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3.
 Gennariello
et
le
corsaire

4.1.
 Langage
e
société

L’avènement de la civilisation de consommation demande à être reconnu par l’expérience littéraire et poétique, comme processus dans lequel l’homme est réduit à consommateur: l'homme ne se reconnaît qu’à travers «l’humble achat»14, humble parce qu’il ne demande que peu d’efforts. La valeur de l’homme réside dans sa capacité à assumer son rôle social de consommateur, l’homme ne s’appartient plus, il est réduit à valeur d’échange lui-même, et vit ainsi «l’anxiété de l’achat à l’état pur»15 : par cette anxiété les objets acquièrent de la valeur, parce qu’ils expriment le rapport réifié qui identifie consommateur et marchand ise.

Ce rapport est déterminé par des critères de fonctionnalité et efficacité inhérents au monde de la production, et ne peuvent être exprimés que par un langage spécifique:

« Si potrebbe dire, insomma, che centri creatori, elaboratori e unificatori del linguaggio, non sono più le università, ma le aziende"16

« …la nuova stratificazione tecnica – dovuta a uno spirito nuovo, quello tecnologico – che

non ha equivalenti nel passato – e che si appresta a formare il nuovo tipo di uomo – modifica

e omologa tutti i tipi di linguaggi della koinè italiana, nel senso della comunicazione, a discapito dell'espressità… »17

Langage et raison semblent avoir subi le même destin: des instruments fonctionnels de la production capitaliste, et, dans la mesure où le langage informe, donne forme, à la pensée, cette même pensée ne peut qu’être réduite à un pure utilitarisme. Les entreprises, et non pas les universités, sont devenues les centres réels d’élaborations et unification du langage, et à partir d’elles se diffuse la forme télévisée et publicitaire du langage, la nouvelle “koinè”, presque comme une stratégie de marketing. L’activité discursive devient la projection linguistique du modèle économique capitaliste, qui quantifie - et ne qualifie pas - les ressources matérielles et culturelles dans un stock inépuisable de simples matières premières, intégrées au processus de production : le langage instrumentalisé puise dans la vie et, surtout, la technologie, pour se rendre efficace, mais pas forcement expressif.

14 cf. : La divina mimesis, op. cit., p.42.

15 La divina mimesis, op. cit., p. 43.

16 Empirismo eretico, op. cit., p. 18.

Pour Pasolini ce nouveau langage c’est la condition du déracinement de l’homme à son monde, la perte des capacités inépuisables d’exploration du lien entre l’homme et le monde, surtout dans le cas italien, foisonnant de cultures régionales.

La nouvelle koiné remplace la langue parlée et la langue littéraire:

« …la ricerca della rapidità e della precisione comunicativa […] tendeva a sostituire il vecchio caro insostituibile “sì ” […] con un orrendo “esatto“. Questo “esatto“ non è direttamemte tecnologico : ma è il prodotto del “principio” tecnologico della chiarezza, dell’esttezza comunicativa, della scientificità meccanica, dell’efficienza, che diventa mostruoso nella sua iniziale fase di contatto con il substrato tradizionale umanistico e espressivo. »18

Ce nouveau langage résulte de différents modèles de communication véhiculés par le pouvoir dominant. Le problème linguistique ne peut s’affranchir facilement de la sphère politique. La bourgeoisie du XIXe siècle, celle qui avait vécu l’unification nationale, avait adopté le modèle florentin, mais restait ouverte à toutes les formes linguistiques, vernaculaires, argotiques du patrimoine culturel italien. Mais la bourgeoise néocapitaliste impose une nouvelle sélectivité du langage, exprimant avant tout une domination politique :

« Mai nessuno di noi letterati avrà il potere diretto di togliere dalla testa di un brigadiere la sua particolare selettività linguistica […] quando dice “ho effettualto” anziché dire “ho fatto”, come mamma gli ha insegnato, egli compie un atto di selezione linguistica […] solo il modello che ha in testa il signor brigadiere è uno e bino : il primo, archetipo, è quello del

latinorum, il secondo, più vicino, incombente […] è lo Stato, nella sua specie specificamente

statale : la burocrazia. A questi due modelli, se ne sta aggiungendo un terzo, che l imette per ora a soqquadro, ma che ha la possibilità di modificarli profondamente : è il modello dell’iper-lingua della meccanica : quella cha ha le sue sedi nelle aziende del Nord… »19

