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La stratégie d'import-substitution au Sénégal

2.3 LES POLITIQUES COMMERCIALES

2.3.1 La stratégie d'import-substitution au Sénégal

Les entreprises de substitution aux importations ont été fortement protégées lorsqu'elles produisaient des biens de consommation. Suréquipées et à l'abri de la concurrence, elles ont produit à des prix élevés des biens de faible qualité auxquels le consommateur local a préféré les

produits importés.

Par ailleurs l'import-substitution s'est traduit par des importations massives de matières premières et de biens d'équipement ainsi qu'une forte concentration des unités industrielles. Le

troisième plan de développement économique et social (1969-1973) privilégiait toujours la protection des entreprises de substitution aux importations, même s'il insiste sur le développement des Petites et Moyennes Entreprises (PME), étant donnée la faible taille du marché sénégalais.

A cet effet le gouvernement du Sénégal s'est attelé à la création d'établissements publics et de sociétés nationales dans différents secteurs; d'autre part, il a fortement encouragé les

entreprises privées à investir dans les mêmes types d'activités, en usant de plusieurs instruments (code des investissements, protection tarifaire etc.).

Dans l'agriculture, cette stratégie s'est traduite par l'objectif assigné aux paysans d'assumer leur propre autoconsommation en céréales locales, alors que les consommateurs urbains s'approvisionnent à 1' extérieur, en brisures de riz, importées à bas prix. La culture arachidière devant procurer aux paysans des revenus substantiels, et à l'état, des devises pour financer les importations. C'est autour de ces objectifs que l'Etat a élaboré une stratégie d'intervention tous azimuts, allant de l'encadrement de la production à la commercialisation agricole. C'est ainsi que fut crée l'Office pour la Commercialisation Agricole (OCA). Les centres

d'assistance au développement sont chargés de la mise en place des programmes de modernisation agricole. La Société d'Aménagement et d'Exploitation des terres du Delta (SAED) fut créée en 1968, avec pour mission d'assurer l'encadrement rural sur les périmètres irrigués du Fleuve. En 1969, l'Office national des Coopératives et d'Assistance au Développement (ONCAD) se substitue aux Centres Régionaux d'Assistance au Développement (CRAD) et à ( l'OCA) et prend en charge toute la filière arachidière, à l'exception des activités d'exportation assurée par la SONACOS et des entreprises d'économie mixte. Durant les années 70, l'Etat va

étendre son intervention en dehors des filières arachidières. Ainsi, la Société d Exploitation des Fibres Textiles (SODEFITEX) fut créée en 1974, pour prendre en charge la filière coton, suivie de la Société pour le Développement de l'Elevage dans la zone Silva-pastorale (SODEPS) (élevage) en 1975, de la Société de Mise en Valeur de la Casamance (SOMIVAC) (mise en valeur de la Casamance), pour donner un coup de fouet à la production agricole.

Dans l'industrie, le premier code des investissements est entré en vigueur dès 1962 (loi 62-33) qui s'adressait aux entreprises exerçant au Sénégal et s'inscrivant dans les objectifs du

plan de développement très favorable à la substitution des importations. Les entreprises bénéficiaires du régime du code ont d'exonérations fiscales importantes qui, par ailleurs, ne pouvaient pas être modifiées ni dans leur taux, ni dans leur assiette, pendant une durée de 25 ans.

En 1965 (loi 65-34) ce code qui, entré en vigueur en 1972, fut modifié, avec une baisse du montant de l'investissement minimal exigé d'un milliard de FCFA antérieurement à 500 millions de FCF A et un élargissement des exonérations des droits et taxes aux pièces détachées utilisées pendant une durée de 5 ans en sus de l'admission temporaire sur les inputs importés. En 1977, une nouvelle loi (77-91) entra en vigueur, mettant l'accent sur les PME pour la réalisation de l'objectif de la substitution aux importations, étant donnée la taille très limitée du marché. Avec cette loi, il y eut désormais deux codes : le grand code pour les entreprises de grandes dimensions et le petit code pour les entreprises dont le programme d'investissement est inférieur à 20 millions de FCF A. De façon générale, les avantages octroyés dans le cadre des codes sont les suivant : un régime de taxation qui exonère de certains droits et taxes, notamment les droits de douanes frappant les matières premières importées. De plus, le régime, en vertu des clauses de non aggravation ne peut changer que lorsque 1' entreprise bénéficiaire opte pour un nouveau code; généralement un statut de monopole est accordé à l'entreprise bénéficiaire; la durée de l'agrément qui était de 25 ans renouvelables par tacite-reconduction est ramené à 10 ans en 1981.

