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En amont de la présente étude, nous avons relevé à travers le lexique arabe que la thématique du pouvoir prend une grande part dans le roman, surtout dans les récits d’Abou Bakr, Khalid Ibn El-Walid et Aicha. Le dit thème apparait de manière explicite dans le roman tant qu’il fait partie de la Sira du prophète de l’Islam. Néanmoins, nous nous intéressons ici à la manière dont est présentée cette quête du pouvoir par les énonciateurs et ce qu’elle

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implique pour la référentialité du roman. Nous ne manquerons pas non plus d’interroger la dimension argumentative relative à ce point dans le cadre du discours antireligieux.

Comme pour la spiritualité du prophète, sa quête du pouvoir et la guerre qu’il a menée tout au long de son parcours sont des sujets dont s’est emparée la critique occidentale. Elle affirme en ce sens que le message du prophète et sa religion ne sont pas imprégnés par un désir de paix et de partage, mais ils sont animés par la quête du pouvoir et un désir de domination274. Nous retrouvons dans Le Silence de Mahomet l’allusion à cette critique de manière implicite à travers le témoignage des énonciateurs. La thématique du pouvoir se subdivise dans le roman en trois parties que nous introduirons au fur et à mesure des extraits utilisés: la quête du pouvoir, l’exercice du pouvoir et enfin le pouvoir légué aux compagnons.

Contrairement au discours religieux et aux nombreuses chroniques musulmanes et occidentales, le lecteur du Silence de Mahomet découvre que la quête du pouvoir chez le personnage principal ne commence pas à partir de l’Hégire, quand le prophète s’est établi en tant que chef de Médine, mais bien avant la révélation. Dans son récit, Abou Bakr témoigne de la volonté du prophète à dominer les autres peuples alors qu’il n’était encore qu’un jeune commerçant :

« Contrairement à nous, Mohammad aspirait aux mêmes gloires, avec la force réalisatrice d’un Alexandre. Sous son crâne, il levait des armées et les mettait en marche ; elles dévalaient le monde d’orient en occident, elles portaient en leur sein la parole unique d’un Dieu à naitre et conquéraient Jérusalem pour rebâtir le Temple de Salomon. » (p. 121)

Dans ces paroles qui introduisent un discours antireligieux par sa contradiction apparente au discours religieux, le narrateur affirme que le prophète convoite le pouvoir pour assoir sa domination. Cela est visible non seulement à travers la chronologie événementielle qui se situe avant la prédication du prophète, mais aussi à travers l’utilisation de l’imparfait qui stipule une action de longue durée. Les paroles d’Abou Bakr induisent toutefois, et de manière implicite, que le message divin et la foi religieuse sont secondaires par rapport à l’acquisition du pouvoir puisque c’est à cela qu’ « aspirait » le prophète en premier et non à

« la parole unique ». Autrement dit, la foi divine et sa propagation dans le monde ne serait

qu’un prétexte pour le dominer.

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Ce discours implicite apparait dans la chronologie des faits mentionnés dans l’énoncé. Selon Abou Bakr, le prophète rêve d’abord de lever une armée et de conquérir d’autres contrées pour ensuite leur faire parvenir la foi du Dieu unique. La déclaration sous-jacente que nous avons relevée est confortée par la spiritualité défaillante du prophète que nous avons établie lors de notre précédente analyse. Nous sommes donc face à une construction de blocs sémantiques275 qui peut être schématisée par la phrase suivante : puisque la spiritualité du prophète est problématique voire altérée, le pouvoir est par conséquent le seul leitmotiv de la naissance de l’Islam.

Nous retrouvons la même affirmation dans d’autres extraits du même narrateur lorsqu’il déclare par exemple que « Mohammad devait se demander même comment il pourrait un jour

devenir notre prophète » (p.173) ; ou encore lorsqu’il rapporte les paroles de son ami qui lui

annonçait : « la foi véritable n’est pas nécessaire à l’homme » (p.128). Abou Bakr est alors témoin du désir de son ami à acquérir le titre de prophète pour pouvoir diriger le peuple arabe vers sa conquête du monde.

Dans d’autres récits, les personnages narrateurs témoignent du même état d’esprit chez le personnage principal à l’instar de Khalid Ibn El Walid qui rapporte la réponse de Mohammad quand les Qouraychites lui ont proposé d’abandonner sa nouvelle foi :

« -Pourquoi ne feriez-vous pas une simple profession de foi qui vous donnerait tout pouvoir sur les Arabes et mettrait les Perses et les Roûms à votre merci ? – Mohammad vivait bien parmi les hommes » (p. 212)

La réponse pragmatique du prophète démontre son projet de départ : conquérir le plus de territoires possibles. Le mot « pouvoir » ainsi relié à« la profession de foi » joue un rôle important parce qu’il permet au lecteur de le concevoir comme l’objet ultime de la foi religieuse prônée par le prophète. Il dévoile ainsi le projet de domination auquel aspire le prophète de l’Islam

