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2.4 Applications de la thérapie photodynamique en neuro-oncologie

2.4.3 La thérapie photodynamique interstitielle

La question de la place de la iPDT dans le traitement des GBM se pose depuis 1990 [107]. La

iPDT était d’abord destinée aux tumeurs récurrentes non résécables. Elle n’a fait l’objet jusqu’à

au-jourd’hui que de petites études cliniques de cas ou de petites cohortes de patients (une dizaine) afin

d’en vérifier d’abord la faisabilité et la sécurité[108] [109] [110].

Une des premières études réalisée sur une petite cohorte de 7 patients atteints de gliomes malins

récurrents ou de métastases de mélanome, montrait qu’après une iPDT médiée par Photofrin®, seuls

deux patients sur sept présentaient un délai "élevé" avant récidivei.e.15 mois. Les récidives

appa-raissaient en bordure de la zone de nécrose induite par la iPDT, bien que d’après les prélèvements

de tissus, la tumeur et la zone adjacente à la tumeur présentaient une concentration suffisante de

photosensibilisateur. L’hypothèse avancée était que la dose de lumière apportée à la zone cérébrale

adjacente à la tumeur était insuffisante pour générer une photosensibilisation et une destruction des

cellules tumorales y résidant [111]. Cette étude a donc fait apparaître le besoin évident de mieux

contrôler la distribution du photosensibilisateur dans le tissu, et la capacité à fournir une dose de

lumière suffisante dans toute la zone à traiter pour atteindre une efficacité de traitement optimale.

L’optimisation de la iPDT passe donc par la capacité à adapter la dose de lumière à chaque cas de

figurei.e.localisation, volume, forme de la lésion en s’aidant de l’imagerie multimodale (anatomique

et fonctionnelle) pour localiser les foyers tumoraux à traiter. Origitanoet al.ont étudié l’impact de la

distribution de la dose de lumière sur l’efficacité de la iPDT en mettant au point un protocole de

pla-nification de traitement assisté par ordinateur basé sur des images en 3D reconstruites, fournissant

des données de volumes tumoraux reproductibles et une présicion stéréotaxique pour le placement

des fibres de traitement[102]. Les variables de traitement étaient l’étendue de la zone de traitement

2.4. Applications de la thérapie photodynamique en neuro-oncologie

fibres de traitement) et le nombre de fibres de traitement placé en interstitiel. Les résultats ont

mon-tré que : les échecs de traitement survenaient en dehors de la zone d’irradiation, l’augmentation du

volume d’irradiation par l’implantation de plusieurs fibres était sans danger, et pour atteindre une

efficacité de traitement optimale, la personnalisation de la géométrie et du volume de la dose de

lumière était essentielle.

De nouvelles considérations sont à prendre en compte lorsque plusieurs fibres sont utilisées pour

apporter une dose suffisante et homogène de lumière dans le volume à traiter. Le risque de sous- ou

surexposition des zones à l’intersection des fibres, ainsi que d’augmentation de la température dans

la zone de traitement doivent être pris en compte. Becket al.ont conduit une étude sur la faisabilité

et les risques liés à l’utilisation de la iPDT médiée par 5-ALA sur 10 patients atteints de gliomes

ma-lins récurrents de petite taille[110].

Une simulation de Monte Carlo a établi la propagation de la lumière et de la chaleur théorique dans

le tissu d’après les propriétés optiques du tissu sain infiltré par les cellules tumorales. L’utilisation

d’un logiciel modifié de planification de traitement 3D a permis de définir le volume de traitement

et le positionnement des fibres de traitement (précision de 2 mm) en complémentarité avec les

in-formations fournies par la simulation de Monte Carlo. Le schéma d’irradiation développé sur la base

de ce modèle a montré qu’un espacement de 9 mm entre les différentes fibres était suffisant pour

ne pas atteindre une température critique de 42°C et délivrer une dose de lumière suffisante en tout

point de la zone de traitement. Aucune morbidité per-opératoire ni de formation d’œdème n’a été

observée, marquant la faisabilité et la sécurité de la iPDT combinée à un logiciel de planification de

traitement[110].

