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Capital humain et ouverture commerciale

CHAPITRE III: REVUE DE LA LITTERATURE

LITTERATURE EMPIRIQUE

3.3.2 Capital humain et ouverture commerciale

Une autre notion importante introduite par les modèles récents de croissance est celle d'accumulation de capital humain qui peut être à travers des effets d'apprentissage, une alternative à l'accumulation de capital physique comme moteur de la croissance.

Lucas (1988) utilise cette approche en incorporant le capital humain comme sous-produit de la production grâce au phénomène d'apprentissage par la pratique (learning by doing). Cette hypothèse implique que la productivité d'une activité est croissante avec l'effort consacré à cette activité, mais que le taux de croissance peut différer entre les industries. L'apprentissage est donc générateur d'une extemalité ( la production d'aujourd'hui réduit les coûts de production de demain) qui peut être confinée à la production du bien ou qui peut se diffuser à la production de biens techn0l0giquement proches. Dans un monde d'échange à deux biens avec un continuum de petits pays, chaque pays produit les biens pour lesquels sa dotation en capital humain est la plus appropriée, ce qui revient à dire que la spécialisation est déterminée par les avantages comparatifs

en capital humain. Avec l'apprentissage par la pratique, cet avantage comparatif croît au cours du temps, ce qui entraîne une tendance à la stabilité du modèle d'échange initial, avec des taux de croissance variables entre les pays, mais stables à l'intérieur de chaque pays. Le taux de croissance est donc déterminé de manière entlogène et, sous certaines conditions, ce modèle prédit un effet positif du commerce international sur la croissance nationale.

Dessus, Berthèlemy et Varoudakis ( 1997) ont à partir d'un échantillon de 83 pays et six périodes entre 1960 et 1990 montré qu'il y a une influence positive de l'ouverture commerciale sur le rendement du capital humain ce qui peut sembler en contradiction avec la théorie du commerce international dans le cas des pays en développement.

Les économistes néoclassiques comme Pissarides ont fourni plusieurs explications, du côté de l'offre et de la demande sur le marché du travail. Du côté de la demande, en particulier, on peut raisonnablement supposer que les possibilités d'emploi du capital humain sont amenées à se multiplier dans les économies ouvertes. En effet, l'ouverture commerciale a tendance à stimuler la demande d'activités innovantes et d'imitation.

3.3.3 Libéralisation des échanges et croissance dans l'analyse empirique

Suivant les développements théoriques ci-dessus évoqués, beaucoup d'auteurs ont empiriquement étudié le lien entre les deux variables et ont conclu qu'elles sont positivement corrélées. Parmi ceux-ci, la Banque Mondiale (1997) considère la stratégie orientée vers les exportations comme supérieure à celle de l'import-substitution pour stimuler la croissance dans les pays en voie de développement. Dans le même ordre d'idées, James, Kim et Fujita (1993) ont utilisé un tableau des échanges interindustriels pour décomposer la croissance de l'output dans le secteur manufacturier de la Corée en trois différentes composantes: l'effet d'expansion de la demande intérieure, l'effet d'expansion des exportations, et l'effet d'un changement technologique. Dans

la première période de l'étude(1975-1980), l'expansion des exportations est jugée responsable de 29% de la croissance de l'outPut, contre seulement 4% pour l'import-substitution. Dans la deuxième sous-période, ils ont obtenu respectivement 33% et 5%.

Edwards (1992) a utilisé huit indicateurs de distorsion commerciale et a trouvé qu'elle gêne la croissance, alors que la libéralisation commerciale la favorise.

Les éléments de dynamique que les auteurs mettent en avant sont l'ensemble des réformes économiques visant à établir les bases d'une économie de marché, la stratégie active d'encouragement de l'esprit d'entreprise, le stock de capital humain et physique et enfm, la vitesse de croissance elle-même avec, en particulier, des phénomènes de diffusion régionale. L'étude fait notamment apparaître une forte relation inverse entre la croissance industrielle d'une région et le niveau initial de son revenu par tête, ce qui suggère l'existence d'un phénomène de rattrapage entre les régions côtières chinoises. Elle montre également que la croissance d'un secteur industrielle dans une région est fortement influencée par la croissance de ce même secteur dans les autres régions au cours de la même période, ce qui signifie qu'il existe des effets de diffusion intcr-régiûnaux.

