiers-exclu pour le langage-objet. Pour tout ´enonc´e x, x ∈ V r ou ¬ ∗ x ∈ V r69

3. Les inf´erences dans la th´eorie-objet pr´eservent la v´erit´e. Si X ⊆ V r alors Cn(X) ⊆ V r.

4. Les ´enonc´es prouvables dans la th´eorie-objet sont vrais. Si A est la th´eorie- objet on a : P rA⊆ V r ou ∀x (P rA(x) → V r(x))

5. L’ensemble P rA des ´enonc´es prouvables dans A est coh´erent

6. Dans le cas o`u la th´eorie-objet A satisfait les conditions du premier th´eor`eme d’incompl´etude de G¨odel70 alors de plus :

68Tarski(1983), p.197-199.

69On parle parfois de principe de bivalence ici, pour distinguer le principe s´emantique du principe

logique. Je m’en tiendrai `a la terminologie de Tarski, non seulement par souci de fid´elit´e au texte de Tarski, mais ´egalement pour une raison qui apparaˆıtra au chapitre 7.

70C’est-`a-dire si A est une th´eorie r´ecursivement axiomatis´ee dans laquelle il est possible d’in-

Il y a un ´enonc´e arithm´etique vrai non prouvable dans Q (notre th´eorie objet ici). V r* P rA.71

Il importe de noter que ces cons´equences de la d´efinition ne sont pas toutes de mˆeme nature. Les deux premi`eres propositions (Non Contradiction et Tiers-exclu) sont seulement `a propos du langage de la th´eorie objet, et affirment que l’ensemble des ´enonc´es vrais de ce langage est coh´erent et complet ; j’appelerai ces ´enonc´es les g´en´eralisations logiques, parce qu’on peut les voir comme de simples formulations, `

a l’aide du pr´edicat de v´erit´e, de principes purement logiques72. Les propositions suivantes en revanche concernent la th´eorie-objet, et je les appellerai, faute d’un meilleur terme, et quand le contexte sera suffisamment clair, les g´en´eralisations th´eoriques.73 A cette distinction correspond une distinction dans les ressources de la m´eta-th´eorie qui sont n´ecessaires `a leur preuve. Les g´en´eralisations logiques sont d´erivables de la syntaxe et des axiomes logiques de la m´eta-th´eorie, tandis que la preuve des g´en´eralisations th´eoriques doit ´egalement faire appel `a la troisi`eme classe d’axiomes, ceux que nous avons appel´es74 les axiomes th´eoriques.75