• Aucun résultat trouvé

L’ORTHOGRAPHE : UNE COMPÉTENCE COMPLEXE À ÉVALUER DANS UNE ENQUÊTE

D’ADULTES ET DE JEUNES ADULTES

2.1.1. DES ENQUÊTES À GRANDE ÉCHELLE

2.1.3.2 L’ORTHOGRAPHE : UNE COMPÉTENCE COMPLEXE À ÉVALUER DANS UNE ENQUÊTE

D’après la définition de l’UNESCO en 1958, toute personne qui n’est pas capable de « lire et

écrire en le comprenant un exposé bref et simple de faits en rapport avec la vie quotidienne »,

est considérée comme analphabète, mais cette définition ne définit pas les normes d’écriture que l’on accepte. La définition de l’analphabétisme a continué à s’enrichir depuis, en intégrant et en définissant les notions de compétences de base puis en distinguant les personnes qui ont été scolarisées des autres avec le terme « illettrisme » (voir section 1.1 du chapitre 1).

La définition de l’OCDE (OCDE, 2000) : « Aptitude à comprendre et à utiliser l’information

écrite, dans la vie courante en vue d’atteindre des buts personnels et d’étendre ses connaissances et ses capacités » ne permet pas non plus de définir clairement les

compétences attendues :

- qu’entend-on par le fait d’utiliser de l’information écrite ?

- La production écrite et la maitrise de l’orthographe font-elles partie de ces compétences ?

Besse et al. (2009) montrent qu’évaluer la capacité à lire et à écrire chez les adultes soulève de nombreuses questions de plus en plus complexes avec le développement d’une société de l’information où les supports écrits avec le développement du numérique sont de plus en plus variés. Cette augmentation des supports et des modalités d’expression n’ont fait qu’accroitre les exigences de la société en matière d’orthographe. Cette compétence demeure alors, aujourd’hui plus que jamais, une compétence attendue et discriminante.

Il semblerait en réalité que le fait de savoir écrire impliquerait de manière implicite le fait de savoir « bien » écrire donc notamment de savoir orthographier. Mais ne serait-ce que s’il s’agit de savoir « bien orthographier », les frontières entre savoir et ne pas savoir ne sont pas non plus définies : faut-il connaitre toute l’orthographe ? Existe-t-il des erreurs acceptables ou inacceptables ? Besse et al. (2009) montrent que la notion de « savoir écrire et savoir lire » semble tellement implicitement évidente que dans l’enquête Infométrie (1988), les critères de correction des tests de lecture et d’écriture n’avaient pas été définis. Ainsi, dans l’épreuve d’écriture qui consistait à écrire une phrase sous la dictée (voir section 2.1.2.1), seule la restitution orthographique a été prise en compte, ce qui revient à évaluer l’écriture selon la tradition scolaire du contrôle du rapport à la norme alors même que l’écriture dans la vie quotidienne d’un adulte ne se réduit pas à cette seule question de la maitrise de la norme orthographique. Comme le rappellent Besse et al. (2009 : 33), « Lire et écrire servent tout

d’abord à entrer en communication avec d’autres personnes ».

UNE DICTÉE POUR ÉVALUER LA CAPACITÉ D’ÉCRITURE

Nous avons vu que l’évaluation de l’écriture dans les enquêtes sur la littéracie est plutôt rare et lorsque cette compétence est testée, c’est au travers d’un exercice de dictée (au sens de transcrire des mots et souvent également des pseudo-mots qu’un enquêteur dicte). Il ne s’agit cependant pas de la dictée traditionnellement pratiquée dans l’évaluation scolaire, qui consiste généralement à reproduire un texte permettant de vérifier les compétences en orthographe lexicale mais aussi grammaticale, par la réalisation d’accords.

