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La solution finale : le changement d’emploi

6. Résultats Le retour au travail

6.5. La solution finale : le changement d’emploi

Comme je l’ai exposé dans les sections précédentes, la réinsertion en emploi après un congé, avec des disponibilités plus limitées des pères quant aux heures supplémentaires et aux activités sociales, ainsi que de plus grands besoins en congés maladie, est devenue une réalité pour bien des pères rencontrés. Sur les 29 pères de mon enquête, un a perdu son emploi, trois ont démissionné et deux autres vivaient des tensions assez fortes pour parler d’un changement d’emploi dans un avenir proche, sans compter les deux qui avaient jugé avoir perdu une promotion. C’est ce que j’ai nommé la solution finale : changer d’emploi, que ce soit par soi-même (le plus souvent) ou à cause d’une mise à la porte. Les pères comprennent bien que cela se fait, certains évoquant même des stratégies en place pour que l’employeur ne soit pas poursuivi.

Un licenciement, ça peut être arbitraire, contrairement à un congédiement. Dans le sens que si tu licencies quelqu’un, c’est parce qu’il y a un manque de travail, un changement de technologies… L’employeur a le droit de discriminer arbitrairement un employé plutôt qu’un autre, sans justifier, contrairement à toutes autres formes de mises à pied. (Prolog, 1 enfant, 5 semaines de congé)

J’ai perdu mon emploi très peu de temps avant que ma première naisse. D’après moi, c’est lié. Ils ont annoncé que le poste était aboli, j’ai eu le droit à mon assurance-chômage sans problème. Mais mon poste a été aboli. [Au deuxième,] j’étais dans une plus grande entreprise, la peur était un petit peu moins présente. Plus c’est petit, plus la valeur de l’employé est grande pour l’employeur, logiquement. (Mac, 2 enfants, 4 semaines de congé chacun)

Mac considère qu’il a perdu son emploi à cause de l’annonce de la naissance. Cela s’est déroulé comme la stratégie que Prolog décrit : le poste a tout simplement été aboli. L’aurait-il été sans le congé? Impossible de conclure à une discrimination pour l’employé, même si l’ex-employé partage ses doutes et la peur qui ont suivi lorsqu’il a demandé un congé de paternité pour son deuxième enfant. Quant aux changements d’emploi, si certains évoquent clairement la conciliation travail-famille comme principale raison d’opter pour un emploi avec de meilleures conditions de travail, cela est souvent conjugué à d’autres frustrations également amplifiées par les conflits et les tensions grandissantes depuis la venue d’un enfant.

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J’ai finalement quitté mon emploi, je suis parti de la consultation pour aller au public. Je trouvais que ça n’avait pas de bon sens pour mon enfant : je le laissais à 7h, on arrivait à la maison à 5h15, 7h, 7h15 il est couché, on ne le voyait pas! On ne le voit pas et il passe plus de temps à la garderie qu’à la maison… Où je suis, c’est extrêmement rare les heures supplémentaires. Autre raison : quand j’étais consultant, les maladies, c’était uniquement pour l’employé. En pratique, plusieurs marquaient « maladie », mais c’était leur enfant qui était malade. Il y avait des zones grises là-dessus, c’était toléré, mais mal vu… C’était donc une question de conciliation travail-famille, c’était vraiment ça ma raison. (Joël, 3 enfants, 10, 8 et 8 semaines chacun)

La conclusion à laquelle j’arrivais c’était que peut-être que le mode de vie associé à travailler dans les jeux vidéo ne me convenait pas vraiment. Que j’étais tanné de devoir toujours lutter quand c’était le moment de quitter le travail, avec l’impression de me sentir un peu coupable parce que je partais et il y a des gens qui restaient. Puis que je n’étais pas tout à fait d’accord avec cette façon de fonctionner. Parce que même si je savais que des fois on avait des rushs, je trouvais que les rushs qu’on avait duraient relativement longtemps. J’avais les moyens d’apporter une contribution substantielle de valeur, mais le problème, c’est que j’étais pas prêt à le faire en dehors des heures normales. (Abel, 2 enfants, 37 et 38 semaines chacun)

Je travaillais dans les jeux vidéo. Je ne suis pas resté longtemps parce que dans la fin du projet, pendant un mois de temps, on travaillait du 90-95 heures semaine, j’étais complètement à terre. Ça a été épouvantable. J’étais épuisé, vraiment épuisé. Et avec mon fils qui arrivait, je me disais que je ne pouvais rester dans un environnement comme ça. En quittant, ils m’ont offert un poste de producteur associé, ça m’intéressait plus que mon poste, mais en consultant mon producteur à ce moment-là, il me conseillait de ne pas faire ça si je voulais une vie familiale, parce que même lui qui était producteur, c’était des 100-110 heures par semaine et des affaires de pas d’allure. J’ai décidé de quitter le milieu des jeux vidéo pour ça. J’avais réalisé mon rêve, mais ça a été de courte durée! Je trouvais ma famille plus importante que de programmer des jeux. (Megaman, 2 enfants, 8 et 10 semaines chacun)

Marcus souligne quant à lui qu’il ne parle pas de la situation de son fils (section 8.4), mais qu’il est frustré de se faire reprocher ses congés maladie, envisageant de changer de compagnie. Le cinquième père qui a quitté son emploi est Mario, que j’ai présenté comme un des pères ayant perdu une promotion (section 8.2) et qui a finalement décidé de changer d’emploi pour profiter des résultats positifs d’un examen qu’il avait passé quelques mois avant la naissance de son bébé.

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