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Croissance économique et croissance des exportations

CHAPITRE III: REVUE DE LA LITTERATURE

LITTERATURE EMPIRIQUE

3.3.4 Croissance économique et croissance des exportations

La littérature empirique sur les relations entre ouverture et croissance s'est, jusqu'à une période récente, surtout intéressée aux gains statiques de l'ouverture, en référence à la théorie du

commerce international. Elle a principalement examiné l'effet d'une croissance des exportations sur la croissance économique, en utilisant le plus souvent des données en coupe transversale.

C'est ainsi que Michaely (1977) tenta de tester l'hypothèse selon laquelle une croissance rapide des exportations accélère la croissance économique en étudiant la corrélation entre une variable de croissance des exportations et une variable de croissance des revenus. Son objectif était de montrer la supériorité en termes de croissance d'une politique de promotion des exportations par rapport à une politique de substitution aux importations. Ainsi, à partir d'un échantillon de 41 pays en développement pour la période 1950-1973, Michaely (1977) trouve un coefficient de Spearman de 0.38, significatif à 1 pourcent, entre le taux de croissance de la part des exportations dans le produit national brut (PNB) et le taux de croissance du PNB par tête. Ces résultats corroborent l'hypothèse d'une croissance tirée par les exportations, au moins pour les pays qui ont atteint un niveau minimum de développement (revenu annuel supérieur à 300 dollars).

Si les tests de corrélation permettent d'établir un lien entre deux variables, ils ne donnent aucune information quant à la nature de ce lien. Une façon d'appréhender plus précisément ce lien réside dans l'estimation d'une équation intégrant d'autres variables.

L'étude de Feder (1982) constitue un exemple de ce type d'analyse avec régression linéaire multiple. L'étude porte sur un groupe de 50 pays en développement pour la période 1964-1973 et teste l'hypothèse que, d'une part, les productivités marginales dans le secteur exportateur sont plus fortes et que, d'autre part, ce secteur exportateur génère des extemalités positives. Le rôle des mécanismes de concurrence et de diffusion technologique dans la relation entre ouverture et croissance a été en particulier examiner par Feder (1982).

A partir d'un modèle à deux secteurs , l'un exportateur, l'autre non exportateur, Feder cherche à déterminer comment la concurrence, à travers la réallocation des ressources, peut faire du secteur exportateur le moteur de la croissance globale. Son objet est de tester deux hypothèses clés qui sont d'une part, l'existence de différences substantielles de productivité marginale de facteurs en faveur du secteur exportateur et, d'autre part, la présence d'extemalités intersectorielles générées par ce même secteur exportateur.

L'argument de Feder repose sur le fait que les activités d'exportation incitent les producteurs à améliorer leur technologie et à adopter des techniques de gestion plus efficaces pour faire face aux pressions de la concurrence étrangère. Ainsi, la concurrence internationale génère un processus de "sélection naturelle" parmi les entreprises et, au cours de ce processus, les entreprises les moins performantes en termes de prix ou de qualité, sont contraintes à s'adapter ou bien à quitter le marché. A la fin du processus, il ne reste sur le marché que les entreprises dont la productivité marginale des facteurs est la plus élevée, ce qui induit une amélioration globale de l'efficacité économique, donc une croissance accrue. Par ailleurs, en présence d'extemalités, ce

raisonnement implique que le secteur non exportateur lui-même peut bénéficier de l'ouverture, grâce à la diffusion des améliorations techniques et managèriales et à un meilleur accès aux intrants importés.

En termes de politique commerciale, l'exogénéité des sources de croissance signifie que l'ouverture de l'économie au commerce internationale ne peut pas affecter le processus de croissance. La régression confirme l'hypothèse d'un effet bénéfique de l'ouverture, via la concurrence et la diffusion technologique, sur la croissance.

Jung et Marshall (1985) ont testé le sens de la causalité entre la croissance des exportations et la croissance des revenus à l'aide d'un test de Oranger. Sur la base de séries temporelles pour un échantillon de 37 pays en développement, ils montrent que la prédiction habituelle d'un effet significativement positif des exportations sur la croissance n'est empiriquement validée que dans quatre cas seulement.

Love (1994) a utilisé un test de Oranger amélioré sur 20 pays en développement à revenus faibles et moyens et il ne parvient à corroborer que faiblement l'hypothèse d'une croissance tirée par les exportations.

