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Biochimie des lipides cérébraux

Chapitre III : L’analyse lipidomique

1. Des lipides à la lipidomique

1.3. Biochimie des lipides cérébraux

1.3.1.Composition lipidique des structures nerveuses

Le système nerveux est très riche en lipides, notamment les structures myéliniques. Les lipides constituent plus de la moitié du poids sec du cerveau. Ces lipides jouent essentiellement des rôles structuraux et de signalisation et sont dépourvus de fonctions énergétiques.

La gaine de myéline est composée majoritairement de lipides (70 %) et de 30 % de protéines. Les cellules de Schwann synthétisent la gaine de myéline au niveau du système nerveux périphérique. La cellule de Schwann produit une quantité importante de membranes qui s’enroulent en cercles concentriques autour de l’axone pour former une gaine compacte, ce qui permet d’accélérer la conduction nerveuse [178]. Les lipides qui la composent appartiennent à la classe des phospholipides, glycérophospholipides, gangliosides et des stérols [179], [180]. Ce dernier, constituant clé de la myéline, peut être oxydé et/ou hydroxylé en oxystérols, eux-mêmes

impliqués dans le processus de myélinisation. En cas de lésion ou d’atteinte nerveuse, la gaine de myéline peut être altérée et sa composition lipidique modifiée.

Les acides gras et les alcools sont présents à l’état de traces sous forme libre dans le tissu nerveux mais ils entrent dans la composition des lipides complexes. De même, le système nerveux contient en quantité très faible des glycérides et des esters du cholestérol qui, en revanche, peuvent apparaître en grande quantité au cours d’épisode de dégénérescence neuronale.

La nature des acides gras constituant ces lipides confèrent des propriétés particulières aux membranes cérébrales. En effet, la myéline contient de fortes quantités d’acides gras à très longues chaînes [181] puisqu’un acide gras sur six a un nombre d’atomes de carbone supérieur à dix-huit. Par ailleurs les terminaisons nerveuses (synaptosomes) sont particulièrement riches en

acides gras polyinsaturés.

Le cerveau contient deux types d’acides gras :

- acides gras saturés et monoinsaturés : à longues chaînes (16 et 18 atomes de carbone, acide palmitique C16:0, acide stéarique C18:0, oléique C18:1) et à très longues chaînes (20 à 24 et jusqu’à 28 atomes de carbone). Ces dernières sont essentiellement trouvées dans les sphingolipides myéliniques.

- acides gras polyinsaturés avec 20 et 22 atomes de carbone contenant respectivement quatre et six doubles liaisons. Ils sont issus d’acides gras essentiels, provenant donc de l’alimentation : les acides linoléique (C18:2) et linolénique (C18:3).

Les acides gras cérébraux non essentiels sont issus de deux sources majeurs, synthèse in situ et origine extra-cérébrale avec transport à travers la barrière hémato-encéphalique.

1.3.2.Synthèse des acides gras in situ

Synthèse des acides gras saturés et monoinsaturés

Il existe différents lieux de synthèse intracellulaire des acides gras. Tout d’abord, au niveau cytosolique, le complexe enzymatique palmitate synthétase synthétise des acides gras à chaînes moyennes, essentiellement l’acide palmitique. Au niveau microsomial, l’acide palmitique est synthétisé in situ puis allongé par la suite pour aboutir à la production d’acides gras saturés à chaînes très longues. Les acides gras monoinsaturés sont synthétisés par le même complexe d’allongement que leurs homologues saturés et ces derniers entrent dans la composition des gaines de myéline [182]. Au niveau mitochondrial, il existe également une synthèse de novo (distinctes de celle existant dans les microsomes) avec des mécanismes d’élongation des chaînes aliphatiques. Les lipides synthétisés par les mitochondries n’entrent pas dans les processus de

myélinisation. La palmitate synthétase cytosolique joue un rôle dans l’élaboration des membranes gliales et donc dans la myélinisation. La C16-élongase synthétise de l’acide stéarique (C18) à partir de palmityl-CoA et la C18-élongase l’acide arachidique (C20). Les membranes de la gaine de myéline contiennent d’abord des sphingolipides formés d’acides gras à chaînes moyennes (C16 et C18) puis, plus tard, constitués de très longues chaînes comme l’acide lignocérique (C24). L’allongement des acides gras résulte d’une somme de plusieurs étapes intermédiaires dont les plus importantes sont la condensation (α-ceto acyl synthétase, qui condense le malonyl-CoA sur un acyl-CoA), la première réduction (α-hydroxyacyl déshydrogénase), la déshydratation (acyl- déshydrogénase) et la deuxième réduction (enoyl-reductase).