Le langage est dégradé à véhicule de communication (à base publicitaire) de l’économie capitaliste, l’usage des mots ne connaît plus de restrictions rituelles, religieuses ou poétiques, son utilisation est sans obligations ni responsabilités, comme si les mots étaient des matériaux consommables à plein titre :

«…la comunicatività del mondo della scienza applicata, dell’eternità industriale, si presenta invece come strettamente pratica, e quindi mostruosa. Nessuna parola avrà senso che non

18 Saggi sulla letteratura…, op. cit., p. 1290.

sia funzionale entro l’ambito della necessita: sarà inconcepibile l’espressione autonoma di un sentimento "gratuito"… »20

Alors pour le poète la tâche première sera de briser cette relation utilitariste et déterminante, pour produire un langage de l’inconsommable et l’inqualifiable, en refusant le «langage communicatif», la koiné uniformisante, qui s’est affirmée dans l’Italie de l’après guerre:

« In seno a questa nuova realtà linguistica, il fine della lotta del letterato sarà l'espressività linguistica, che viene radicalemente a coincidere con la libertà dell'uomo rispetto alla sua meccanizzazione. E non sarà la sua una lotta arida e velleitaria, se egli possiederà come proprio problema la lingua del nuovo tipo di civiltà. »21

La nouvelle langue n’est pas seulement l’expression du pouvoir des classes dirigeantes, et des nouveaux dirigeants, mais bien plus un instrument de domination systématique, capable de polluer tous les moments et toutes les sphères de la vie. Même les sentiments, la vie privée et la créativité n’arrivent plus à se soustraire à l’emprise de l’aliénation par le travail, et ne s’expérimentent plus comme diversités morales et culturelles.

Et cette mutation révèle l’ampleur du nivellement actuel de l’instrumentalisation de l’homme par la ratio technique-instrumentale, aussi bien dans nos nations que dans les régions sous-développées, soumises au même processus, qui tend à organiser tout existence dans un ordre systémique soumis aux impératifs de la production.

En cela Pasolini réélabore les thèses de l’école de Frankfort à propos du rôle de l’industrie culturelle dans la société moderne comme appareil de manipulation des consciences22. Comme le disent Horkheimer et Adorno :

« …tecnicamente e economicamente, reclame e industria culturale si fondono insieme. Nell’una e nell’altra sotto l’imperativo dell’efficienza, la tecnica diventa psicotecnica, tecnica del maneggio degli uomini.

Nell’una e nell’altra valgono le norme del sorprendente e tuttavia familiare, del leggero e tuttavia dell’incisivo, dell’esperto e tuttavia semplice ; si tratta sempre di soggiogare il cliente rappresentato come distratto e riluttante. Con il linguaggio in cui si esprime contribuisce anch’egli al carattere pubblicitario della cultura. Quanto più il linguaggio si risolve in comunicazione, quanto più le parole diventano da portatrici sostanziali di

20 Empirismo eretico, op. cit., p. 35.

21 ibidem, p. 23.

significato, puri segni di qualità, quanto più pura e trasparente è la trasmissione dell’oggetto intenzionato, e tanto più nello stesso tempo esse divengono opache e impenetrabili »23

La fonction de la langue est affaiblie, car elle devient fonction d'impératifs économiques où la personne n'est plus que client, un rouage dans l'appareil productif, auquel les mots sont adressés dans un but utilitaire qui cache les potentialités expressives. La langue doit surprendre et attirer, dominer le client – non plus personne, mais fonction. Dans cette fonction il est le destinataire d’un langage ou le signifiant doit s’effacer pour adhérer au signifié, à ses qualités, en faire donc un objet du désir.