Brochart (1984) a étudié la relation qui existe entre le taux de croissance du PIB et celui des exportations pour le cas spécifique des pays africains de la zone francs à l'aide d'une analyse transversale, puis à partir d'une analyse en série temporelle sur la période 1962-1979. Il a trouvé qu'il existe une relation significative et positive que dans trois cas sur douze : la Côte d'Ivoire, le Sénégal, le Cameroun qui sont les pays les plus développés de la zone. L'auteur fait alors trois remarques liées aux caractéristiques des économies des pays étudiés. D'abord, le taux de croissance des exportations nécessaires pour obtenir un certain taux de croissance économique est d'autant plus faible que le taux d'exportation du pays, c'est-à-dire le degré d'ouverture sur

l'extérieure, est élevé. Ensuite, les effets de la croissance des exportations sur la croissance économique semblent dépendre de la structure des exportations; ces effets sont d'autant plus importants que la structure des exportations est plus concentrée (forte homogénéité des exportations). Enfin, l'effet de la croissance est d'autant plus fort que l'évolution des termes de l'échange est plus favorable.

Pour Dodaro, (1991) l'impact de la politique de promotion des exportations sur la croissance dépend aussi bien du niveau de développement des pays que de la structure de leurs exportations. En utilisant une analyse transversale sur tous les pays les moins avancés pour lesquels les données sont disponibles, il a trouvé que la croissance économique est fortement corrélée avec la part des produits manufacturiers dans les exportations totales, puis avec le degré de transformations des produits primaires.

Gallou, (1986) conclue, dans le cadre d'une étude portant sur exportation et croissance en Côte d'Ivoire pour la période 1964-1980 que la promotion des exportations a joué un rôle important dans le développement économique du pays. Mais, il y a d'autres facteurs importants qui sont difficiles à quantifier, et qui ont contribué au processus de développement.

Dans beaucoup d'analyses empiriques, on teste l'hypothèse de la croissance tirée par les exportations en utilisant le taux de croissance des exportations comme variable-proxy pour un régime commercial extraverti. Le plus souvent on introduit dans le modèle de croissance néoclassique, le taux de croissance des exportations (Balassa 1978).

Dans ces modèles empiriques, tout coefficient positif et significatif de la variable des exportations est interprété comme la preuve que celle-ci tirent la croissance économique dans 1' échantillon considéré. Dans la plupart des cas, on a conclu à une forte corrélation entre les deux variables. Ce qu'on justifie par le fait que la croissance des exportations se traduit par une

spécialisation horizontale qui fixe chaque producteur dans un domaine de produit étroit. De plus, elle induirait des économies d'échelles dues à la taille plus large du marché mondial par rapport à celui des économies en développement. Enfm, elle permet l'augmentation du taux de formation du capital humain et du changement technologique, en favorisant les contacts entre firmes étrangères et domestiques.

Cependant ces conclusions doivent être appréhendées avec beaucoup de circonspection, les démarches suivies posant des problèmes tant d'ordre méthodologique que d'ordre théorique.

Sur le plan méthodologique, il y a une relation de simultanéité évidente entre les taux de croissance des exportations et du PIB. Elle s'explique par le fait que les exportations sont une composante de la demande globale, donc de l'output global. Il y a ainsi entre les deux une relation définitionnelle (Sheehel,1993), qui fait que toute augmentation de l'une des variables se traduit forcément par une croissance à des estimations biaisées. Pour éviter ce type de biais, les méthodes proposées sont diverses : utilisations des modèles à équations simultanées et estimation par les moindres carrés indirects ou les doubles moindres carrés (Sprout et Weaver,1993);

soustraction des exportations à l'output global, le solde ainsi obtenu étant pris comme la nouvelle variable dépendante (Sheehey 1993, Greenaway et Spapsford 1996). Dans la plupart des cas,

après correction du biais de simultanéité, la corrélation observée entre les deux variables devient faible ou inexistante. Un autre problème méthodologique dans ces modèles réside dans l'utilisation des tests de causalité de ÇJranger pour inférer très souvent l'existence d'un lien causal entre la croissance des exportations et celle du PIB. C'est que ces tests, pour être valides, doivent être précédés d'une analyse de racine-unité et de cointégration. Là également, la plupart des études qui sont passées par toutes les étapes de la procédure normales concluent à une causalité bidirectionnelle ou absence de causalité entre les deux variables ( .... ). Sur le plan théorique, les

études empiriques de la relation entre la croissance des exportations et celle de 1' output global comprennent dans leurs échantillons des pays ayant des niveaux de développement différents. Or, il est de plus en plus accepté que la relation entre les deux variables ne soit positive et significative que pour les pays ayant atteint un certain niveau de développement. Elle est négative

\ et de significativité douteuse pour les pays à faible revenu, exportations de produits de base.

Ainsi qu'il apparaît de ce qui précède, les études théoriques et empiriques de la relation entre l'ouverture commerciale et la croissance économique manifestent, dans la plupart des cas, des faiblesses évidentes.

CHAPITRE IV: ANALYSE DE LA RELATION EMPIRIQUE ENTRE LES