Synthèse des acides gras polyinsaturés.

Les acides gras polyinsaturés sont synthétisés à partir d’homologues insaturés et mono- insaturés. La double liaison est introduite par une oxydoréductase appelée acide gras désaturase. Celle-ci introduit une double liaison C=C dans la chaîne carbonée d'un acide gras par déshydrogénation. Ces enzymes sont désignées par la position delta de l'atome de carbone concerné par la désaturation. Il existe plusieurs désaturases, chacune introduisant une double liaison dans une position donnée. La Δ9-désaturase permet de transformer l'acide stéarique, saturé, en acide oléique, mono-insaturé (oméga-9) en introduisant une double liaison entre les carbones 9 et 10. La Δ12-désaturase transforme l’acide oléique en acide linoléique, bi-insaturé (oméga-6) en introduisant une double liaison entre les carbones 12 et 13. La Δ15-désaturase transforme l'acide linoléique en acide α-linolénique, tri-insaturé (oméga-3) en introduisant une double liaison entre les carbones 15 et 16. Les Δ12- et Δ13-désaturases n’existent pas dans le règne animal. La Δ6-désaturase transforme l'acide linoléique en acide γ-linolénique en introduisant une double liaison entre les carbones 6 et 7. La Δ5-désaturase transforme l'acide dihomoγ-linolénique en acide arachidonique en introduisant une double liaison entre les carbones 5 et 6. L’acide arachidonique est le précurseur des éïcosanoïdes. Les Δ6- et Δ5- désaturases sont présentes chez les mammifères. En association avec des élongases, qui assurent l'allongement de la chaîne carbonée, ces enzymes permettent la biosynthèse de nombreux acides gras polyinsaturés de type oméga-6 et oméga-3. Il existe également une Δ4-désaturase mais la biosynthèse de l'acide docosahexaénoïque semble plutôt dépendre de la Δ6-désaturase (élongation-désaturation d'une chaîne à 24 atomes de carbone, raccourcie ensuite à 22 par bêta- oxydation).

1.3.3.Origine extra-cérébrale des acides gras

Le système nerveux central ne peut élaborer que 60 % environ de ses acides gras, le reste étant apporté par voie exogène via la circulation sanguine [183].

Transport d’acides gras non essentiels.

Les acides palmitique et stéarique plasmatiques captés par le système nerveux central à partir de la circulation sanguine sont par la suite intégrés au niveau des structures nerveuses tels que la myéline, les synaptosomes, les membranes des neurones et des astrocytes [184], [185]. L’acide stéarique peut être incorporé tel quel dans les membranes (au sein de phospholipides ou de sphingolipides) ou bien métabolisé in situ (allongement de chaînes ou synthèse de chaînes plus courtes à partir d’éléments du catabolisme). La relation sang-cerveau pour l’acide stéarique varie au cours du développement cérébral. La captation des acides gras est majorée en période de myélinisation et de multiplication gliale.

Transport d’acides gras essentiels.

La position β des phospholipides est généralement occupée par un acide gras polyinsaturé, généralement le 20:4ω6, le 22:5ω3 et le 22:6ω3. Ces acides proviennent tels quels de la circulation plasmatique ou bien sont dérivés des acides gras essentiels linoléique et linolénique après allongement et désaturation. Une carence en acides gras essentiels provoquera des anomalies au cours du développement cérébral, période où le besoin est particulièrement important [186]. Le tissu nerveux compensera partiellement ce déficit en synthétisant des acides gras polyinsaturés en ω9 [187].