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La transition vers la noosphère, une révolution globale

Dans le document PLOUC PRIDE - Récit pour les campagnes (Page 61-68)

Au-delà des aspects économiques, sociaux et politiques, la transition vers l’ère de la noosphère remet en cause jusqu’aux principes même de la modernité, physiques (sciences des effets ou des phénomènes)

9 Quel Homme pour 2050 ? Table ronde d’ouverture de la semaine du Plateau de Saclay sur le Transhumanisme, à l’École Polytechnique. Voir la conférence de Laurent Alexandre (en ligne)

et métaphysiques (science des causes, sortie des sciences par la modernité). Le paradigme de la transition intègre beaucoup de mutations qui échappent largement à mes compétences mais qui méritent néanmoins d’être citées.

. L’incarnation de l’anthropos

Sexuellement, puisqu’aucune “révolution économique ne peut aboutir si elle ne va pas de pair avec une révolution sexuelle“ (Snyder, 2018, p.23), il est probable que l’ère de la noosphère soit marquée par l’incarnation sociale de l’anthropos dans l’Histoire, c’est-à-dire l’être humain aux polarités masculines et féminines équilibrées. L’incarnation de l’anthropos ne signifie bien sûr nullement la disparition des hommes et des femmes au sens biologique. Cela signifie la métamorphose complète des assignations et injonctions sociales imposées à ce que nous estimons aujourd’hui correspondre à la définition d’un homme ou d’une femme. Ces assignations sont héritées des périodes antérieures où le sexe était associé à la reproduction. Elles concernent par exemple, les apparences physiques, les postures corporelles, les façons de parler, de s’habiller, les positions sociales, etc. La reconnaissance contemporaine de la nature transgenre des êtres humains s’exprime déjà de façon de plus en plus évidente. Cela a commencé par la libération des vêtements, des cheveux, de la sexualité et des assignations sociales faites aux femmes au 20e siècle. Ensuite, cela a été les mouvements LGBT à partir des années 1980. Cela se poursuit depuis peu par la libération des assignations sociales faites aux hommes et l’émergence d’une révolution sexuelle masculine (Jablonka, 2019). Aujourd’hui, l’expression libre de personnalités transgenres reste encore modeste. Mais la prise en charge par la médecine des individus souffrant d’une différence d’identité sexuée et d’identité de genre progresse remarquablement. La question du rôle social de l’inscription du sexe sur les documents d’Etat-Civil est questionnée (Arc, 2019).

On peut également penser que l’anthropos de l’ère de la noosphère dépasse à terme l’immaturité et le déni d’altérité caractéristique de l’hyper-modernité et abandonne l’idéal “adulescent“ actuel, pour valoriser socialement un niveau de conscience à soi, aux autres et au monde, plus adulte, plus mature psychologiquement.

Dans une utopie assumée, que ces deux mutations donnent naissance à un âge des adultes, frères et sœurs, pour complété la formule initiale de Joachim de Flores.

. Le basculement scientifique et métaphysique

Aujourd’hui, la conception du cosmos connaît des révolutions scientifiques qui ébranlent les fondements de la science de la modernité.

La physique classique newtonienne est bousculée par une physique quantique. Non seulement le cosmos dans l’infiniment grand est composé essentiellement de vide, mais la matière elle-même est composée essentiellement de vide dans l’infiniment petit. Ce vide est plein d’une énergie contenant de l’information. Ce nouvel “esprit“ (énergie informée) est donc à la fois à l’extérieur de toute matière et à l’intérieur de celle-ci, y compris donc des humains. Des recherches actuelles sur la captation de l’énergie de la structure du vide, totalement inenvisageables hier, pourraient métamorphoser radicalement toute notre vie et notre perception de la réalité, dans un délai extrêmement rapide (Wilczek et Krauss, 2017). Des hypothèses