L’impact de la distribution du photosensibilisateur dans le tissu traité a également été exploré

[109] [112]. Sur une petite cohorte de cinq patients, l’équipe de Johanssonet al.a réalisé des

me-sures de fluorescence juste avant et après iPDT médiée par le 5-ALA, puis a déterminé par extraction

chimique sur des biopsies la quantité de photosensibilisateur présente dans le tissu. Les résultats ont

montré que les tumeurs qui affichaient une forte fluorescence corrélée à un niveau élevé de

proto-porphyrine IX (entre 1,4 et 3µM) ne présentaient pas de progression entre 29 et 36 mois, alors que

les tumeurs affichant une faible fluorescence et également un faible niveau de protoporphyrine IX

(entre 0 et 0,6µM) continuaient à progresser jusqu’au décès des patients (3 et 9 mois). Les tumeurs

ayant un faible niveau de protoporphyrine IX présentaient une nécrose centrale étendue ou avaient

déjà reçu de nombreuses lignes de traitement intensives ayant potentiellement altéré leur capacité

à synthétiser la protoporphyrine IX[109]. Pour que la iPDT fonctionne, une concentration minimale

de protoporphyrine IX doit être atteinte dans le tissu tumoral en combinaison avec une dose de

lu-mière suffisante pour l’activer tout au long de la réaction photodynamique.

Peu d’études précliniques ont été menées sur la iPDT notamment parce que l’application d’un tel

protocole sur le petit animal est un challenge technique[113] [114] [115].

En effet, l’intérêt d’un modèle animal est de reproduire du mieux possible les caractéristiques

en-vironnementales, histologiques et topographiques des tumeurs étudiées. Il est donc important de

travailler sur un modèle tumoral orthotopique et non pas ectopique pour bénéficier d’un

micro-environnement cérébral. L’obtention d’une tumeur greffée en intra-cérébral nécessite la maîtrise de

la stéréotaxie, une technique neurochirurgicale faisant appel à un dispositif de repère orthogonal

permettant d’après les coordonnées d’une structure du cerveau de l’atteindre de manière très

pré-cise. Cette technique est donc plus difficile à maîtriser que la greffe sous-cutanée et largement plus

chronophage.

d’ac-cès et augmente la difficulté quant à la réalisation de la iPDT sur petit animal. En effet, lors de la

iPDT, il est nécessaire de pouvoir planifier et visualiser le placement de la fibre de traitement au

sein de la tumeur. En clinique, l’objectivation du bon placement des fibres se fait d’après l’imagerie

du scanner en utilisant des fibres radiomarquées (fibre munie à son extrémité diffusante d’un petit

anneau métallique détectable au scanner). Celles-ci sont maintenues grâce à un cadre stéréotaxique

conçu pour maintenir plusieurs cathéters. La plupart du temps les fibres optiques sont munies d’un

diffuseur cylindrique ou sphérique pour une meilleure diffusion de la lumière, ce qui augmente le

diamètre de la fibre.

La transposition de la iPDT de la clinique au préclinique nécessite la miniaturisation de tout le

dispo-sitif ce qui soulève plusieurs défis. D’abord, la miniaturisation des diffuseurs cylindrique et sphérique

n’atteint pas des tailles suffisamment fines pour être insérés dans le cerveau d’un rat sans créer de

lésions irréversibles. Il faut donc adapter le type de diffuseur et le diamètre de la fibre au modèle.

L’ajout d’un embout métallique pour visualiser la fibre par scanner augmente le diamètre de la fibre

et risque d’endommager le tissu cérébral.

Il semble également compliqué de placer plusieurs fibres de traitement chez le rat afin d’adapter la

géométrie de la dose de lumière à celle de la tumeur.

