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La préparation d’échantillon

Chapitre III : L’analyse lipidomique

2. Principe de l’analyse lipidomique

2.1. La préparation d’échantillon

La préparation d’échantillons constitue la première étape critique de l’analyse lipidomique. Celle-ci conditionne la qualité et les résultats de l’étude. La méthode choisie pour la préparation de l’échantillon sera adaptée au type d’échantillon biologique (organes, tissus, cellule, fluides…) et à la nature des composés d’intérêt. Dans la présente étude, deux types de préparation d’échantillons sont employés : l’extraction liquide-liquide et l’extraction sur phase solide.

ADN

AR

Protéines

Sucres

Lipides

(Lipidome)

Amino

acides

Phénotype / Fonction

2.1.1.L’extraction liquide-liquide

L’extraction liquide-liquide (LLE) repose sur la partition d’un composé organique entre une phase aqueuse (échantillon biologique) et une phase organique (solvant organique) non-miscible. Cette partition dépend du coefficient de partage Kp de l’analyte entre la phase organique et la

phase aqueuse. Ce dernier correspond au rapport des solubilité de l’analyte dans la phase organique ([S]org) et dans la phase aqueuse ([S]aq) : = .

Lorsque les deux phases sont en contact, les molécules hydrophobes se solubilisent préférentiellement dans la phase organique et sont ainsi extraites de l’échantillon biologique. Quant aux molécules hydrophiles, celles-ci restent dans la phase aqueuse.

L’extraction suit les étapes suivantes :

1. Ajout du solvant organique d’extraction à la phase aqueuse

2. Agitation pour favoriser le transfert d’analytes de la phase aqueuse vers la phase organique.

3. Séparation des phases par centrifugation

4. Récupération de la phase organique qui contient les analytes d’intérêt 5. Evaporation du solvant organique

6. Reprise de ces résidus par un solvant organique différent du premier

Figure 30|Etapes de l’extraction liquide liquide

Le rendement de l’extraction des analytes dépend d’un certain nombre de paramètres que l’on peut ajuster pour optimiser l’extraction : la nature du solvant organique, le volume utilisé, le pH de la phase aqueuse lorsque l’analyte comporte des fonctions ionisable ou

encore le nombre d’extractions successives. La phase organique ne doit pas être miscible avec la phase aqueuse et la solubilité de l’analyte dans la phase organique doit être élevée. La phase organique peut correspondre soit à un solvant d’extraction pur, soit à un mélange de solvants.

La LLE est une méthode aisée à mettre en œuvre. Requérant du matériel basique de laboratoire (mélangeurs par retournement, centrifugeuses, tubes à essai) et autorisant un large choix de solvants organiques permettant l’extraction d’une grande gamme de composés, la LLE constitue, en analyse lipidomique, une méthode d’extraction de premier choix [189], [190]. Cependant, il s’agit d’une méthode longue, difficilement automatisable et qui manque de reproductibilité. En effet, la formation d’émulsions suite à l’agitation mécanique est un phénomène fréquent qui rend alors la méthode d’extraction non reproductible [191]. Par ailleurs, la LLE utilise une quantité non négligeable de solvants toxiques (e.g. méthanol, chloroforme).

Le caractère hydrophobe des molécules est évalué par le logP, défini par le logarithme du coefficient de partage pour le système octanol/eau. Ainsi, plus le logP est élevé (valeurs positives), plus le composé est hydrophobe. Un logP nul indique que le composé est soluble à part égale dans l’eau et l’octanol. Un logP négatif caractérise une molécule hydrophile. La gamme de polarité des lipides est très large : le logP des lipides s’étend de 5 (e.g. phosphatidylcholines) à 22 (e.g. triglycérides) [192]. C’est pourquoi, un mélange de solvants organiques est nécessaire pour réaliser une extraction liquide liquide.