scientifiques proposent une interaction complète entre cette énergie et la matière, voire l’hypothèse de l’inexistence de la matière qui ne serait qu’une sorte de densification holographique de l’énergie (Haramein, 2012 ; Dugué, 2017). Cela remet profondément en question le matérialisme caractéristique de l’ère de la modernité. Tout cela génère une bascule métaphysique et l’émergence de nouvelle conception de la relation entre la conscience (la sensation d’être) et la matière qui nous entoure. Ce nouveau paradigme remet en cause la séparation objective entre l’observateur et ce qu’il observe. Cette idée percole dans la société quand des écologistes affirment : “Nous ne défendons pas la nature, nous sommes la nature qui se défend“. Une telle affirmation rompt radicalement avec la pensée moderne qui se fonde sur la séparation de l’humain et de la nature, sur la séparation du sujet et de l’objet dans les sciences (Descartes, 1637 ; Flipo, 2016). De même, en biologie, l’épigénétique transforme notre façon de concevoir les inter-relations entre les humains et leur environnement. En médecine, la définition de la mort (et donc de la vie) évolue avec l’étude des expériences de mort imminente (EMI) et les hypothèses d’une conscience localisée de façon extra-neuronale, développée par Jean-Jacques Charbonnier (2017). Le cerveau ne serait pas le siège de la conscience, mais le récepteur qui permet à la conscience d’interagir avec le corps.

Il y a sans aucun doute une multitude d’autres aspects, que d’autres que moi sauront compléter. Je n’ai pas la capacité individuelle à être exhaustive sur une question d’une telle ampleur.

Conclusion

D’un point de vue de géographe, il existe de grandes ères dans l’histoire humaine où les façons d’être au monde, c’est-à-dire d’être à l’espace, au temps et aux autres, s’expriment différemment - FIGURE 15. Entre chacune de ces ères s’opère une transition qui marque l’effondrement de l’ancienne grande phase de civilisation et l’épanouissement de la nouvelle. Le rythme de ces grands cycles s’accélère. La vitesse des transitions s’accélère également.

Le passage entre l’ère paysanne et l’ère industrielle, elle s’est déroulée essentiellement au milieu du 19e siècle et a marqué l’effondrement du féodalisme foncier et du pouvoir aristocratique, des sociétés paysannes et des territoires ruraux. La transition s’est achevée au milieu du 20e siècle dans les campagnes. La transition entre l’ère de la modernité thermo-industrielle et l’ère de la noosphère marquera à son terme l’effondrement de nos modes actuels de production, de consommation, donc la fin de la société productiviste et consumériste, capitaliste, bourgeoise, urbaine, telle que nous la connaissons, mais également le dépassement de ses fondements scientifiques et philosophiques. Chacun perçoit déjà le mouvement. Ce passage est la voie vers une société tout autre, encore difficilement imaginable.

J’émets l’hypothèse que la période actuelle n’est que l’expression de la première phase de la révolution numérique dans l’ère industrielle. Le passé nous a montré que le premier cycle d’une ère se confond avec l’apothéose du précédent, juste avant son effondrement. En effet, le premier cycle industriel qui vit naître les bassins industriels houillers, marqua aussi le maximum démographique des campagnes -

FIGURE 9. Il convient donc d’envisager que la période actuelle soit effectivement à la fois l’apothéose de la modernité avant son effondrement, afin d’ouvrir la voie à l’épanouissement d’une nouvelle ère tout autre. La question importante du moment est de savoir si l’effondrement sera catastrophique comme le prédisent les collapsologues, ou si un projet politique, économique et social de transition peut être organisé collectivement à l’échelle des nations.

La campagne en tant que territoire et société est une de nos mémoires communes. Elle constitue en nous, une couche mémorielle importante. L’ère paysanne, s’étire sur plusieurs millénaires jusqu’aux années 1970 pour les derniers paysans. Elle sédimente en nous plus de 250 générations. La paysannerie n’est éloignée qu’à trois ou quatre générations de la plupart des Français d’aujourd’hui. Des mémoires très importantes subsistent dans la géographie contemporaine, j’en citerai trois.

