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65 6.1 L'alliance thérapeutique :

6.2. Les différents langages :

6.2.3. Le langage verbal :

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Contrairement aux idées reçues, ce type de langage est minoritaire dans la roue de la communication car il en représente seulement 7%. Il correspond aux mots, aux expressions et aux types de formulation employés. Il est délicat à manier et peut faire basculer une relation par un simple mot mal choisi. L'observation du langage du patient est fondamental et nécessite de lui laisser le temps de s'exprimer une ou deux minutes en début de séance. Ensuite, le soignant l'interrogera par des questions ouvertes, ne restreignant pas la réponse à « oui » ou « non ». Ce moment est important

puisqu'il lui permet de recueillir des informations sur son état d'esprit. Le patient en profite pour expliquer ses préoccupations et ses attentes éventuelles avec ses propres mots et sans être influencé. Bien entendu, l'écoute du thérapeute doit être active pour un entretien de qualité. Il ne l'interrompt pas et l'encourage au contraire à poursuivre. Pour se faire, il utilise les différentes sortes de langage : le non-verbal (hochements de tête), le para- verbal (silence) ou le verbal (« oui...et... ? »). Ce temps d'observation évite de formuler des réponses inadéquates en se précipitant, et ainsi de commettre une erreur dès les premières minutes de la relation.

Comme tout professionnel de santé, le dentiste doit faire preuve d'empathie, notion se différenciant de l'altruisme, de la sympathie ou encore de la compassion. Elle repose sur la capacité à ressentir les émotions et sentiments d'autrui, à les comprendre et à y répondre. Néanmoins, il doit contrôler ses propres émotions pour ne pas aboutir à de la simple compassion, suivie d'un sentiment d'impuissance. L'écoute empathique revalorise le patient qui se sent compris et pris en charge. Au cours de cette anamnèse, les indices de communication verbale sont repérés afin que le praticien puisse s'y accorder en adoptant son langage, ses mots et ses expressions. Erickson disait « Quand vous écoutez un patient, vous devez l'écouter en sachant qu'il parle une langue étrangère et vous ne

devez pas essayer de le comprendre avec votre propre langage. Comprenez le patient dans son langage ». Le

praticien lui répondra en les réutilisant pour favoriser la compréhension des informations transmises, et en les imageant si besoin selon ses connaissances de sa pathologie.

Il importe également de connaître les « croyances de santé » du sujet pour les invalider si besoin (idée que le dentiste fait mal, arrache les dents...) et ainsi mieux prévoir sa réaction lors du soin. Ses mots et expressions repérés nourriront par la suite le discours du thérapeute lors de la séance hypnotique. Bien souvent, les soignants surestiment le savoir des patients dans le domaine médical et oublient que leur quotidien et leur vocabulaire ne sont pas habituels pour tout le monde. Se faire comprendre de manière accessible renforce la confiance et évite l'installation d'une barrière entre le praticien savant et le malade ignorant. Si le dentiste utilise le langage de son patient, celui-ci adhère plus facilement à la relation thérapeutique et au plan de traitement (Balken, 2004 ; Bernard et Musellec, 2013 ; Lecoursonnois, 2006 ; Virot et Bernard, 2010 ; Michaux et al., 2007).

Lors de toute communication thérapeutique, et encore davantage lors de l'hypnose, le thérapeute doit prendre en compte le mode de conscience du soigné. En effet, les messages transmis ne sont pas compris de la même manière en conscience critique et en transe, d'autant plus si cette dernière est négative. Le langage employé doit être rassurant pour renforcer le sentiment de sécurité et ainsi favoriser la dissociation. Lors de la transe, les paroles sont directement transformées en émotions ou en perceptions. Aucune traduction ou réflexion cognitive ne

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s'opèrent, contrairement au mode en conscience critique où une analyse est toujours effectuée. Le choix des mots par le praticien est primordial car le patient en transe, même spontanée, est hypersuggestible et focalisé sur son discours. S'ils ne conviennent pas, ce dernier entendra et ressentira autre chose que ce que le thérapeute a voulu

lui transmettre. Le langage adopté doit être immédiatement compréhensible et éviter tout terme technique ou professionnel. Le niveau de langue adopté est celui d'un enfant de 10-12 ans, construit sur une syntaxe assez pauvre et réutilisant ses expressions. Les phrases se composent de mots simples qui rassurent et félicitent, en rapport avec le confort, la guérison ou encore la sécurité. Nombreux sont ceux évoquant le bien-être : « calme », « confortable », « protégé », « confiance », « chaleur », « sourire », « agréable », « voyage », « détente », « stable », « énergie », « doux », « moelleux », « musique », « équilibre », « tonique », « vacances »... A l'inverse, certains sont plutôt synonymes d'inconfort, de tension et d'insécurité : « peur », « mal », « piqûre », « profond », « tomber », « froid », « enfoncer », « arracher », « douleur », « supporter », « bruit », « doute », « dur », « pointu », « tranchant », « blesser », « pistolet », « pince »... La vigilance est de mise car ces noms quotidiens dans la pratique du dentiste peuvent avoir une toute autre signification, souvent inquiétante, pour le patient. Bien entendu, l'interprétation varie selon le contexte. Le mot « pleurs » peut être angoissant pour une maman dans un cabinet dentaire, alors que lors son l'accouchement, il sera rassurant et signe de vitalité du bébé (Virot, 2010 ; Virot, 2013 ; Bernard et Musellec, 2013 ; Lecoursonnois, 2006 ; Virot et Bernard, 2010, Michaux et al., 2007).