Une des premières méthodes d’extraction de lipides a été proposée en 1957 par Folch. La phase organique est un mélange de chloroforme (log P = 1,97) et de méthanol (log P = -0,77) en proportion 2/1 v/v [193]. L’utilisation de solvants de polarités différentes permet ainsi l’extraction de différentes catégories de lipides. La méthode de Folch reste une référence, mais celle-ci a par la suite été optimisée dans le but notamment de diminuer la quantité de solvants nécessaire à l’extraction. La méthode de Bligh et Dyer, publiée en 1959, est dérivée de celle de Folch. La phase organique est également un mélange de chloroforme et de méthanol mais en proportion quelque peu différente : 1/1 v/v. Le volume de la phase organique ne représente plus que cinq fois le volume d’échantillon [194]. La méthode Bligh et Dyer apporte également l’avantage de permettre une meilleure séparation de phase en un temps plus court que par la méthode de Folch. Dans ces deux méthodes, la phase organique est plus dense que la phase aqueuse et la phase organique à récupérer se situe ainsi sous la phase aqueuse. Par la suite, d’autres solvants moins toxiques ont été testés, tels que le dichlorométhane et le tert-butyl méthyl éther (MTBE) [195], [196]. Ainsi, Matyash et al. ont proposé une nouvelle méthode d’extraction à base d’un mélange de MTBE et de méthanol, en proportion 10/3 v/v, représentant environ 50 fois le volume de l’échantillon. Dans la mesure où les rendements d’extraction sont comparables, voire supérieurs, à ceux obtenus avec les méthodes de Folch ou celle de Bligh et Dyer et étant donné que le MTBE est

moins toxique que le chloroforme, cette méthode d’extraction est devenue une méthode de choix en analyse lipidomique. En outre, dans la mesure où la phase organique est moins dense que la phase aqueuse, cette méthode est plus aisée à réaliser : la phase organique se situe au-dessus de la phase aqueuse et le prélèvement de la phase organique est ainsi facilité.

La LLE est une technique peu spécifique qui permet l’extraction d’une large gamme de familles de lipides. Cependant, il peut être parfois judicieux de réaliser des extractions plus spécifiques et de réduire la gamme de lipides extraits, notamment lorsque les lipides d’intérêt sont en faible concentration dans l’échantillon biologique ou lorsqu’ils présentent des polarités extrêmes. L’extraction sur phase solide (SPE) est une autre technique d’extraction qui, combinée à la première technique, permet de répondre à ces objectifs. Cette technique est également régulièrement employée pour l’extraction des lipides.

2.1.2.L’extraction sur phase solide

L’extraction en phase solide est fondée sur la rétention de molécules d’intérêt dissous ou en suspension dans un liquide (la phase mobile) par adsorption sur une phase solide (la phase stationnaire). La rétention des composés dépend alors des propriétés physico-chimiques et donc de leur affinité relative pour la phase stationnaire et la phase liquide. La SPE comporte schématiquement les quatre étapes suivantes :

1. Conditionnement : il s’agit d’activer la phase stationnaire par la percolation de

solvant, généralement éthanol et eau. Cette étape est essentielle pour permettre la rétention des analytes, elle favorise les échanges dans l’adsorbant et augmente également la mouillabilité de la phase stationnaire. Si cette étape est mal

conduite ou si la cartouche sèche avant le dépôt de l'échantillon, la rétention des analytes peut être compromise.

2. Percolation : dépôt de l’échantillon liquide. L’analyte d’intérêt établit des

interactions avec la phase stationnaire sur laquelle il est retenu. A l’inverse, les molécules ayant plus d’affinité pour la phase mobile aqueuse ne sont pas retenues.

3. Lavage : cette étape permet d’éliminer les molécules interférentes qui ont été

retenues sur la phase stationnaire lors de l’étape de percolation. Ces composés échangent moins d’interactions avec l’adsorbant et plus d’interactions avec le solvant de lavage que les composés d’intérêts. Les molécules interférentes sont ainsi éliminées avec le ou les solvants de lavage. Le solvant de lavage est choisi de façon à éliminer les interférents, sans éluer l’analyte d’intérêt.