Sur le plan purement institutionnel, 1 'Etat du Sénégal crée en 1968/1969 la SONEPI pour l'encadrement des PME et en 1970, le ministère du développement industriel et de l'artisanat, pour mieux attirer les investissements tournés vers le marché local. Les principaux secteurs à avoir bénéficié de ces avantages sont: les industries chimiques (peinture, détergent, etc.), la métallurgie et l'ingénierie (assemblage de voiture etc.), les industries textiles et alimentaires (en particulier le raffmage du sucre). Tous ces secteurs ont bénéficié d'une protection élevée, parfois

même redondante, allant de la prohibition d'importations aux quotas et aux autorisations préalables qui concernaient plus de 161 produits avant la NPI. Seuls certains rares secteurs qui avaient un avantage comparatif (comme les emballages métalliques) n'ont pas demandé de protection à 1 'Etat. Très souvent, la protection faisait partie intégrante de la convention d'établissement liant l'Etat avec certaines grandes entreprise. En plus de ces protections purement

quantitatives, l'Etat utilisait une fourchette de droits de douane et de taxe assimilées, pour à la fois renforcer la protection tarifaire et alimenter son budget. Ainsi, jusqu'en 1986, les taux nominaux de droits de douane étaient en moyenne de 86%, avec des maxima de 200%pour certains produits.

Face à cette situation le secteur d'exportation a vu ses performances fléchir, en raison de la protection excessive du marché intérieur et des coûts de production élevés.

Au début des années 1970, la stratégie de l'import-substitution a commencé à manifester

des signes évidentes de contre-performance, dont l'Etat a été obligé de prendre acte dès le quatrième plan (1973-77). Les entreprises publiques ont commencé à connaître de sérieux problèmes de financement. Ainsi en 1983, de toutes celles qui opéraient dans le secondaire, moins de 10 d'entre elles avaient une situation fmancière saine. Dans la même période, elles ont connu un déficit consolidé de 21 milliards de FCFA. Dans l'agriculture, la plupart des organismes d'encadrement étaient déficitaires, le plus frappant d'entre eux étant l'ONCAD, avec un déficit de 90 milliards de FCFA. Dans le secteur privé, la situation n'était guère meilleure. La plupart des entreprises fonctionnaient très nettement en deçà de leur capacité de production. La part de l'industrie dans le PIB qui était de 17% en 1960 n'est que de 18,5% en 1974 et elle aurait considérablement décrû si les secteurs agricoles et des services n'avaient pas eux aussi connu un net déclin dans la même période.

Toutes ces difficultés d'ordre sectoriel, ont eu sur le plan macro-économique des conséquences manifestes. Le taux de croissance du PIB n'est plus 2, 1% entre 1972 et 1980, contre 3,3% par an pour le taux de croissance de la demande. Ce qui entraîne un taux de croissance par tête négatif (-1% entre 1979 et 1981), de même qu'un taux d'épargne négatif(-1,2%). L'investissement intérieur brut rapporté au PIB (12%) est inférieur à la moyenne africaine

(15,5%) et au taux qui remplacerait les investissements antérieurs (13%). Le déficit budgétaire et

celui du compte courant représentaient respectivement 12,5% et 25,8% du PIB entre 1978 et 1981. L'encours de la dette représentait 67% du PIB, tandis que son service était de 18,5% des exportations de marchandises et de services non facteurs.

Tous ces déséquilibres ont été entièrement imputés à la stratégie de substitution aux importations menée par le gouvernement. Tel a été le diagnostic tant du gouvernement que des institutions financières internationales. Les barrières tarifaires et quantitatives élevées ont été jugées responsables du manque de compétitivité des entreprises nationales, et partant du déficit du compte courant et de l'endettement de l'Etat par ricochet. Tandis que les manques à gagner fiscaux et douaniers résultant des différentes exonérations et exemptions, couplés avec les subventions accordées à certaines entreprises se sont traduits par des déficits criards du budget de l'Etat.

Ce constat de faiblesse a conduit à la Nouvelle Politique Industrielle (NPI), adopté en février 1986 et qui devait être réalisée au 1er juillet 1988. L'Etat a officiellement proclamé son

·abandon de la stratégie de l'import-substitution, pour s'orienter vers la poursuite de la croissance

et du développement par les exportations. En réalité depuis les années 70, l'Etat a progressivement délaissé l'import-substitution, pour encourager les exportations. C'est ainsi que la Zone Franche Industrielle de Dakar (ZFID) a été créée en 1974 pour favoriser la promotion des

exportations et la transformation des matières premières locales. De même, les systèmes d'incitation figurant dans le code d'investissements ont été modifiés dans un sens plus favorable aux exportations à partir de 1977. Plus tard, avec les différents programmes d'ajustement structurel, la libéralisation du commerce ~xtérieur et la mise en place d'autres mécanismes d'incitation ont davantage confirmé la volonté de l'Etat sénégalais d'asseoir une stratégie de développement reposant sur les secteurs d'exportations

2.3.2 La stratégie de promotion des exportations

La NPI repose sur la libéralisation des importations avec une protection tarifaire plus faible et harmonisée, le tarif douanier étant revu à la baisse et les restrictions quantitatives étant progressivement éliminées. Parallèlement, sont améliorés les instruments de promotion des exportations : subvention, contrôle de qualité des produits, révision du code des investissements et disparition dans l'avenir des entreprises conventionnées.

