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CHAPITRE 2 – CONTEXTE HISTORIQUE DE LA GRANDE DÉPRESSION

2.1 LA CRISE MONDIALE

2.1.4 LA REPRISE ÉCONOMIQUE

De façon générale, l’économie planétaire atteint le fond du baril au cours des années 1932 et 1933. Certains États comme la Suède, le Japon ou l’Allemagne sont déjà, à cette époque, sur la voie de la reprise économique. Cependant, cette relance est, pour la majorité des pays, partielle et fragile. En 1937, une seconde dépression touche les économies capitalistes et il faut attendre la Deuxième Guerre mondiale pour véritablement en avoir fini avec la crise. Mais à quel prix!

La période initiale de la crise est marquée par des solutions étatiques traditionnelles au libéralisme économique. Aux États-Unis, alors que les républicains du président Herbert Hoover sont au pouvoir, l’imposition de barrières tarifaires est privilégiée et les réflexes habituels d’équilibre budgétaire et de plans de rationalisation des interventions gouvernementales sont favorisés. Quant à l’économie, le laisser-faire est de mise, le marché

se stabilisera de lui-même et on pourra compter sur l’épuration du marché de ces éléments

56 plus faibles pour ne laisser que les entreprises les plus performantes. Dans les milieux conservateurs, le darwinisme économique est de mise.

Les changements surviennent en 1933 lorsque le nouveau gouvernement démocrate de Franklin D. Roosevelt entre en fonction. Il mise sur l’intervention de l’État et sur le déficit budgétaire pour juguler le mouvement déflationniste. Cette politique interventionniste est prônée notamment par l’économiste britannique John Meynard

Keynes qui voit les investissements publics comme l’instrument de la relance par la baisse du chômage et la reprise de la consommation.

Dans ce sens, le gouvernement Roosevelt met en place le New Deal où l’intervention de l’État devrait permettre une reprise progressive qui s’appuie sur une

dévaluation du dollar. Les mesures du New Deal visent à assainir le système financier américain (Emergency Bankin Act, 1933, Commission des valeurs mobilières, 1934), à redresser la situation des agriculteurs (Agricultual Adjustment Act, 1933), à réformer le monde du travail industriel (National Industrial Recovery Act, 1933; National Labor Relations Act, 1935) et à mettre en place de vastes chantiers de travaux publics (Tennessee Valley Authority, 1933; Civil Work Administration, 1933; Works Progress Administration, 1935). En plus de ces mesures, on procède à la création de caisses d’assurance-chômage et on mise sur l’effet psychologique que ces mesures auront sur la population en redonnant à l’Amérique la confiance qu’elle avait perdue. Les résultats, bien que réels, sont mitigés. La production industrielle retrouve son niveau de 1929 au cours de l’année 1937, le chômage

57 1936 et la production de blé ne revient à son niveau de 1929 qu’en 1937. Dans les domaines de la production de charbon, d’acier et d’automobile, les hausses sont plus timides. Sur le

plan des importations et des exportations, les valeurs de 1936 ne représentent guère plus de la moitié de celles de 1929. Par ailleurs, en 1936, l’Amérique doit désormais compter avec un déficit de 3,5 milliards de dollars. Autre effet négatif, l’application de ce plan repose sur un repli intérieur de l’économie américaine et le rejet de solutions

internationales97.

Au Royaume-Uni, la relance passe aussi par la dévaluation de la monnaie nationale. Nous assistons à la modernisation de certains secteurs de l’industrie et au regroupement des entreprises. L’État intervient dans le soutien aux régions économiquement défavorisées

par l’aide aux agriculteurs et par la mise en place de plans d’aménagement du territoire et de construction immobilière. Comme pour les États-Unis, ce plan de redressement repose sur l’abandon du libre-échange et sur un repli sur le Commonwealth dans le but de soutenir l’économie nationale. Le Traité de Westminster signé en 1931, et les accords commerciaux de la conférence d’Ottawa en 1932 s’inscrivent dans cette dynamique. Globalement, l’économie britannique se détériore dans les secteurs traditionnels, plus fragiles, mais elle

connaît une croissance appréciable dans les secteurs nouveaux à forte valeur ajoutée, notamment dans l’industrie automobile et dans l’aéronautique. La consommation est à la

hausse, le chômage régresse, passant de 3 millions à 1,67 millions de chômeurs entre 1933 et 1937. Pourtant, la balance commerciale est toujours déficitaire malgré une augmentation du pourcentage du commerce impérial98.

97DEBLONDE et VEYRON, 2015, op. cit., p. 112-117. 98 Ibid., p. 120-122.

58 Le modèle d’inspiration keynésienne où l’intervention de l’État est privilégiée pour susciter la reprise économique est aussi utilisé en France et dans plusieurs pays d’Europe du Nord. D’ailleurs, dans les pays scandinaves, ces pratiques économiques sont à l’origine

du modèle social-démocrate toujours en vigueur de nos jours.

En Allemagne, en Italie, au Japon ou en URSS, les mêmes replis nationaux observés en Amérique du Nord et en Europe de l’Ouest sont à la base de projets autarciques. En Allemagne, la reprise s’effectue par un repli national basé sur une économie de troc avec les voisins d’Europe centrale et d’Europe de l’Est. La reprise industrielle repose sur un vaste projet de réarmement qui coïncide avec des projets d’expansion territoriale

(lebensraum). Au Japon, le rétrécissement du marché national coïncide avec les efforts pour développer de nouveaux marchés et de nouveaux bassins de matières premières, efforts qui mènent à des conquêtes vers la Chine et au projet de constituer un espace de domination économique et politique dans la région Pacifique (sphère de coprospérité). En URSS, une quasi-autarcie est rendue possible grâce à la planification de l’économie, à la disponibilité d’un vaste bassin de ressources et à une volonté politique inflexible pour

atteindre, au terme de la décennie, des objectifs industriels qui placent le pays au troisième rang mondial.