Sachant que d’un point de vue historique, les musulmans ont conquis toute l’Arabie et ont défait les empires Byzantin et Perse, la véracité de cette déclaration se retrouve en ce sens confirmée et ne peut être remise en cause par le lecteur. Il ne peut alors qu’adhérer à la

275 Da manière générale, la « Théorie des blocs sémantiques » (TBS) fait partie de la théorie argumentative de la langue. Elle permet d’isoler un discours sur un fait afin dans dégager la perspective argumentative pour la construction d’un sens souvent implicite ou particulier. Voir à ce propos Alfredo M.Lescano, « Le sujet dans la langue théorie argumentative de la polyphonie et théorie des blocs sémantiques », Verbum: Revue de

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conception problématique du pouvoir chez le prophète. Ce procédé dans le roman qui consiste à faire concorder les paroles du prophète ou ses faits avec le déroulement de l’Histoire répond à la dimension argumentative qui constitue une stratégie contre discursive dans le roman276. De plus, le commentaire de l’énonciateur contribue à présenter le pouvoir comme problématique chez le prophète de l’Islam. En déclarant que « Mohammad vivait bien parmi

les hommes », Khalid Ibn el Walid désacralise le prophète en attestant de manière implicite et

sous-entendue de son esprit rationnel et calculateur loin de toutes considérations religieuses.

La quête du pouvoir chez le prophète ne peut alors être dissociée de son image de conquérant que l’Occident lui a toujours attribuée. Voltaire, en jugeant le parcours du prophète et son désir de pouvoir, aura la réflexion suivante dans son Essai sur les Mœurs :

« ce fut certainement un très grand homme (…). Il fallait qu’il soit martyr ou conquérant »277. Dans le roman de Bachi, le « Mahomet conquérant » dont parle le philosophe français apparait tout au long des trois derniers récits à travers le thème de la guerre qui constitue l’exercice du pouvoir. En guise d’illustration, Aicha rapporte en ces termes comment son époux a utilisé la force pour soumettre les tribus juives de Médine :

« Que dire de Mohammad quand il trempa son glaive dans le sang des juifs de Qouraydha ? En vérité ce fut surtout Ali et Zoubayr qui exécutèrent la sentence et égorgèrent tous les hommes de la tribu. Plus de six cents personnes ! Comme cette histoire est compliquée, et s’il n’y avait eu Rayhâna, je ne l’aurais contée, pour ne pas avoir à rougir des actes de mon bien-aimé. » (p. 321)

Dans cet extrait, la narratrice fait part à son lecteur de la guerre sanglante que le prophète a mené contre la tribu juive. Elle utilise pour cela un lexique particulièrement intensif et virulent : « trempa son glaive ; exécutèrent la sentence ; égorgèrent tous les hommes ». Le lexique violent démontre ici l’atrocité de l’acte guerrier du prophète et ne manque pas de solliciter le pathos du lecteur. En effet, ce lexique dénote le jugement de Aicha sur le fait qu’elle raconte et partage sur un ton confidentiel avec son narrataire. Ceci est visible dans la seconde partie de l’énoncé à travers les phrases suivantes: « comme cette histoire est

compliquée » et ajoutant plus loin « je ne l’aurai pas contée pour ne pas avoir à rougir des actes de mon bien-aimé ». Le jugement de la narratrice et le fait qu’elle se confie sur sa gêne

276 Il est admis dans le discours musulman que le prophète prédit la conquête des deux empires mentionnés dans le passage de Khalid Ibn El Walid. Seulement, selon le même discours, le prophète a fait ces déclarations vers la fin de sa vie en parlant d’un point de vue prophétique, voire eschatologique

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apparente à parler de cet événement démontrent aussi sa subjectivité qui influencera la perception du lecteur par rapport à son objet du discours.

Dans les passages suivants, Aicha témoigne toujours de la persistance du prophète à s’engager dans les conflits militaires afin de soumettre ses adversaires à sa volonté. Elle affirme alors que son époux a tout fait pour provoquer un conflit avec les Juifs :

« Mohammad, alors, craignit la trahison des Qaynouqa, qui étaient nombreux et puissants à Yathrib. Comme ils menaçaient de se retourner contre lui, il chercha à rompre le pacte conclu avec eux devant Dieu et les hommes. »

Et d’ajouter plus loin :

« Mohammad attendit alors le prétexte pour agir contre eux »

Dans ces deux passages, Aicha rend compte de l’esprit de stratège du prophète. Elle rapporte comment il s’est arrangé pour provoquer un différent avec ceux qui sont une menace pour son pouvoir. Les deux verbes « chercha» et « attendit » ajoutés au substantif « prétexte » est un lexique qui démontre la perfidie dont il use pour établir son propre pouvoir. Ce lexique introduit un jugement de la narratrice sur les actions de son époux et conditionne la réception du lecteur concernant la légitimité du prophète dans ses engagements militaires. Le point de vue implicite de Aicha qui apparait dans ce cas par le biais de son choix des mots, influence donc le jugement du lecteur et le dirige de manière à considérer comme illégitimes les actions guerrières du prophète.

