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CONCLUSION GENERALE ET RECOMMANDATIONS DE POLITIQUE ECONOMIQUE

Dans cette étude, nous nous sommes intéressés aux liens existants entre la croissance économique et la libéralisation commerciale au Sénégal.

L'expérience sénégalaise de politique d'ouverture commerciale soulève des questions qui concernent aussi bien le diagnostic sur la mesure du degré d'ouverture du régime commercial que sur les relations entre 1 'orientation exportatrice, la croissance et le développement. Ainsi nous avons procédé à l'analyse de la situation économique de 1960 jusqu'à la période post dévaluation.

En effet, après avoir passé en revue les programmes d'ajustement structurels, nous avons tenté d'expliquer les différentes stratégies commerciales appliquées au Sénégal et la structure des exportations sénégalaises. Ce que l'on retient de cette analyse, c'est que les exportations sénégalaises sont marquées par leur très forte concentration en quatre catégories de produits :arachide, pêche, phosphate, tourisme, qui restent faiblement transformés. De plus, mis à part le secteur des phosphates, les autres connaissent des difficultés liées soit à l'offre, soit à la demande, ce qui entrave considérablement l'expansion.

Il faut également noter que les reformes commerciales mises en œuvres au Sénégal n'ont pas atteint les résultats attendus en termes de compétitivité de l'économie, d'exportations et de croissance. En effet la politique industrielle et commerciale, les progrès réalisés en matière de libéralisation des échanges, de baisse des droits de porte, d'élimination des restrictions quantitatives à l'appui institutionnel aux entreprises, ne se sont traduits ni par des progrès en matière de productivité des facteurs, ni par une contribution des divers sous-secteurs à la

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croissance des exportations. Ce qui rend encore hésitante la marche de l'économie sénégalaise vers une croissance soutenue et durable.

A travers la revue de la littérature nous avons pu constater que la promotion des exportations affecte la croissance de 1' output par plusieurs canaux. Sur le plan théorique la libéralisation commerciale lève les restrictions sur les importations d'inputs essentiels et contenant les innovations technologiques récentes effectuées dans les pays développés. De plus,

elle réduit les inefficiences-x en exposant les entreprises à la concurrence extérieure. En outre, elle favorise la diffusion des connaissances au profit des pays en développement en mettant en contact les entrepreneurs domestiques et étrangers. Sur un autre plan, l'impact de l'ouverture commerciale sur la croissance est déterminé par le niveau de développement du pays considéré et

l'état de la conjoncture mondiale. Pour les pays exportateurs de produits de base comme le Sénégal, cet effet est marginal voire inexistant, du fait principalement de l'instabilité des exportations et de la baisse tendancielle des prix. Enfin si la réforme commerciale est mal agencée, si l'autorité politique qui la met en œuvre n'est pas capable de mobiliser la majorité des nationaux pour la réforme, ou si celle-ci manque de crédibilité, il est évident que ses effets sur la croissance seront mitigés.

Pour l'étude empirique nous utilisons le taux de croissance des exportations comme proxy pour l'ouverture commerciale en nous inspirant du modèle de Ferler. Mais il faut relever que cette méthodologie pose quelques problèmes dont le principal est l'existence d'une relation de simultanéité évidente entre la croissance des exportations et celle de 1' output.

Les analyses de simulations que nous avons menées sur la période 1969-1996 en utilisant les modèles V AR ont donné des résultats mitigés.

Il faut souligner par ailleurs que cette étude présente des limites dans la mesure où, d'une part, les données ont été trimestrialisées pour permettre la simulation, d'autre part, la spécification retenue dans notre modèle empirique ne prend pas en compte certains facteurs connus comme étant déterminants pour la croissance économique. Ainsi en est-il de la recherche développement dont l'incidence sur la croissance de l'output est largement établie dans la littérature théorique (théorie de la croissance endogène) et empirique.

Pour rendre plus efficace les politiques de libéralisation et de promotion des exportations et les faire déboucher sur la croissance, les mesures ci-dessous nous paraissent indispensables:

1- Le gouvernement doit s'orienter plus résolument vers les mesures de promotion des activités d'exportations. En plus de la libéralisation commerciale qui a atteint un niveau appréciable ces dernières années, il doit davantage articuler, inciter les secteurs d'exportation à croître et à gagner en efficacité. Dans le secteur agricole, l'Etat doit faire face à la rigidité de l'offre.

En effet les exportations agricoles sénégalaises sont en grande partie constituées de cultures pérennes dont le développement dépend des aléas climatiques. Les exportations agricoles ne peuvent pas être développées si la production n'est pas viable. C'est pourquoi l'Etat doit reprendre en charge la gestion du capital semencier, et doter les agriculteurs de moyens techniques adéquats pour la production et l'irrigation par une politique de crédit appropriée,.

Pour retourner cette tendance, il serait illusoire de se contenter de la libéralisation commerciale, sans prendre aucune mesure tendant à moderniser et à rendre plus compétitif le secteur de 1' arachide au Sénégal. Dans le secteur de la pêche, la même remarque reste valable. Plus de la moitié de la production est réalisée par des pêcheurs-artisans, sans aucune qualification, avec des embarcations· traditionnelles et sans moyens fmanciers. Le poisson dont le marché est en plein essor bute contre les contraintes nécessaires de préservati

ressources. D'ailleurs le respect de celle-ci pourrait être bénéfique pour le développement de la pêche dans la mesure où la structure des exportations de produits primaires de la pêche a besoin d'être réorientée vers des espèces, comme les perciformes très disponibles, dont la consommation mondiale est en extension. De plus le gouvernement doit trouver le moyen d'inciter les banques et entreprises d'assurances à être moins réticentes à travailler avec les pêcheurs-artisans, pour leur permettre d'investir dans l'extension et la modernisation de leurs flottes.