La langue de la consommation comme totalité est, déjà à partir des pages de Empirismo eretico la première étape du génocide culturel, le début du cataclysme du bien-être à tous prix, le moment où la langue même devient une détermination sociale, un instrument de la domination de classe :

«… essendo la lingua della produzione e del consumo - e non la lingua dell’uomo - si presenta come implacabilmente deterministica: essa vuole soltanto comunicare funzionalmente ; non vuole né perorare né esaltare né convincere : a tutto questo ci pensano gli slogan della pubblicità »24

« …ipoteticamente, sarebbe del tutto concepibile un mondo interamente occupato al centro dal ciclo di produzione–consumo, che avesse come lingua la sola lingua tecnologica »25

«… la lingua internazionale di cui parla Vittorini (con un certo ottimismo) è invece la stessa lingua delle nuove forme di capitalismo […] la comunicatività civile e filosofica e l’espressività umana sono trascese dalla comunicazione segnaletica, cioè da una comunicazione di uomini non più uomini »26

La langue transformée à son essence de signe - et signe qui dirige vers, comme un signal – nie à l’homme sa faculté de se dépasser et de se représenter autre chose que le réel, ou, du moins, cette faculté est diminuée par son inutilité commerciale. C’est un processus qui est en train de se produire, mais qui n’est pas encore accompli : la langue littéraire et la langue parlée tendent à fusionner et à être remplacées par la langue technologique.

Le travail de Pasolini sur la langue parlée et sur la parole écrite dans Empirismo Eretico, trace une parabole qui part de l’analyse de la culture pour aboutir à un pamphlet contre la

23 Dialettica dell’illuminismo,Torino, Einaudi, 1966, p 39.

24 Saggi sulla letteratura…, op. cit., p. 1284

25 ibidem, p. 1288.

bourgeoisie et sa domination tyrannique du présent: au début le ton est prudent, perplexe, discursif, pour devenir de plus en plus véhément et passionné.

Sa formation humaniste, croise la tradition littéraire et la réalité du dialecte, frioulan au début, roman ensuite, pour récupérer l'adhérence à la réalité que les dialectes conservent. Il n'aura de cesse de défendre une tradition pluri-linguiste italienne qui remonte à Dante, par delà la fausse unification qui s'impose avec le pouvoir de la bourgeoisie du nord et de ses impératifs consuméristes et technologiques.

A nouveau l’interprétation de Pasolini est formulée en terme de hégémonie, de rapport de force qui sont en train de changer : tandis que la vieille bourgeoisie paléo-industrielle moisissait, sans réussir à s’identifier avec le pays, la «naissante technocratie du nord» 27 jouit d’une tout autre vitalité, elle parle au nom de toute la nation et de toutes les classes sociales, insinuant sa parole dans tous le interstices de la culture, de la société et de la langue:

« Il fenomeno tecnologico investe come una nuova spiritualità, dalle radici, la lingua in tutte le sue estensioni, in tutti i suoi momenti e in tutti i suoi particolarismi »28

Cette nouvelle technocratie parle au nom de tous et élabore un nouveau type de culture effectivement nationale. L’osmose avec la science n’est pas une mode transitoire, mais l’expression d’un climat, d’une atmosphère nouvelle. Même la langue des politiques perd sa vielle aura de supériorité, de détachement, provenant du modèle du latin, face à la langue courante parlée par les populations dans la vie quotidienne. La nouvelle matrice technique de la langue ne différencie pas, ne sépare pas les domaines du vivre ensemble et du travailler ensemble, ne spécialise pas le discours et l’individu, mais unifie les divers, confond les différences, tend, finalement à niveler.

L’identification de la langue du technocrate avec celle de l’ouvrier procède à une suppression totale des marges de liberté assurées par les divers niveaux de langue, présents de toutes façon en dehors de l’usine. Le conditionnement progressif est marqué par la littérature: celle-ci, dès les premières œuvres littéraires dédiées à la vie ouvrière, tentait de faire revivre de l’intérieur l’univers ouvrier en essayant de faire parler ses personnages dans leur propre langage, à l’intérieur des différentes sphères d'intérêts, vie privé, vie de l’usine, univers syndicale, qui demandaient chacun une approche et une langue diverse:

« -…nel caso che tutta una lingua sia "omologata e modificata" dal linguaggio della tecnica, si ricreerà presumibilmente in tutta la vita sociale il fenomeno che oggi si verifica solo nella

27 Saggi sulla letteratura…, op. cit., p. 1265

fabbrica: l'identificazione della lingua del tecnocrate con la lingua dell'operaio, e la susseguente soppressione del margine di libertà assicurato dai vari livelli linguistici »29

Maintenant il semble impossible de distinguer littérairement ces divers langages, aussi la littérature échoue dans sa volonté de mimesis dans la mesure où la langue de l’ouvrier s’identifie globalement avec celle de l’usine, et cela tout le temps. L’identification du langage de l’usine avec celui de l’ouvrier dans tout son espace de vie, indique qu’il s’agit d’une sorte de colonisation intérieure du monde vitale des travailleurs:

