• Aucun résultat trouvé

La production de pensées

Dans le document Être bienveillant avec soi-même (Page 62-65)

Votre mental a pour mission de vous protéger, de vous aider à survivre. Pour cela, il catégorise sans cesse les événements, les relie à des analyses préexistantes et à des projections, et évalue les actions possibles. Dans la mesure où c’est ce qu’il fait à plein régime depuis plus de cent mille ans, il est peu probable que l’esprit humain cesse de fonctionner du jour au lendemain. Que

vous le vouliez ou non, à l’intérieur de votre crâne se trouve une « machine à produire des mots » qui, du matin au soir, met tous les événements en relation.

Il est impossible d’arrêter de penser, surtout de façon délibérée. Car dès que nous faisons les choses délibérément, nous créons une « piste verbale » (une règle) que nous tentons de suivre. Ainsi, lorsque nous cherchons à cesser de penser, nous créons une pensée qui nous dit : « Je ne devrais pas être en train de penser », et nous cherchons à lui obéir. Malheureusement, comme cette piste verbale est elle-même une pensée, le processus ne peut qu’échouer (voir les exercices du chapitre 2, qui démontrent en détail l’inutilité de la suppression de pensée).

Votre prochain objectif est de commencer à saisir vos pensées « au vol », au moment où elles se produisent. Bien que nous pensions en permanence, nous ne le remarquons que de temps à autre. Une habitude si naturelle, qui se produit si souvent, reste en général au second plan. Combien de fois par jour prenez-vous conscience de respirer ou de cligner des yeux ?

Nous sommes des poissons dans le flot de nos pensées

Les poissons nagent naturellement. Ils ne « savent » pas qu’ils sont dans l’eau : ils nagent, un point c’est tout. Il en va de même pour nous et nos pensées. Elles sont notre élément : nous y sommes plongés à un tel point que nous sommes à peine conscients de leur présence. Le fait de nager dans nos pensées nous est naturel. On ne peut sortir un poisson de l’eau et s’attendre à ce qu’il survive normalement. Mais que se passerait-il si le poisson prenait conscience de l’eau ?

Exercice 13 : À quoi pensez-vous en ce moment ?

Prenez quelques minutes pour noter toutes les pensées qui vous passent par la tête :

Alors ? Combien de pensées avez-vous été capable de décrire ? Pendant que vous écriviez, n’avez-vous pas vu apparaître des pensées au sujet de la pensée que vous notiez ? Si vous vous êtes arrêté parce que vous ne pensiez à rien, avez-vous remarqué que « Je ne pense à rien » était aussi une pensée ?

Il est très probable que le petit espace ci-dessus ne vous aura pas suffi, et de loin, pour noter toutes les pensées qui vous ont assailli pendant ces quelques minutes. Considérez ce que cela signifie : si vos pensées formaient un flot constant il y a quelques instants, pourquoi en irait-il autrement le reste du temps ? Des centaines ou plus probablement des milliers de pensées nous viennent chaque jour à l’esprit. Il n’est pas étonnant que nous finissions parfois dans le fossé…

Car la route elle-même est souvent peu éclairée, et les nombreux panneaux indicateurs (c’est-à-dire les constructions mentales gravées dans la pensée) perturbent notre discernement.

Une des premières habitudes mentales dont nous avons à nous défaire est celle qui consiste à prendre les pensées au pied de la lettre. Si les pensées étaient ce qu’elles prétendent, contrôler une pensée permettrait de contrôler le comportement. Quand nous prenons nos pensées au pied de la lettre, nous sommes à la merci de toutes les expériences que la vie met accidentellement sur notre chemin. La psychologue Ellen Langer a décrit un exemple intéressant du fonctionnement très littéral des pensées en examinant les vertus de la salive.

Les vertus de la salive

La salive est sans doute un sujet qui n’accapare pas vos pensées… Pourtant, sentez-vous comme l’intérieur de votre bouche est humide et tiède ? Sentezvous que votre langue y glisse avec facilité ? Vous le savez, quand votre bouche est très sèche, les mouvements de la langue sont difficiles, voire irritants. À présent, avalez et constatez à quel point votre salive rend ce geste simple et agréable. Imaginez ce qui se passerait si vous n’en aviez pas, comme lorsque vous avez la gorge si sèche qu’avaler vous fait mal. La salive, en outre, a des qualités antiseptiques naturelles qui permettent de lutter contre les microbes des dents et des gencives. Voilà pourquoi les problèmes de santé qui réduisent la sécrétion de salive mènent rapidement à des problèmes dentaires et gingivaux. La méthamphétamine, par exemple (une drogue également appelée « speed »), provoque des sécheresses buccales sévères ; après quelques années d’utilisation, les drogués voient leurs dents tomber car le manque chronique de salive les prive de leur protection naturelle.

La salive nous aide également à prédigérer notre nourriture. Lorsque nous prenons le temps de bien mâcher, celle-ci glisse mieux dans l’œsophage, et l’estomac peut commencer à digérer plus facilement. Si vous prenez une trop grande bouchée et que vous l’avalez sans mâcher, vous ressentez un poids dans le ventre, car votre corps travaille pour compenser le manque de mastication. La salive est vraiment une substance merveilleuse.

À présent, représentez-vous un splendide verre à pied en cristal ; chaque fois que vous avez de la salive en excès, vous l’y crachez, jusqu’à ce que le verre soit plein. Et imaginez – imaginez vraiment, en laissant venir les sensations – que vous le buvez.

La plupart d’entre nous trouvent écœurante l’idée de boire un verre de sa propre salive.

Nous en produisons pourtant plusieurs litres par jour et nous les avalons. Mais, malgré les innombrables vertus de la salive, l’idée de boire ce verre nous dégoûte profondément. Si l’expérience quotidienne de la salive est une chose, penser à la salive en tant que boisson en est donc une autre. Pourquoi ?

Dans le document Être bienveillant avec soi-même (Page 62-65)