A partir d'un échantillon de villes, Démurger (1995) a testé l'impact de l'ouverture sur la croissance industrielle chinoise de 1988 à 1991. Les résultats suggèrent que les mécanismes par lesquels l'ouverture affecte les performances de croissance de court terme sont d'une part, l'accès à la technologie étrangère et d'autre part, les extemalités positives engendrées par les exportations. Ainsi, elle a d'abord montré la contribution directe positive de l'investissement étranger, sous la fonut: ·de transfert de technologie et de connaissances, aussi bien que par l'infusion de capital. Les résultats obtenus dans cette étude mettent en lumière un phénomène

·intéressant dans la compréhension du processus de croissance chinois. Ils font en effet apparaître

une forme de dualisme entre l'investissement étranger et les exportations, dualisme qui peut être interprété en termes d'équilibre du développement. Ainsi, tandis que l'un, alimente la croissance des zones "ouvertes", les autres contribuent à une atténuation des disparités de développement en permettant la diffusion de cette croissance.

Edwards (1992) a étudié lui, l'orientation commerciale et la croissance dans les pays en développement en utilisant des données comparatives par pays. En utilisant 9 indicateurs alternatifs concernant l'orientation commerciale, il trouve les résultats confirmant l'opinion selon

laquelle les économies plus ouvertes ont tendance à avoir une croissance plus soutenue que les économies avec des distorsions commerciales. Edwards a estimé la relation empirique entre l'orientation commerciale et la croissance économique, a travers le modèle suivant:

Growthj

=

aO + a1InvGDPj + A2GAPj + a2-rj +J.lj

Growthj est le taux de croissance moyen par tête du pays j ; InvGDPj est le ratio de l'investissement global au PIB du pays j; GAPj est une mesure de l'écart entre le stock de connaissance du monde et du pays; -rj est un indice d'intervention commerciale dans le pays j ;et

J.lj est le terme de l'erreur. L'analyse porte sur 30 pays en développement et utilise des données moyennes de la période 1970-1982.

Osada (1994) a étudié l'effet que la libéralisation commerciale et les incitations aux investissements directs étrangers (IDE) ont sur la croissance de la productivité totale des facteurs en Indonésie, avec des données transversales. Il a trouvé qu'une diminution du taux de protection effective a un impact plus grand sur la productivité totale des facteurs (31,54) qu'une augmentation des investissements directs étrangers (0,0065).Par conséquent dans ce type de modèle, l'ouverture commerciale a un impact positif sur la croissance, à travers la productivité totale des facteurs.

Cependant, Morissey (1995) estime que la libéralisation a deux inconvénients majeurs pour les pays en développement: d'une part les importations concurrencent les produits des entreprises domestiques, d'autre part les exportations des produits de base sont soumises à une détérioration des termes de l'échange, de sorte que ces pays peuvent être plus pénalisés qu'avant la libéralisation. Ainsi, la libéralisation commerciale peut mener à une expansion des secteurs protégés, une contraction des secteurs non protégés et des pertes de bien être, contrairement à 1 'intuition traditionnelle.

Ainsi qu'il apparaît dans ce qui précède, beaucoup parmi les études empmques concluent à l'existence d'une corrélation positive entre la libéralisation commerciale et la croissance de l'output. Cependant, les bases sur lesquelles elles s'appuient sont remises en question par d'autres, qui ne croient pas à un tel lien.

Afin de mettre en exergue un tel lien, il est intéressant dans un cadre conceptuel, de faire une distinction assez nette entre le taux de croissance de l'output par tête, à l'état d'équilibre statique et dans la période transitoire. A l'état d'équilibre, le taux de croissance de l'output par tête, celui

de l'investissement par tête, celui du stock de capital par tête et celui de la consommation par tête sont tous constants et égaux. Par contre, à l'état transitoire, caractéristique des pays en développement, l'output par tête n'est pas constant mais converge vers son niveau d'équilibre.

Sala-I-Martin (1990) propose une expression du taux de croissance de l'output à l'état transitoire, en fonction de deux arguments: le taux de croissance à l'état d'équilibre statique et la vitesse de convergence, c'est-à-dire le rythme auquel le taux de croissance de la période transitoire converge vers celui d'équilibre. La libéralisation commerciale affecte donc indirectement le taux de croissance de 1' output par tête à 1' état transitoire à travers son impact à l'état d'équilibre statique. Ceci nous amène à introduire la notion de convergence.