4. Elution : c’est l’étape finale, elle permet de rompre les interactions entre l’analyte

d’intérêt et la phase stationnaire. Le solvant d’élution doit être le plus efficace possible, son volume doit être faible de manière à obtenir un facteur de pré- concentration très important.

Figure 31|Etapes de l’extraction SPE

L'extraction par SPE est le plus souvent réalisée à l'aide de cartouches commerciales. Il s’agit de petits tubes de plastique contenant la phase stationnaire comprimée entre deux filtres. Le rendement d'extraction dépend de plusieurs paramètres dont le type de phase stationnaire, la capacité des cartouches, la nature, le pH et le volume de solvants utilisé lors des étapes de lavage et d’élution.

Le choix de la phase stationnaire dépend du type d’analyte d’intérêt. On distingue deux grandes familles de phase stationnaire : les polymères et les silices. Les polymères de polystyrène- divinylbenzène (PS-DVB), polystyrène divinyl pyrrolidone (PS-PVP) et dimethylacry-oxymethyl naphtalène divinylbenzène (DMN-DVB) sont très stables chimiquement. Ils résistent le plus souvent à un pH compris entre 1 et 14 et possèdent une capacité de charge élevée. Cependant, ils sont faiblement sélectifs. Les silices sont moins stables chimiquement (pH compris entre 2 et 7,5) mais elles sont beaucoup plus sélectives que les polymères, avec une capacité de charge moins importante. Les silices restent toujours des adsorbants de référence très utilisés. On distingue quatre familles de silices identifiables par leur mode de rétention de l’analyte ainsi que par leur sélectivité (Tableau 3) [197].

Mode Greffage de la phase

stationnaire et type d’interactions Composés retenus

Polarité de phase inverse Greffons de type alkyl Interactions hydrophobes

Composé apolaires ou faiblement polaires

Polarité de phase normale Greffage cyano (CN) Greffage Diol Liaisons hydrogènes

Composés avec des fonctions polaires

Echange d’anions Greffage par des fonctions amine, sulfonique ou carboxylique

Liaisons ioniques

Composés avec des fonctions ionisables : acides ou bases

Mixte Greffage double : Greffons

hydrophobes et fonctions amine, sulfonique ou carboxylique

Composés présentant des fonctions ionisables et des chaînes hydrophobes

Tableau 3 | Classification des phases stationnaires en extraction SPE

Le choix de la phase stationnaire et des différents solvants sont ainsi conditionnés par les propriétés physico-chimiques des analytes d'intérêt. Pour un échantillon aqueux, l’élution est obtenue grâce à un solvant hydrophobe alors que pour un échantillon organique, l’élution est

obtenue grâce à un solvant plus polaire. La force éluante des solvants est un paramètre essentiel à prendre en compte dans le choix du solvant.

Figure 33 | Force éluante des principaux solvants de SPE

La SPE est une méthode de choix pour l’extraction de molécules hydrophobes, c’est ainsi une méthode qui trouve sa place en analyse lipidomique. A l’inverse de la LLE, la SPE peut être automatisée. La SPE peut s’avérer plus sélective que la LLE et peut être couplée à une LLE afin de purifier l’échantillon et de l’enrichir spécifiquement en certaines classes de lipidiques [198].

En résumé, la LLE permet l’extraction d'un grand nombre de composés de natures lipidiques différentes. C’est une technique facile à mettre en œuvre et peu coûteuse. Elle constitue donc la méthode de choix en analyse lipidomique globale. En revanche, on choisira la SPE en analyse lipidomique ciblée car cette technique est plus sélective [199].

Dans la présente étude, les deux méthodes d’extraction ont été employées : la LLE pour l’analyse lipidomique globale et la SPE (couplée à la LLE) pour l’analyse lipidomique ciblée.