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COMPÉTENCE ORTHOGRAPHIQUE

1.3.1.2 LA PROCÉDURE LEXICALE

La procédure lexicale est utilisée lorsque les scripteurs sont confrontés à des mots qu’ils connaissent parce qu’ils les ont fréquemment rencontrés et qu’ils les ont enregistrés dans leur lexique orthographique. Cette procédure est appelée procédure lexicale, récupération

directe ou encore voie d’adressage selon les auteurs. Elle consiste à récupérer directement

en mémoire la forme complète du mot pour la restituer. Il s’agit d’une procédure efficace pour

le scripteur, qui sollicite une attention minimale et qui s’effectue sans erreur si le mot a été enregistré correctement.

Selon Fayol (2013), les adultes disposeraient ainsi d’un stock lexical important enregistré en mémoire, comme un dictionnaire mental. Les recherches dans ce domaine tendent vers un lexique commun à la lecture et à l’écriture et son existence est indispensable pour orthographier les mots qui utilisent des correspondances phonographiques peu fréquentes et qui sont peu consistants comme CHAOS, PAYS, etc.

1.3.2 L’IMPACT DE LA CONSISTANCE SUR LES COMPÉTENCES EN ORTHOGRAPHE LEXICALE

Dans notre étude sur les difficultés orthographiques d’adultes faiblement littéraciés, nous mettons en lien l’indice de consistance des mots proposés dans la dictée d’IVQ avec les connaissances orthographiques des enquêtés. Il existe peu d’études qui se sont intéressées aux connaissances lexicales des adultes et la plupart des études se sont axées sur l’état des connaisances lexicales chez des profils particuliers, comme les dyslexiques ou les dysgraphiques (par exemple les travaux de Holmes, cités par Fayol et Jaffré, 2014). En revanche ; plusieurs études ont été menées chez les enfants (Fayol 2013 ; Fayol et Jaffré, 2014), dont les résultats ont été confortés par les travaux récents de Lété (2008, 2018). Ces études montrent que pour orthographier les phonèmes qui sont peu consistants, les enfants prennent en compte de manière progressive, au fur et à mesure de leurs apprentissages et de leur expérience avec l’écrit, le contexte environnant ces phonèmes.

Certains chercheurs (Fritz, 1985 cité dans Lété et al., 2008) postulent l’existence de stades dans l’acquisition, qui apparaitraient successivement (les enfants utiliseraient une procédure puis une autre) mais les recherches plus récentes de Lété et al. (2008) montrent une conception plus interactive des processus cognitifs utilisés. Les chercheurs ont étudié l’évolution des connaissances orthographiques des enfants du CP au CM2 à partir des mesures de consistances de la base Manulex-Infra et des résultats présentés dans la base de données Éole51 (Pothier et Pothier, 2003). Leurs résultats confirment l’hypothèse selon laquelle les enfants utilisent les deux procédures (lexicale et infra-lexicale) dans chaque niveau d’apprentissage. Ce serait la longueur du mot qui déterminerait l’utilisation d’une procédure plutôt qu’une autre. Ainsi, au début de leur apprentisage de l’écrit, les enfants semblent

51 La base de données Eole présente pour près de 12000 mots, le pourcentage de graphies correctes qui ont été produites par des enfants du CP au CM2. Chaque mot présent dans Éole a été orthographié par 40 enfants dans chaque niveau.

utiliser préférentiellement la procédure lexicale52 pour les mots monosyllabiques, et la procédure infra-lexicale53 pour les autres mots qu’ils n’ont pas encore enregistrés en mémoire. Ces procédures seraient mobilisées de plus en plus rapidement et de manière plus efficace avec le niveau d’expertise. Ces travaux confirment également que l’effet de fréquence est présent dès le CP : « the present work showed that children also make use of orthographic

information stored in lexical memory because a word-frequency effect on spelling-accuracy scores was found as early as first grade » (Lété et al., 2008 : 970). Ils montrent également que

leur lexique orthographique est d’abord constitué de mots courts : « Par exposition répétée

aux mots, les enfants apprennent graduellement que certaines graphies sont plus fréquentes que d’autres dans certains contextes. » (Lété, 2008 : 95).

Lété (2008) montre que la complexité de l’orthographe du français est adressée aux enfants dès leurs premières années d’apprentissage : « les 290 associations trouvées dans les 45080

formes orthographiques de Manulex-Infra (niveau CP-CM2) sont toutes présentes au CP, dans seulement 10861 formes orthographiques. » (Lété, 2008 : 91). Dès le CP, les enfants sont donc

exposés à toutes les inconsistances de leur langue, ce qui représente une situation idéale pour l’acquisition de l’écrit. Cependant, même s’ils sont exposés à ces inconsistances de manière précoce, la consistance des relations entre phonèmes et graphèmes n’en reste pas moins la principale difficulté dans l’acquisition de l’orthographe chez les enfants. Et cette difficulté liée à la complexité orthographique et à l’effet de consistance ne disparaitrait pas avec le niveau d’expertise : « Le fait que les associations phonème-graphème continuent à jouer un rôle

important chez les enfants plus âgés est un résultat attendu puisque l’information contextuelle ne permet pas de réduire toutes les ambiguïtés orthographiques. » (Lété, 2008 : 95).

Par ailleurs, on trouve souvent dans la littérature, l’idée selon laquelle la consistance orthographique (c’est-à-dire le degré de difficulté d’un mot) serait liée à sa fréquence. Ainsi, plus un mot serait rencontré fréquemment et plus son degré de consistance augmenterait. L’outil Manulex montre que cette corrélation est incorrecte et que la fréquence et la consistance sont deux mesures différentes qui n’agissent pas l’une sur l’autre. Elles peuvent montrer en revanche l’utilisation par le scripteur de deux procédures différentes : la récupération directe en mémoire (voie directe) avec la mobilisation du lexique orthographique ou le transcodage des relations entre phonèmes et graphèmes (voie indirecte). Ainsi, l’utilisation de la voie indirecte, par transcodage, permettra à un scripteur

52 Appelée aussi voie directe (Fayol et Jaffré, 2008).

d’orthographier un mot rare mais consistant ou de fournir une graphie plausible d’un pseudo-mot (c’est-à-dire, dont la graphie restitue la forme la forme orale du pseudo-pseudo-mot tout en tenant compte à l’écrit des contraintes phonographiques du français).

1.3.3 L’ACQUISITION DE L’ORTHOGRAPHE LEXICALE CHEZ LES ENFANTS

De récents travaux en linguistique (Pothier et Pothier, 2014) et en psycholinguistique (Lété, 2018) ont estimé les connaissances en orthographe lexicale des enfants jusqu’au cycle 3. Nous présentons dans ce paragraphe l’Échelle d’acquisition en orthographe lexicale (EOLE) conçue par Pothier et Pothier (2014), qui rend compte du niveau d’acquisition de l’orthographe lexicale des enfants à l’école primaire. Nous présentons ensuite les travaux récents de Lété (2018), qui se sont appuyés sur les résultats présentés dans ÉOLE et sur les mesures de fréquence de Manulex pour estimer le vocabulaire dont disposent les enfants.

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