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Anatomie et physiologie des structures nerveuses

Chapitre I : L’oxaliplatine et son utilisation en oncologie

2. Neurotoxicité de l’oxaliplatine

2.1. Anatomie et physiologie des structures nerveuses

2.1.1.Neuroanatomie

Le neurone, ou cellule nerveuse, est l’unité fonctionnelle de base du système nerveux. Il s’agit d’une cellule qui assure la transmission d’informations dans l’organisme grâce à deux propriétés physiologiques : l’excitabilité (générer un potentiel d’action (PA) en réponse à une dépolarisation suffisante de son potentiel de membrane) et la conductivité (transmettre le signal). Un neurone est composé d’un corps cellulaire et de deux types de prolongements : un axone et plusieurs milliers de dendrites. L’axone conduit l’information efférente (de manière centrifuge) alors que les dendrites conduisent l’information afférente (de manière centripète). L’axone est également appelé fibre nerveuse, son diamètre mesure quelques micromètres alors que sa longueur varie d’un millimètre à plus d’un mètre. L’origine de l’axone est appelé cône d’émergence, il s’agit d’une région riche en microtubules au niveau de laquelle est générée le PA. L’extrémité de l’axone se ramifie en une arborisation terminale dont chaque ramification se termine par un renflement, il s’agit du bouton synaptique où s’accumulent des vésicules synaptiques contenant les neurotransmetteurs. Les axones sont regroupés au sein d’enveloppes conjonctives (périnèvre) pour former un fascicule. Les fascicules sont eux-mêmes regroupés au sein d’une enveloppe conjonctive contenant des vaisseaux sanguins (épinèvre) pour former un nerf (Figure 5).

Un nerf est formé de prolongements d’axones dont les corps cellulaires sont situés soit dans la corne antérieure de la moelle épinière pour les fibres motrices, soit dans le ganglion spinal ou ganglion rachidien pour les fibres sensitives soit dans un ganglion de la chaine sympathique pour les fibres végétatives. Notons que le ganglion spinal est une zone particulièrement vulnérable du système nerveux périphérique dans la mesure où la barrière hémato-encéphalique est plus perméable à cet endroit [29]. Les axones peuvent être protégés par une gaine de myéline formée par des cellules de Schwann, on parle de fibres nerveuses myélinisées. Dans cette configuration, chaque cellule de Schwann recouvre au plus un millimètre d'axone, ce dernier est donc recouvert par des centaines voire des milliers de cellules de Schwann. L'écart entre deux cellules de Schwann (espace non couvert par la gaine de myéline) est appelé Nœud de Ranvier, c’est à ce niveau que se font les échanges d’ions avec l’extérieur. Cet agencement permet la conduction

saltatoire du potentiel d'action à grande vitesse (environ 50 m/s chez l'homme). En revanche, lorsque les axones ne sont pas protégés par une gaine de myéline (fibres nerveuses amyéliniques), la propagation de l’influx nerveux est de proche en proche. Le signal est dans ce cas plus lent (de 0,5 à 2 m/s).

Figure 5 | Histologie d’un nerf Adapté de la banque d’image science photo library (www.sciencephoto.com)

Les classifications de Lloyd (fibres myélinisées : groupes I, II, III, et non myélinisées : groupe IV) et de Gasser-Erlanger (fibres myélinisées : types Aα, Aβ, Aδ et non myélinisées : type C) sont utilisées en pratique. Les fibres Aα (groupes Ia et Ib) sont des fibres fortement myélinisées de très gros calibre (12 – 25 µm) et de vitesse de conduction très élevée (50 – 120 m/s) (Figure 6). Les fibres sont connectées à des terminaisons spécialisées dans les muscles, les tendons, les ligaments, les articulations et conduisent des informations sur la proprioception (degré d'étirement musculaire, positionnement d'une articulation…). Les fibres Aβ (groupe II) sont des fibres myélinisées de gros calibre (5 – 12 µm) et de vitesse de conduction élevée (30 – 70 m/s). Ces fibres sont connectées à des terminaisons spécialisées dans la peau (corpuscules de Pacini, corpuscules de Meissner, corpuscules de Ruffini et disques de Merkel). Ces fibres conduisent des informations sur la stimulation cutanée complexe (vibration, discrimination tactile, la pression subie par la surface cutanée). Les fibres Aδ (groupe III) sont des fibres faiblement myélinisées de petit calibre (2 – 5 µm) et de vitesse de conduction faible (10 – 30 m/s). Les terminaisons de ces fibres sont libres, sans structures différenciées. Ces fibres conduisent des informations sur le toucher léger, la stimulation thermique froide non douloureuse et sur la douleur aiguë rapide de

type "piqûre". Les fibres C (groupe IV) sont des fibres non myélinisées de très petit calibre (0,4 – 1,2 µm) et de vitesse de conduction la plus faible de toute (0,5 – 2 m/s). Les fibres C représentent la majorité des afférences cutanées et représentent la presque totalité de toutes les afférences viscérales. Les terminaisons de ces fibres sont également libres sans structures différenciées. Ces fibres conduisent des informations sur la stimulation thermique chaude non douloureuse et sur la douleur aiguë de type brûlure.