« Ora, direi che la ragione profonda di tale "impossibilità di mimesis" è appunto l'identificazione potenziale del linguaggio dell'operaio col linguaggio della fabbrica. Impossibilità che si presenta come prefiguratrice di situazioni linguistiche future, ben più gravi di quelle pertinenti il mondo delle lingue letterarie. Pare non si possa più "far parlare" la fabbrica, usufruire della sua lingua, riaprire un margine di libertà, riviverla"30

La formation classique elle-même rend Pasolini sensible à toutes les altérités parlantes et parlées, les langues spécifiques et les langues vernaculaires, dans une tentative de sortir de la langue aseptisée, quelque peu épuisée de l'italien classique. Il voudrait se rapprocher à une langue du présent intemporel, lieu de l'existence, qui définit l'identité, l'enracinement, la présence, dans la tension vers une réalité faite d'antinomies et de désirs, une réalité résistante au cadre rationnel de la langue épurée du musée de la littérature ou, pire, au jargon technologique.

Paradoxalement la fin des langues particulières et régionales, annonce aussi la fin de la langue nationale, qui n’est plus, de ce fait, la résultante d’une stratification culturelle, mais une espèce de jargon aseptisé calé sur le cycle production-consommation et doit s’adapter à «l'éternité industrielle follement déterministe31». Cette langue réduit à soi-même les stratifications historiques précédentes du langage :

«…la nuova stratificazione linguistica, la lingua tecnico-scientifica, non si allinea secondo la tradizione con tutte le stratificazioni precedenti, ma si presenta come omologatrice delle altre stratificazioni linguistiche e addirittura come modificatrice all’interno dei linguaggi »32

29 Empirismo…, op. cit., p. 103.

30 Ibidem.

31 "l'eternità industriale follemente determinista" : Empirismo…, op. cit., p.35

Il n’agit pas seulement donc des dialectes et des langues régionales, ce processus affecte les registres de langue, et tous ces ensembles linguistiques pertinents aux diverses sphères de l’être au monde.

Par dessus cette pluralité expressive, s'impose, en tentant de la remplacer, cette nouvelle koiné, langue communautaire, sans racines et sans tradition, véhiculée par la technique et les médias: elle se propose comme le nivellement de la pluralité linguistique italienne en un seul langage, qui ne vient pas de la fusion ou la stratification des langages particuliers précédents, mais simplement de l'imposition de la langue d'une classe ou d'un milieux, en l'occurrence la bourgeoisie industrielle du nord:

« …la nuova stratificazione tecnica – dovuta a uno spirito nuovo – che non ha equivalenti nel passato – e che si appresta a formare il nuovo tipo di uomo – modifica e omologa tutti i tipi di linguaggii della koinè italiana, nel senso della comunicazione, a discapito dell'espressività. »33

Les «nouvelles questions linguistiques» sur lesquelles il se prononce, partent du constat de l’écart entre l’italien instrumental, la langue parlée, et l’italien littéraire, le produit d’une tradition. Cet écart exprime une réalité qui est en train de changer. Différemment des autres pays européen, qui ont une tradition bourgeoise plus ancienne, la bourgeoisie italienne ne sait représenter la société, mais seulement ses propres intérêts : elle n’a pas eu le temps d’intégrer les langages particuliers et d’élaborer une véritable langue commune. Pasolini écrit :

«La lingua parlata è dominata dalla pratica, la lingua letteraria dalla tradizione : sia la pratica che la tradizione sono due elementi inautentici, applicati alla realtà, non espressi dalla realtà. O meglio essi esprimono una realtà che non è una realtà razionale : esprimono la realtà storica della borghesia italiana che non una realtà nazionale: esprimono la realtà storica della borghesia italiana che nei primi decenni dell'unità, fino a ieri non ha saputo identificarsi con l’intera società italiana.

La lingua italiana è dunque la lingua della borghesia italiana che per ragioni storiche determinate non ha saputo identificarsi con la nazione, ma è rimasta classe sociale: e la sua lingua è la lingua delle sue abitudini, dei suoi privilegi, delle sue mistificazioni, insomma della sua lotta di classe»34

Mais ce qui était vrai hier, commence à être démenti par le présent.

33 Empirismo eretico, op. cit., p. 35.