La notion de convergence :

Le revenu par tête des pays les plus pauvres atteindra-t-il un jour le niveau des plus riches? C'est à cette interrogation que s'emploie d'abord à répondre les travaux empiriques sur l'hypothèse de convergence des revenus par tête entre nations.

Au-delà de cette question, la vérification de l'hypothèse de convergence peut aussi être envisagée comme un moyen de départager différentes conceptions des sources de la croissance et des politiques susceptibles d'agir sur le taux de croissance par tête à long terme. L'hypothèse de convergence se déduit en particulier de l'approche néoclassique de la croissance. Cette approche repose sur l'hypothèse des rendements d'échelle constants et de productivités marginales décroissantes des facteurs de production. Le taux de croissance par tête est alors égal à long terme au taux de progrès technique supposé exogène. Si l'on suppose que le progrès technique est un bien public, cette représentation de la croissance conduit à un résultat de convergence, au sens où les économies atteignent le même taux de croissance par tête à long terme. De plus, dans le modèle de Solow, les pays dont les taux d'accumulation en capital physique et les taux de croissance de la population sont identiques atteindront le même niveau de revenu par tête à long terme.

Cependant, la diversité des rythmes de croissance ainsi que l'incapacité de certains pays d'Afrique ou d'Amérique latine en particulier à bénéficier d'un taux de croissance élevé en dépit de la faiblesse de leur PIB par tête, ont incité certains économistes à s'interroger sur les postulats et les conclusions de l'approche néoclassique. Les modèles de croissance endogène lancés par les contributions de Romer et de Lucas, sont issus de cette critique. Ces modèles placent les caractéristiques de l'économie au cœur du processus de croissance. Ils analysent comment les extemalités de divers types peuvent générer la croissance de long terme. Ces modèles essayent

d'expliquer pour quelles raisons les taux de croissance par tête peuvent différer à long terme.

Plus récemment, Barro et Sala-I-Martin (1996) ont à nouveau envisagé que le processus de convergence pouvait résulter de la diffusion des techniques. Benhabib et Spiegel considèrent qu'un pays réduit d'autant plus vite son retard technologique que son stock de capital humain est élevé. Bernard et Jones préconisent d'introduire de l'hétérogénéité dans la spécification des fonctions de production afin de mettre en évidence les effets de la diffusion du progrès technique.

Barro et Sala-I-Martin analysent l'effet des coûts de copie des innovations sur la croissance des pays les plus pauvres, ainsi que l'impact de la législation sur les droits de propriétés intellectuelles sur le rythme des innovations.

Le critère de convergence étudie l'évolution dynamique d'un indicateur de dispersion de la répartition des PIB par tête en logarithme. Cet indicateur est le plus souvent la variance ou l'écart-type en coupe transversale de la répartition des PIB par tête. On utilise couramment le terme de"

s-convergence" pour désigner ce type de convergence (ce terme a été introduit par Barro et Sala-I-Martin). Lorsque pour l'échantillon de pays considéré, cet indicateur diminue entre la date initiale et la date finale, on accepte l'hypothèse des- convergence. Remarquons qu'il s'agit là d'un critère purement descriptif.

Notons au passage que la construction des bases de données de Summers et Heston (1991) a favorisé l'essor des travaux empiriques sur la convergence.

De façon générale, les études empiriques ci-dessus passées en revue ont des limites fondamentales d'un double ordre. D'abord, elles ne reposent pas pour l'essentiel, sur des modèles théoriques robustes. Ensuite, il s'agit pour la plupart d'analyses transversales sur de larges échantillons de pays en développement ; ce qui se justifie par le fait que les indicateurs de protection les plus acceptés (le taux de protection effectif, le taux de protection nominal et le coût

réel en devises) sont discontinus et ne peuvent pas être utilisés dans des études longitudinales. La conséquence est que les résultats auxquels elles aboutissent ne peuvent pas être utilisés pour faire des prédictions à l'échelle d'un pays individuel.

C'est en partie pour cette deuxième raison que beaucoup d'auteurs utilisent comme proxy pour l'ouverture commerciale le taux de croissance des exportations. L'idée qui sous-tend cette démarche est qu'une politique de libéralisation et de promotion des exportations efficace se traduit inexorablement par une croissance soutenue des exportations. Mais là également les résultats obtenus sont très mitigés.