Les instruments de promotion des exportations peuvent être distingués en deux principales catégories. D'une part, on distingue les mécanismes institutionnels destinés à promouvoir les exportations comme la ZFID, le code des investissements, l'Association Sénégalaise d'Assurance et de Crédit à l'Exportation (l'ASACE), le Centre Internationale de Commerce Extérieure du Sénégal (CICES) etc. D'autre part, il y a les programmes d'incitations fiscales et douanières favorables aux exportations comme les régimes particuliers à ce secteur et le désarmement douanier devant se traduire par une baisse de production des entreprises d'exportation.

• La Zone Franche Industrielle de Daka.r :

Elle fut créée par la loi 74-06 du 22/04174 et s'étend sur une superficie de 650 hectares, dans une localité située à 18 km de Dakar. Elle a été mise en place dans le but de créer des

emplois et de transformer les matières premières brutes du pays. Seules les entreprises suivantes pouvaient être agréées : les entreprises industrielles orientées vers les exportations, et qui en même temps, soit emploient la main-d'œuvre locale, soit transforment les matières premières domestiques; et d'autre part, les entreprises industrielles agréées. Plusieurs avantages leur sont accordés. D'abord, elles sont exemptées de droits de douane sur les matières premières et bien d'équipement importés, et ensuite, il n'y a aucune restriction s'appliquant à eux, concernant les flux et transferts internationaux de capitaux et de revenus. En 1983 le niveau plancher de création d'emplois exigé est revu à la baisse en même temps que des bureaux de publicité ont été ouverts à Paris, New York et Tokyo. Et à partir de 1990, les entreprises agrées sont autorisées à écouler jusqu'à 40% de leurs produits sur le marché domestique.

La subvention aux exportations :

En 1980, le gouvernement du Sénégal mit sur pied le programme de subvention aux exportations. Au début, seuls étaient concernés l'engrais, le textile, les conserves, les matériels agricoles et les chaussures. Plus tard, elle fut étendue aux fruits et légumes, à l'eau minérale, et aux crustacés. Le montant de la subvention était remis à l'exportateur, une fois que les produits concernés quittaient le pays et les recettes effectivement rapatriées. Dans un premier temps, elle représentait 10% de la valeur FOB des exportations, et en 1986, elle augmentait de 25% de cette même valeur. Le programme a été fmalement abandonné en 1991, le gouvernement s'étant rendu compte qu'il n'a pas permis de développer ni de diversifier les exportations.

Les autres types d'incitations fiscales et douanières :

En 1979, avec le premier programme de stabilisation à court terme, le gouvernement a simplifié le système douanier sénégalais pour faciliter les importations des inputs essentiels et en 1986, il a graduellement réduit les tarifs douaniers dans le cadre de la nouvelle politique

industrielle. Désormais les entreprises d'exportation qui en font la demande, sont exonérées de paiements de droits et taxes pendant une année entière. De plus, le « drawback »leur permet d'être remboursées pour tous droits et taxes payés sur les importations de matières premières.

Enfin, les restrictions quantitatives sont complètement supprimées, le marché du travail est rendu flexible depuis 1994, et la monnaie nationale est dévaluée de 50% pour encourager les exportations.

En dépit des mesures variées qui ont été pnses pour promouvoir et diversifier les exportations du pays, depuis les années 70, elles sont toujours marquées par des difficultés qui en

bloquent l'expansion.

Conclusion partielle :

Dans ce chapitre nous avons vu l'évolution récente de l'économie sénégalaise. Ainsi la dévaluation et les réformes qui 1 'ont accompagnée ont permis de créer une situation assainie de l'économie qui contraste nettement avec les situations antérieures. Cependant, cette situation reste fragile et d'importants efforts sont encore nécessaires pour augmenter la compétitivité internationale. En effet, les politiques de libéralisation des importations et de promotion des exportations n'ont pas conduit à la croissance des secteurs d'exportation comme elles étaient supposées le faire. Car même si l'ensemble des réformes est cohérent en théorie, la pratique s'est révélée différente.

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