Nous ne manquerons pas non plus de relever dans le même passage le caractère antisémite des actions du prophète sachant que l’Islam a toujours fait l’objet d’accusations d’antisémitisme.278 Nous retrouvons le même propos chez Khalid Ibn El-Walid qui révèle l’un des principes sur lesquels se base le prophète pour asseoir sa domination et garantir le succès de ses conquêtes :

« Dieu n’a plus cours ici ! Seuls le hasard et la volonté comptent. A l’inverse d’Omar, Abou Bakr et Mohammad acceptaient cette vérité : pour terrasser son ennemi, il faut déchainer une plus grande violence que lui ; et mieux vaut être le

278 Voir par exemple l’article de Jikeli Günther, « L’antisémitisme en milieux et pays musulmans : débats et travaux autour d’un processus complexe », Revue d’histoire moderne & contemporaine, 2015/2 (n° 62-2/3), p. 89-114. DOI : 10.3917/rhmc.622.0089. URL : https://www.cairn.info/revue-d-histoire-moderne-et-contemporaine-2015-2.htm-page-89.htm

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premier à le faire. (…). Saisir le moment propice, voilà la preuve du génie militaire ! Si on laisse échapper cet instant fugace, il ne reste plus qu’à prier Dieu et les anges. » (p. 194)

Dans cet énoncé, le général de l’armée musulmane fait un constat sur la manière dont les guerres et les victoires sont remportées : « déchainer une grande violence et être le premier à le faire ». Cette leçon de guerre qui est donnée par le narrateur sous la valeur d’une vérité générale introduite par le présent de l’indicatif comporte une série de jugements que voici.

D’abord, les victoires ne sont pas soumises à la volonté divine comme le stipule le discours coranique ce qui introduit un contre discours religieux. Ce premier point confirme la spiritualité défaillante du narrateur que nous avons déjà établie dans notre précédente étude. Ensuite, le prophète a lui-même adopté ce principe guerrier loin de toutes considérations divines ou providentielles. Ce second point prouve non seulement la défaillance d’une spiritualité absolue que le discours coranique attribue au prophète, mais démontre surtout le caractère guerrier et la vision empirique dont il a fait preuve durant son parcours. Ceci renvoie à la critique occidentale qui soutient que « Mahomet » est un conquérant par les armes et non celui des cœurs et des esprits. La référence dévoile alors la nature violente de la religion musulmane.

Ceci dit, tout au long du roman, nous constatons que l’exercice du pouvoir par le prophète ne s’est pas seulement réalisé par ses entreprises militaires. Il l’a été aussi par sa manie du langage. En effet, le témoignage des quatre énonciateurs montre de la faculté oratoire du prophète et sa capacité à manipuler les esprits par son pouvoir de conviction. Khadija rapporte dans son récit que le prophète détenait déjà bien avant sa prédication l’art oratoire et le pouvoir de persuasion:

« Conscient du pouvoir de ses mots, oh cela, il le savait depuis toujours, il pouvait en user pour complaire à son auditoire, que Dieu me pardonne, notre bien-aimé possédait un charme redoutable et il savait prendre dans ses rets un auditeur pour ne jamais plus l’abandonner ». (pp. 60-61)

Dans ses propos, Khadija partage avec son lecteur son émerveillement quant à la capacité du prophète à utiliser les mots et à manipuler le verbe pour persuader autrui. Le lexique qu’elle utilise présente néanmoins ce pouvoir comme une menace pour son auditoire, voire un piège qu’il tend pour soumettre les esprits en quête de savoir. Elle qualifie, en effet, l’art

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oratoire du prophète de « charme redoutable » et le compare aux « rets ». Elle ajoute à cela l’intension délibérée chez son époux à manier la langue lorsqu’elle affirme qu’il est :

« conscient du pouvoir de ses mots ». Ce passage laisse supposer au lecteur le caractère

manipulateur du prophète. A travers ce champ lexical qui constitue un danger sous-jacent, le lecteur peut donc concevoir chez le prophète un usage trompeur du langage.