Les paroles énoncées doivent toujours être affirmatives et positives. Elles sont répétées plusieurs fois et simplement. Des expressions comme « Rassurez-vous », « Vous avez la chance de... », « Ecoutez paisiblement et

attentivement cette douce mélodie... », sont utiles et génèrent un climat agréable et serein. Les affirmations

permettent d'envoyer un message clair et précis qui sera bien compris. Ainsi, pour la bonne prise d'un traitement, il est plus pertinent de dire par exemple « Prenez ce médicament une fois par semaine » ou « Prenez le avant le

repas » plutôt que « Ne le prenez pas six jours sur sept » ou encore « Ne le prenez pas en mangeant ».

Instinctivement, toute personne sait qu'il est plus performant de dire ce qu'il faut faire à quelqu'un que l'inverse. Dans la vie quotidienne, c'est notamment le cas pour les enfants : s'il leur est interdit de regarder, de manger ou de dire quelque chose, dans la majorité des cas, ils le feront tout de suite, allant à l'inverse de toute recommandation. Il en est de même pour un adulte. Il suffit alors de reformuler simplement son attente en détournant l'attention. Si le dentiste, demande à son patient s'il a froid, ce dernier retiendra le mot « froid » et se focalisera là-dessus, pouvant même ressentir des frissons. Il paraît plus judicieux de demander s'il a suffisamment chaud, forme plus positive de la même question. De même, la formule « Rassurez-vous » est bien plus efficace que de dire « N'ayez pas peur », « Restez tranquille » au lieu de « Ne bougez pas », « Ca va être court maintenant » à la place de « Ca ne va plus

être long ». Le questionnement est à employer avec prudence. Ainsi, demander « Avez-vous des douleurs en ce moment ? » oriente le patient vers la recherche d'un mal-être et induit une fixation sur celui-ci. Il est préférable de

le diriger vers l'évaluation interne de son confort : « Etes-vous confortable en ce moment ? ». Reformuler son langage demande un réel travail d'analyse par le professionnel de santé de son propre lexique et de ses habitudes verbales (Virot et Bernard, 2010 ; Bernard et Musellec, 2013 ; Virot, 2013 ; Michaux et al., 2007).

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En mode hypnotique, le fonctionnement cérébral est modifié : l'imaginaire, où les négations n'existent pas, et le langage figuratif prédominent sur la réflexion. A l'inverse, en conscience critique, le cerveau rationnel les décode très bien et sait les interpréter. Un patient à qui le dentiste dira « Vous n'aurez pas mal », comprendra qu'il ne sentira rien et que tout ira bien. En revanche, en état de transe, il interprétera cette phrase en retenant seulement le mot « mal » ! Au quotidien, l'usage de négations est très fréquent et même si l'intention est bonne, les résultats obtenus chez un sujet en transe provoquent l'effet inverse de celui désiré. Le patient, n'étant plus protégé par sa conscience critique, devient hypersuggestible et ne peut effectuer la bonne traduction du message envoyé. Ce phénomène s'applique lors d'une transe hypnotique mais également lorsque le sujet est en transe négative, qu'il soit douloureux ou encore focalisé sur une angoisse. L'abandon des négations est donc utile pour toute personne et pour chaque soin (Virot et Bernard, 2010 ; Bernard et Musellec, 2013 ; Virot, 2013 ; Michaux et al., 2007 ; Virot, 2010 ; Virot, 2002).

Enfin, les formules permissives laissent le choix au patient et permettent au praticien de ne pas s'imposer, de ne pas être trop directif. Le flou léger ainsi créé implique davantage le sujet qui se sent libre et limite ses résistances. Les adverbes comme « peut-être », « sans doute », « probablement », « vraisemblablement » sont intéressants, tout comme les formules « Si vous voulez », « Si cela vous convient ». Le langage verbal nécessite une réelle attention de la part du praticien et un apprentissage qui lui sera également utile dans sa vie quotidienne. Le pouvoir des mots est grand et leur impact varie selon l'état d'esprit du sujet et le contexte (Bernard et Musellec, 2013).