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En nous basant sur la définition du discours religieux et tout ce que cette notion représente, le discours antireligieux se définit de facto comme étant un discours qui porte préjudice au

48 Nous ne voyons pas l’intérêt, lors de cette étude de présentation du discours religieux en Islam, de revenir en détails sur l’avènement de cette bataille et de ses conséquences sur le climat juridique, politique et doctrinal de l’empire musulman naissant. Plusieurs historiens et biographes l’ont rapporté avec plus de détails et de précisons. Voir à titre d’exemple : Tabari, Les Quatre premiers Califes, Editions Sindbad, Paris, 1980, pp374-391 ; ou encore Amar Dhina, Grands tournants de l’Histoire de l’Islam, Editions S.N.E.D, Alger, 1978, pp. 44-48.

49 Voir l’article de Pascal Buresi. Le droit musulman et les courants islamiques modernes. Universalia, Paris, 2013. 2013. <halshs-01444266>

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discours religieux. Autrement dit, c’est un contre discours religieux. Ceci étant, le discours antireligieux n’est pas forcément établi contre la religion elle-même (n’importe quelle religion), mais plutôt comme une contradiction, une polémique, voire une désacralisation au discours fait au nom de la religion.

Le discours antireligieux trouve son origine dans le rationalisme et la fin des guerres de religions qui coïncident avec la création des états nations. Le rationalisme inspiré des grandes figures de la philosophie grecque (notamment Platon) va s’atteler à réduire la pensée humaine à l’observation, au questionnement, à l’expérimentation et aussi à la déduction. Il va ainsi détruire l’intuition profonde, ce que désigne Descartes par « la liberté éclairée » ou ce qu’on appelle dans le discours religieux musulman « El-Bassira » qui signifie le regard intérieur ou l’observation profonde50. La vision rationaliste va donc créer une scission entre l’épistémologie religieuse et l’épistémologie scientifique qui lui était jusque-là inhérente. Nous assistons par conséquent vers le XVIIème siècle à la naissance du matérialisme qui balisera le terrain à une critique antireligieuse dont les Lumières vont s’emparer. Voici en quelques lignes en quoi consiste le projet matérialiste :

« Deux lignes de force traversent le discours du matérialisme moderne : la réduction du surnaturel au naturel et celle du spirituel au matériel. Elles sont consonantes sur le plan politique avec les luttes contre le "poignard du fanatisme et le bandeau de la superstition" auxquels on oppose les droits de la raison et de la conscience. »51

Dans cette présentation de l’idéologie matérialiste, nous retrouvons tous les thèmes chers aux Lumières qui concrétisent leur discours contre religieux : le recours à la raison, l’abrogation du surnaturel et de la superstition, la lutte contre le fanatisme religieux, et aussi la proclamation d’une religion naturelle proche de la condition humaine et de sa compréhension.

D’un point de vue historique, c’est la fin des Guerres des Religions en Europe et la naissance des relations internationales ou de ce qu’on désigne par les Etats-nations (et non plus des empires) qui vont favoriser l’apparition et la tenue plus au moins franche du discours

50 Voir l’ouvrage d’Imran Hosein, A la recherche des empreintes de Khidr Dans Akhir Al-Zaman, Editions Ansari Memorial Series, Kuala Lumpur, 2016, pp. 24-33.

51 Josiane Boulad-Ayoub, Alexandra Torero-Ibad, Matérialisme des modernes, Editions Les Presses de l’Université Laval, Québec, 2009, pp. 8-9

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antireligieux52. Le traité de Westphalie en 1648 va faire date notamment chez les penseurs du XVIIème siècle qui vont préparer le terrain pour la philosophie des Lumières. C’est dans ce siècle dit du Classicisme que nous retrouvons les prémisses de l’anticléricalisme comme l’affirme Emile Faguet dans les propos suivants :

« On peut dire que ce fut le XVIIe siècle qui fut encore cause de cela et que le XVIIe

siècle contribua de loin, très indirectement et très involontairement, à la cause de l’anticléricalisme, en ce sens que c’est sa gloire littéraire qui fit des hommes de lettres une classe, et une classe très considérable, et qu’il se trouva que les hommes de lettres, après lui[XVIIIème siècle], furent anticléricaux. »53

Nous comprenons dans cette déclaration que l’auteur, tout en conditionnant l’anticléricalisme des Lumières à partir de la littérature du XVIIème siècle, revient dans son ouvrage sur les stratégies implicites utilisées par les hommes de lettres pour faire de leur opposition religieuse le centre de leurs créations artistiques. À titre d’exemple, Molière élude la question religieuse dans la majorité de ses pièces théâtrales ou encore Cyrano de Bergerac et Théophile de Viau usent de la satire politique à l’encontre de Richelieu ou encore Père Joseph afin de véhiculer leurs sentiments irréligieux.54

Avant de passer à la philosophie antireligieuse du siècle d’après, nous ne pouvons ne pas mentionner l’œuvre considérée comme la plus antichrétienne et faisant l’apologie de l’athéisme dans le siècle classique : en l’occurrence le traité anonyme intitulé Théophrasus

Redivus. Cet essai publié en 1659 va marquer la critique antireligieuse en l’inscrivant dans un

registre explicite, polémique, athéiste et rationaliste, une position qui ne manquera pas d’influencer les écrits du siècle suivant. Cette œuvre était souvent désignée ç l’époque par le

« libertinage érudit »55. Par conséquent, le discours antireligieux du XVIIIème siècle sera

dirigé principalement contre le clergé et l’église (catholique et protestante). Autrement dit, ce contre discours à cette époque est une contradiction, voire même une rébellion à l’encontre du christianisme et du discours porté en son nom. Nous nous posons donc la question suivante :

52 Gantet Claire. « Le "tournant westphalien", Anatomie d'une construction historiographique ». In: Critique internationale, vol. 9. 2000. Politiques de la biosphère. pp. 52-58; doi : 10.3406/criti.2000.1621 http://www.persee.fr/doc/criti_1290-7839_2000_num_9_1_1621

53 Emile Faguet, L’anticléricalisme, Edition Hachette Livre BNF, Paris, 2017, p. 91.

54 Ibid. pp. 53-88.

55 Jean-Pierre Cavailé, « Combat antireligieux et athéisme dans le Theophrastus Redivivus » (1659), Les Dossiers du Grihl [En ligne], Les dossiers de Jean-Pierre Cavaillé, Libertinage, athéisme, irréligion. Essais et bibliographie, mis en ligne le 01 septembre 2015, consulté le 17 novembre 2018. URL : http://journals.openedition.org/dossiersgrihl/6296

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qu’en est-il de l’Islam et de son prophète dans ce contre discours religieux puisque c’est là l’objet de notre travail ?