Abou Bakr confirme à son tour le pouvoir des mots de son ami. Dans son récit, le narrateur illustre l’effet de ce pouvoir dans la conversion d’un jeune homme de Mekka, Saad Ibn Abi Waqqâs. Voici comment il décrit sa relation avec le prophète de l’Islam :

« L’homme était encore très jeune mais fasciné par la personnalité de notre bien aimé. Il embrassa l’Islam. Une des forces de la religion naissante – ce fut sans doute la plus grande – était liée au charisme de Mohammad. Tous les jeunes hommes de Mekka le vénéraient. Ils l’aimaient comme un père, ou comme un frère pour la plupart. Il savait attirer à lui les meilleurs jeunes gens de Mekka. » (p. 131)

Cet exemple démontre la capacité et la force du prophète à pouvoir fédérer autour de lui les personnes qu’il souhaite. Le lexique utilisé par Abou Bakr nous pousse à faire ce constat. Ainsi, le jeune homme est « fasciné » par le prophète ; il est lié au « charisme du prophète ». Plus encore, les autres le « vénéraient » et le prophète « savait (les) attirer ». Ce lexique témoigne de la subjectivité du narrateur et laisse apparaitre ses jugements de valeur quant au pouvoir manipulateur du personnage principal. Le jugement d’Abou Bakr ne manque pas d’influencer la perception du lecteur et de le faire adhérer à l’image négative qu’il dépeint de son « bien-aimé ».

La conception du pouvoir chez le prophète entre quête et exercice se retrouve aussi dans le parcours des personnages narrateurs, notamment Abou Bakr et Khalid Ibn El-Walid. Le premier est le calife qui lui a succédé et le second est considéré comme le plus grand général de l’histoire musulmane. Nous retrouvons donc la même recherche avide du pouvoir et la même manière de l’exercer dans leur propre discours. Dès l’incipit de leurs récits, nous pouvons constater comment Abou Bakr est devenu le successeur du prophète et comment Khalid Ibn El-Walid a réussi à conquérir toute l’Arabie et défaire les empires Perse et Byzantin. Les deux narrateurs justifieront leurs actes par leur intérêt à voir l’œuvre du prophète continuer et son message perdurer.

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Ainsi, Abou Bakr confie comment il a dû gérer la nation musulmane après la mort de son ami. Il dit :

« Aussi je comprends (…) la ridda, cette révolte des tribus arabes qu’il me faut mater si je ne veux pas voir l’œuvre de Mohammad tomber en poussière et les hommes se détourner de Dieu, comme ils se détournèrent d’Alexandre. Je comprends ces tribus qui avaient prêté allégeance à un homme plus qu’à un Dieu et qui maintenant que l’homme a disparu cherchent à se défaire d’un Dieu qu’ils n’avaient jamais admis en leur cœur. » (p. 128)

Et d’ajouter plus loin :

« Et pour que ce Dieu vive, je dois les combattre de toutes mes forces, même si je n’ignore pas que cette guerre est douteuse. Qu’il est difficile d’assumer la charge de Mohammad ! (…) On ne pouvait confier le pouvoir à un enfant, on ne pouvait le confier à Ali. Pourquoi Fatima ne peut-elle le comprendre ? D’après elle j’ai trahi les mots de Mohammad qui désignaient son mari, Ali. » (p. 129)

Dans ces deux extraits du premier calife de l’Islam, ce dernier commente sa succession à la tète de la nation musulmane naissante. Il confie donc ses impressions tout en émettant des jugements de valeurs sur le pouvoir du prophète, la soumission des tribus arabes et la guerre d’apostasie qui a eu lieu après sa mort. La lecture des deux passages ne peut que générer un jugement dépréciatif chez le lecteur puisque la présentation des faits par le narrateur l’induit en ce sens. Comment ceci se concrétise-t-il ?

En premier lieu, ce qui retient notre attention c’est l’aveu exprimé de manière implicite que l’Islam et le pouvoir du prophète se sont maintenus grâce à la force guerrière ou la domination. Nous retrouvons là un rappel de ce que dit la critique occidentale à ce sujet. En second lieu, en déclarant comme vérité incontestable que les tribus arabes n’ont jamais adhéré à l’Islam comme le démontre la dernière phrase du premier extrait, Abou Bakr confirme ce que nous avons déjà relevé dans les extraits précédents à savoir que le prophète est un conquérant par les armes et non par la foi.

En troisième lieu, Nous relevons également le lexique compatissant de l’énonciateur sur ceux qui ont apostasié. Cela apparait à travers la répétition du verbe « je comprends » qui indique dès le départ que l’énoncé est soumis à la subjectivité de l’énonciateur. Aussi dans le même sillage, il y a un lexique péjoratif que le narrateur tient et permet au lecteur de relever

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sa subjectivité et d’adhérer alors à ses jugements. A cet effet, nous pouvons citer le qualificatif dans « cette guerre est douteuse », ou encore l’exclamation qui suit : « qu’il est

difficile d’assumer la charge de Mohammad ». Les deux exemples indiquent que le locuteur

prend ses distances par rapport à l’héritage du prophète et cela même s’il est le principal