Les travaux de doctorat de Denise Bechet au sein du laboratoire ont porté en partie sur la mise

en place d’un modèle murin permettant de réaliser un traitement interstitiel stéréotaxique guidé par

imagerie non-invasive. Une fibre souple d’un diamètre externe de seulement 300µm a été conçue

pour l’irradiation. Le guidage de son placement a été réalisé en IRM. Les images IRM prises avant

traitement permettaient de mesurer la longueur de fibre à insérer pour atteindre la tumeur, et une

seconde IRM après insertion permettait de valider le bon positionnement de la fibre. Cependant, la

iPDT nécessite de ré-inciser le scalp et de repercer la boite crânienne aux coordonnées de la tumeur,

manipulation délicate. Un dispositif innovant ayant fait l’objet d’un brevet (WO 2012176050 A1),

et portant le nom de "ancre crânienne compatible pour l’imagerie par résonance magnétique et

vi-sualisable en tomographie à rayons X pour l’implantation stéréotaxique chronique ou non chez le

petit animal", a permis d’améliorer ce dernier point. Le dispositif est constitué d’une partie plane,

vissée dans les os temporaux et l’os frontal du crâne, et d’une canule marquant l’entrée du trou de

trépan par lequel les cellules tumorales sont injectées. La canule fixe les coordonnées stéréotaxiques

antéro-postérieures et latérales du point d’injection et maintient une ouverture qui est ensuite

uti-lisée pour insérer la fibre de traitement le jour de la iPDT (Figure 19). Un obturateur bouche cette

canule lorsqu’elle n’est pas utilisée. Il est possible, dans le cas d’une iPDT réitérée, de laisser une fibre

à demeure maintenue par l’ancre crânienne.

L’utilisation de cette technologie a permis de valider le concept de iPDT guidée par IRM en

uti-lisant des nanoplateformes multifonctionnelles pour la VTP[115]. Pour ce faire, des nanoparticules

multifonctionnelles, composées d’un agent de contraste, un photosensibilisateur et un peptide de

ciblage, injectées par voie intraveineuse chez le rat, permettaient de visualiser la tumeur par IRM.

L’ancre crânienne IRM-compatible fixée à demeure sur le crâne de l’animal permettait de guider

la fibre de traitement jusqu’à la tumeur, et une IRM de contrôle d’en valider le bon positionnement.

Cette étude a fait la preuve de concept du guidage par IRM de la iPDT puis du suivi par IRM de

l’évolution tumorale post-iPDT[115].

La grande limitation de ce type de traitement pour des tumeurs solides volumineuses reste la

diffusion de la lumière au sein du tissu tumoral et la capacité à planifier la dose de lumière

spatiale-ment et temporellespatiale-ment afin de ne pas toucher les tissus sains avoisinants[53] [116].

2.4. Applications de la thérapie photodynamique en neuro-oncologie

FIGURE19 – Dispositif de l’ancre crânienne.A.Ancre crânienne (WO 2012176050 A1).B.Guidage

de l’injection des cellules tumorales par l’ancre, lors de la greffe orthotopique.C.Guidage de la fibre

optique de traitement lors de la iPDT guidée par IRM.

Pour que la PDT devienne un traitement de référence plusieurs points restent à valider : un

outil de dosimétrie fiable et en temps réel, un photosensibilisateur très sélectif du tissu tumoral et

la capacité d’adapter la dose de lumière en fonction du type tumoral (volume, localisation,

exten-sion)[117] [118] [119]. La recherche sur des plannings de traitement adaptés à la PDT est surtout

développé dans le cadre de la iPDT appliquées aux tumeurs de la prostate[120] [121].

Un essai clinique en cours porte d’ailleurs sur l’élucidation des conditions optimales d’utilisation du

Photofrin® dans des gliomes récurrents,i.e.la dose maximale tolérée, la neurotoxicité évaluées par

la survie sans progression à 6 mois (NCT01966809 conduit par H. Whelan).