ère sauvage ère paysanne la modernitéère de la noosphèreère de

Prédation

Musculaire humaine

Peuplement très épars

pour chasser Peuplement dispersépour produire Peuplement dispersépour habiter

Nature sauvage Nature anthropisée,campagne agricole Environnement artificialisé,Ville campagne résidentielleNature anthropisée, Peuplement groupé

pour produire Musculaire animale,

énergie mécanique de l’eau et du vent (moulin)

Mobilité physique

musculaire Mobilité physiquemotorisée Mobilité virtuelle

Énergie mécanique

du feu (motorisation) énergie libre du videSoleil,

Chasser et cueillir Égalitaire L’abdomen l’instinct On ne bouge plus Enfantement Mère Semence Père Séparation entre sexualité et reproduction Enfant/adolescent Intégration masculin-féminin Anthropos On ne respire plus,

le coeur ne bat plus L’encéphalogrammeest plat ?

La poitrine

la foi la raisonLa tête Extra-neuronalla conscience

Féodalisme, aristocratie Monarchie Capitalisme, bourgeoisie Démocratie

représentative Démocratiedirecte

Contributisme

Agriculture Industrie Connaissances, idées

Produire et échanger

des biens matériels des idées immatériellesProduire et échanger

Produire et échanger la nourriture

Capital foncier Capital financier Capital humain

éc onomie éner gie mobilit é géogr aphie per cep tion de l ’espac e per cep tion du t emps sociopolitique c orps

Trait Aire Point ?

Occasionnelle Cyclique Linéaire Présent

V. JOUS SEAUME, S. CHARRIER © IG ARUN, Univ er sit é de Nan tes

Hypothèses

Siège de l’être Mort Sexe

L’armature actuelle du peuplement rural français, des hameaux, aux villages et aux bourgs, mais aussi la distribution de l’essentiel du réseau des villes, sont héritées de l’ère paysanne. Bien sûr, ces traces sont par endroits remaniées, parfois radicalement transformées.

De même, et sans doute plus importants encore, quoique très largement méconnus, sont nos systèmes familiaux décrits par l’anthropologue Emmanuel Todd (2011 et 2017)11. Bien que fortement ébranlés par la culture moderne (Todd, 2020), nos rapports entre hommes et femmes, entre parents et enfants, entre frères et sœurs, avec la famille, avec l’extérieur sont malgré tout issus de cette ère paysanne. Ils influencent aujourd’hui encore de nombreuses sphères de nos vies en colorant notre conception de l’égalité, de l’autorité, de la liberté et donc la place des femmes, la place de la Nature, la place de la religion, nos orientations politiques, nos normes morales, nos attitudes face au changement ou à l’altérité, etc.

Enfin, il reste de cette grande ère paysanne, une mémoire sociale qui est l’expérience encore récente d’un autre monde. C’est le souvenir plus ou moins vivant et vivace d’un autre modèle d’organisation de la société, avec ses atouts et ses inconvénients. C’est une altérité, très différente de la société actuelle.

Voici donc le cadre conceptuel dans lequel j’inscris la suite de ma réflexion sur la ruralité. Premièrement, il permet de revaloriser la campagne en tant que mémoire commune, aux côtés des mémoires antérieures des chasseurs-cueilleurs, mais aussi aux côtés des formidables apports culturels contemporains de l’ère de la modernité dans laquelle nous vivons. Deuxièmement, il permet d’interpréter le présent, d’envisager les évolutions à venir, dans une perspective élargie, hors des œillères de la pensée dominante limitée à l’ère de la modernité. Troisièmement, il permet d’entrevoir la difficile position de la ruralité dans le discours moderne.

LE NÉANT

L’éclipse conceptuelle

Dans le document PLOUC PRIDE - Récit pour les campagnes (Page 61-68)