Dans le cadre d’une enquête, le choix du test d’orthographe est lié aux contraintes du recueil de données (maitrise du temps de passation) et de l’analyse des données lorsque l’échantillon est important (standardisation des informations recueillies pour faciliter le codage). Les tests portent donc souvent sur une sélection de mots et pseudo-mots à reproduire sous la dictée, ce qui ne permet pas de tester la capacité à communiquer par écrit et limite également les phénomènes linguistiques à observer (comme la construction syntaxique ou les compétences grammaticales). Un texte libre quant à lui pose de nombreux problèmes en terme de codage et de comparabilité des réponses ; et le texte dicté ressemble aux exercices de tradition scolaire avec le risque que les publics les plus en difficulté ne se soumettent pas à l’exercice. Pour choisir les mots à évaluer (et donc les compétences requises pour les transcrire et les orthographier), il existe différents outils pour le français (voir chapitre 3, section 1) qui permettent d’opérer une sélection : mots rencontrés fréquemment mais dont l’orthographe est irrégulière (mots fréquents et peu consistants), mots rares mais réguliers (mots peu fréquents mais consistants), etc. On pourrait ainsi identifier différents niveaux de difficultés, pour tester des niveaux de compétences.

L’épreuve de production écrite présente dans l’enquête IVQ se présente sous la forme d’une dictée de mots et de pseudo-mots que les enquêtés doivent produire de manière manuscrite. Cette modalité d’évaluation présente l’avantage de permettre aux scripteurs de focaliser leur attention sur la tâche demandée. Pour apprécier les compétences orthographiques, l’exercice de dictée est estimé comme optimal car les composantes liées à la situation de production sont restreintes. Ce type d’épreuve revêt donc une dimension orthographique mais aussi une dimension graphique avec la réalisation d’une activité motrice manuelle. Cette deuxième dimension peut représenter un frein à l’exécution de la première. On sait en effet que les enfants ou même des adultes ayant une écriture lente et peu assurée seront moins performants lors de la production écrite et notamment en orthographe car ils doivent mobiliser des ressources en attention et en mémoire de travail très importantes liées au geste graphique (Fayol et Jaffré, 2014). Pour Fayol (2013), l’écriture des lettres demande un développement complexe car il demande de mettre en œuvre trois compétences : la motricité fine des doigts et de la main, la perception et la cognition. Il met notamment en évidence la nécessité d’un long apprentissage pour maitriser le geste graphique :

« Malgré une pratique quotidienne, les enfants de 10 ans ne sont pas encore parvenus à une automatisation de la production équivalente à celle des adultes : il s’ensuit que la mise en œuvre de l’écriture impose un cout élevé en attention et en mémoire. » (Fayol, 2013 : 48).

L’enfant passe par différentes étapes lors de l’apprentissage de l’écriture. Au début, les tracés sont nécessairement lents et irréguliers car l’enfant doit effectuer un contrôle visuel rétroactif qui vient guider ses gestes. Puis avec le temps, ses gestes s’automatisent grâce à la constitution en mémoire de ce que Fayol (2013) appelle des « programmes visuels et

moteurs » qui permettent de gagner en vitesse et en régularité. C’est lorsque ses gestes sont

automatisés et assurés qu’à l’adolescence, l’écriture peut prendre une dimension plus artistique avec la mise en place d’une écriture plus personnelle. Cependant, même avec l’expertise liée aux années de pratique, l’utilisation des signes graphiques reste couteuse pour la plupart des adultes.

2.2.L’ENQUÊTE INFORMATION ET VIE QUOTIDIENNE (INSEE, 2002, 2004,

2011)

Jusqu’en 2002, la France ne disposait pas d’une enquête nationale pour évaluer à grande échelle les compétences à l’écrit de la population. Différentes enquêtes ont permis d’approcher les compétences de base nécessaires à la communication (Infométrie, tests des JAPD) mais aucune ne permet de dresser un portrait précis du niveau des Français. Ce besoin est devenu particulièrement pressant suite aux nombreuses polémiques suscitées par l’enquête IALS et aux résultats particulièrement faibles de la France. C’est ainsi que l’INSEE a été chargée en 2002 de concevoir une enquête ménage sur les compétences en littéracie et en numératie de la population âgée de 16 à 65 ans, résidant en France métropolitaine : l’enquête « Information et Vie Quotidienne »23 (IVQ). Son protocole conséquent (que nous détaillons ci-dessous) a été conçu pour mesurer la capacité de la population adulte à communiquer dans les domaines fondamentaux de l’écrit : savoir déchiffrer, comprendre ce qui est lu, savoir écrire, savoir compter. Après avoir testé le protocole en 2002 sur un nombre restreint de personnes, l’INSEE a étendu l’enquête en interrogeant en 2004 puis en 2011 un échantillon représentatif de la population française.

Documents relatifs