2- L'Etat doit en outre s'atteler à la diversification des exportations. En effet, le Sénégal ne peut atteindre un boom des exportations sur la seule base de ses exportations traditionnelles. De nouveaux produits et marchés doivent être développés. Toutefois, ces exportations nouvelles ne pourront être déterminées ni par le gouvernement, ni sélectionnées à priori par quelque organisme que ce soit. Elles devront être découvertes et développées par le secteur privé.

Cette idée s'accorde avec la philosophie du «nivellement du terrain de jeu » qui pose en postulat que le gouvernement devrait introduire de bonnes mesures d'incitations, créer des marchés financiers sains, et ensuite laisser le marché décider quels produits vont réussir sur les marché d'exportations. Cependant il y a deux éléments sur lesquels les décideurs publics doivent porter une attention particulière :

Exportations de Services : Le Sénégal souffre actuellement de beaucoup de contraintes qui entravent le développement de son secteur privé. Mais le pays jouit aussi de beaucoup d'avantages qui pourraient attirer les investisseurs étrangers et les entreprises qui cherchent à délocaliser leurs achats. En effet dans le domaine des télécommunications, le Sénégal est l'un des pays les plus compétitifs dans la zone UEMOA. Il possède aussi des produits de

télécommuniCation les plus nombreux et de meilleure qualité, y compris l'accès à l'Internet et au réseau SENP AC.

L'acquisition de parts de marché: La clé de la croissance rapide des exportations consiste à trouver une niche dans le marché et d'y augmenter le volume de ses ventes. L'expérience internationale démontre que les exportations ayant le plus de succès ne se trouvent pas toujours dans les marchés caractérisés par la croissance la plus rapide. Ce qui compte donc pour une croissance accélérée, c'est l'augmentation très rapide de la part de marché des produits exportés.

Il est nécessaire donc pour le Sénégal d'améliorer sa compétitivité (prix, qualité, volume) pour prétendre à des parts de marché plus importants.

3- En vue de créer et d'entretenir les conditions d'une croissance créatrice d'emploi, le Gouvernement doit orienter son action de développement économique autour des axes suivants:

a- Mettre en place des mesures de protection plus sélectives: la protection devra être uniquement tarifaire, et plus sélective pour les entreprises bénéficiaires que par le passé, en plus d'être limitée dans le temps. Ceci pourrait permettre à certaines activités initialement tournées vers les importations de gagner progressivement en efficacité et à devenir compétitives sur les marchés extérieurs, devenant ainsi des entreprises d'exportations.

b- Faciliter l'accès au crédit :il faut une intervention plus importante des banques dans la dynamisation des Petites et Moyennes Entreprises (PME).Celles-ci ne bénéficient le plus souvent que de lignes de crédit mis en place par l'Etat à travers des fmancements extérieurs.

Les taux d'intérêts des banques sont très élevés et les exigences de garantie qu'elles posent, dissuasives ;

c- Rendre le système fiscal plus efficient : Confronté aux problèmes de faiblesse des sources de revenus et l'étroitesse de l'assiette fiscale, l'Etat accable d'impôts les rares contribuables (notamment les entreprises et les salariés du secteur formel) ce qui décourage les investisseurs. Par conséquent il faudra que l'Etat élargisse son assiette fiscale.

d- Développer les infrastructures de développement par un important effort d'investissement:

depuis son accession à l'indépendance, le Sénégal a eu peu de succès dans l'accumulation de capital humain et physique et n'a pratiquement pas démontré d'amélioration d'efficacité.

L'Etat devra en conséquence dégager une épargne positive substantielle lui permettant de mettre en place les infrastructures d'accompagnement nécessaires à la promotion de l'activité privé;

e- Investir dans le capital humain: d'après la Banque Mondiale (1997), dans une perspective à long terme, la capacité du Sénégal à être compétitif et à se développer dépendra de l'investissement dans le capital hlHilain et physique et de l'efficacité dans l'utilisation des ressources. Le système éducatif sénégalais a été identifié par les décideurs privés comme étant une des causes premières du retard de développement du pays. Beaucoup s'accordent sur l'inadéquation entre le contenu des formations et les besoins du monde du travail.

L'alphabétisation universelle et des niveaux d'éducation de plus en plus sophistiqués sont nécessaires pour améliorer la productivité et exploiter les progrès techniques. Par conséquent des politiques éducatives visant, d'une part, la scolarisation universelle et l'éradication de l'analphabétisme et, d'autre part, l'adéquation entre la formation et les besoins en qualification des différents secteurs d'activités s'avèrent urgentes ;

f- Renforcer la compétitivité dans ses dimensions structurelles.

g- Engagement personnel des plus hautes autorités de la réforme commerciale : les dirigeants ( par exemple le chef de l'Etat) doivent faire de la stratégie de développement à mener leur engagement politique. Le rôle de « leadership » des dirigeants politiques peut, dans certaines circonstances, influer sur le succès ou l'échec d'une politique commerciale.

h- Promouvoir davantage le commerce avec les partenaires régionaux. Pour l'huile d'arachide par exemple, alors que la demande au niveau mondiale connaît une baisse tendancielle, celle des pays de l'Afrique de l'Ouest est croissante. Dans le même moment, moins de 10% des exportations sénégalaises d'huile sont destinées à ces pays. Une telle réorientation permettrait en conséquence au pays d'augmenter ses parts de marché, et à ces entreprises de réaliser des économies d'échelles substantielles.