Les mécanorécepteurs sont des structures neurologiques différenciées, localisés dans la peau et qui sont associés à des fibres nerveuses myélinisées de type Aβ. Il existe quatre types de mécanorécepteurs : les corpuscules de Pacini, sensibles aux pressions et aux vibrations, les corpuscules de Ruffini, sensibles à l'étirement de la peau, les disques de Merkel et corpuscules de Meissner, sensibles à la pression fine et au tact.

Les thermorécepteurs sont constitués par des terminaisons nerveuses libres. Les récepteurs sensibles au chaud répondent pour des stimulations entre 30 °C et 50 °C (Figure 7). Ceux sensibles au froid répondent pour des stimulations entre 10 °C et 35 °C. Tous deux sont reliés à des fibres Aδ myélinisées de faible diamètre et non myélinisées de type C. Les stimuli nociceptifs sont eux aussi transmis par des fibres Aδ et C mais leur seuil d’excitation est bien plus élevé. Par ailleurs, leur fréquence de décharge dépend de l’intensité du stimulus.

Classification d’Erlanger -Gasser Classification de Lloyd-Hunt Description Diamètre (μm) Vitesse de conduction (m/s) Fonction

Aα I (Ia et Ib) Fibres myélinisées de

gros diamètre

12-25 50-120 Proprioception

Aβ II 5-12 30-70 Sensibilité cutanée

Aδ III Fibres faiblement myélinisées de moyen calibre 2-5 10-30 Pression cutanée, Temperature, douleur. C IV Fibres amyéliniques de petit calibre 0,4-1,2 0,5-2 Douleur

Figure 7 | Intensité de la perception des différents stimuli thermiques. D’après Boivie, et al. 1993.

2.1.2. Le trafic axonal

La synthèse protéique est réalisée au niveau du corps cellulaire uniquement, l’axone étant dépourvu de ribosomes. Les protéines et autres macromolécules sont par la suite transportées vers les extrémités grâce aux microtubules. L’ensemble des constituants du neurone provient donc du corps cellulaire. Aussi, le maintien de l’intégrité fonctionnelle et structurelle des neurones repose sur un trafic axonal intense de macromolécules et d’organites. Ce trafic est bidirectionnel : antérograde (i.e. vers les terminaisons synaptiques) et rétrograde (i.e. vers le corps cellulaire). Le transport antérograde est dit rapide : plusieurs dizaines de cm par jour (canaux ioniques, enzymes impliquées dans le métabolisme des neurotransmetteurs) ou lent : quelques mm par jour (protéines du cytosquelette microfilaments et neurofilaments) [30]. Le transport axoplasmique rétrograde est un transport rapide permettant le recyclage de macromolécules et le transfert d’informations au soma sur la partie distale de l’axone. Le transport axoplasmique rétrograde concerne également des facteurs de croissance comme le NGF (Nerve Growth Factor) ou des toxines et virus (toxine tétanique, virus de l’herpès…). Il existe également un flux de mitochondries qui s’effectue dans le sens antérograde pour approvisionner le bouton synaptique. Il s’agit en fait d’un va-et-vient permanent. Lorsque les mitochondries ne sont plus fonctionnelles, elles dégénèrent en corps multilamellaires qui sont transportés par le flux rétrograde pour être dégradés par les lysosomes.

Lorsqu’un neurone subit des lésions, les extrémités peuvent dégénérer en premier. Dans ce cas, ce phénomène évolue ensuite sur un mode centripète et donne lieu au processus de la dégénérescence distale rétrograde ou dying back [31]. Les prolongements les plus longs sont souvent les plus impactés. À cette dégénérescence s’associe une altération de la gaine de myéline.

L’établissement d’un trafic bidirectionnel est donc essentiel au neurone, cela lui confère une grande souplesse fonctionnelle et lui assure une adaptation à l’environnement.

2.1.3.L’influx nerveux

L’influx nerveux est une onde électrique qui se propage le long des fibres nerveuses sous la forme d'un potentiel d'action. Sur le plan électrophysiologique, il s’agit d’un transfert de charges électriques entre le compartiment extracellulaire et le compartiment intracellulaire séparés par la membrane cytoplasmique qui isole électriquement ces deux espaces. Au repos, il existe un potentiel transmembranaire de -70 mV. Le potentiel d'action est constitué d'une succession de quatre phases : (1) une phase de dépolarisation de 100 mV, le potentiel de la membrane passe de -70 à +30 mV, (2) une phase de repolarisation de la membrane interne, le potentiel repasse à -70 mV, (3) une phase d’hyperpolarisation, le potentiel atteint -90 mV puis retourne au potentiel de repos (-70 mV). Pendant les phases de repolarisation et d’hyperpolarisation, le neurone est insensible à tout stimulus, c’est la période réfractaire. A noter que le potentiel d'action dure entre un et deux millisecondes.