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Conductances électrochimiques de la peau

Chapitre V : Etude de la neuropathie à l’oxaliplatine par une approche

2. Résultats de l’étude CANALOXA

2.2. Conductances électrochimiques de la peau

Les conductances électrochimiques ont été mesurées bilatéralement au niveau des membres inférieurs et des membres supérieurs, générant deux couples de valeurs d’ESC par patient : main droite, main gauche et pied droit, pied gauche. Cependant, ces couples de valeurs ne sont pas indépendants. En effet, il existe une forte corrélation au sein de chaque couple de valeurs. Vinik et collaborateurs ont évalué une corrélation droite/gauche de 0,96 pour les mains

et de 0,97 pour les pieds (p < 0,0001) sur une cohorte de 1350 individus en bonne santé [284]. Une telle relation est retrouvée pour la cohorte des patients de CANALOXA avec une corrélation (Spearman) droite/gauche de 0,97 pour les mains et 0,82 pour les pieds (p < 0,0001). Par ailleurs, les moyennes des ESC entre droite et gauche ne sont pas différentes : p = 0,64 pour les mains et p = 0,69 pour les pieds (test de Wilcoxon). Pour ces raisons, nous proposons de créer deux nouvelles variables en faisant la moyenne entre droite et gauche des valeurs pour les mains d’une part et les pieds d’autre part puisqu’il existe une certaine symétrie.

Les valeurs moyennes des ESC (moyenne ± écart-type [min – max]) sont : 65,3 ± 19,0 µS [9,5 – 90] pour les mains et 65,3 ± 16,6 µS [24,5 – 88,5] pour les pieds. Il n’y a pas de différence entre ces deux moyennes, p = 0,79 (test de Wilcoxon apparié), cependant, les valeurs des mains et des pieds ne sont pas parfaitement corrélées entre elles (ρ = 0,54, p = 0,0006). Ceci signifie que bien que les valeurs d’ESC soient proches, il existe un certain degré d’indépendance entre les valeurs des mains et celles des pieds. Aussi, il est nécessaire de distinguer ces deux mesures dans les analyses ultérieures.

Avant d’étudier les éventuelles relations entre les conductances électrochimiques et les variables relatives à la pathologie ou au traitement ; les influences du genre, de l’âge et de l’IMC sur les conductances électrochimiques des mains et des pieds sont étudiées. Ces trois variables explicatives étant quantitatives et qualitatives, une régression multiple de type analyse de la covariance (ANCOVA) est réalisée pour modéliser leurs effets sur les conductances électrochimiques. Ni l’âge, ni le genre, ni l’IMC n’ont d’effet sur les valeurs des conductances électrochimiques des mains (p = 0,51 ; p = 0,32 ; p = 0,50 respectivement) et des pieds (p = 0,25 ; p = 0,75 ; p = 0,53 respectivement). Par conséquent les conductances électrochimiques sont indépendantes de ces variables et il n’est pas nécessaire de les analyser en sous-groupes selon l’âge, le genre ou l’IMC.

Les distributions des valeurs d’ESC sont présentées par les histogrammes de la Figure 70 pour les mains et de la Figure 71 pour les pieds. Cette variable n’est pas distribuée normalement et semble suivre une autre loi statistique (loi β de paramètres α = 4,5 et β = 2). La normalité des distributions a été testée par un test de Shapiro-Wilk permettant de rejeter l’hypothèse selon laquelle les distributions des valeurs d’ESC sont normales pour les mains et les pieds (p = 0,01 et p = 0,008 respectivement). Par conséquent, nous choisirons pour la suite de l’étude statistique des tests non paramétriques de type Wilcoxon ou Kruskal Wallis pour la comparaison de moyennes ou de Spearman pour la corrélation.

Figure 70| Distribution des valeurs d’ESC mesurées au niveau des mains chez les 36 patients.

ESC > 60 µS : Sujet à conductances élevées : pas de dysfonctionnement de la fonction sudorale, n = 24. 40 < ESC <60 µS : Sujet à conductances intermédiaires : premiers signes possibles d’une neuropathie autonome périphérique, n = 8.

ESC < 40 µS : Sujet à conductances faibles : dysfonctionnement de la fonction sudorale et neuropathie périphérique avancée, n = 4.

La courbe grisée représente la densité de probabilité de la loi β de paramètres α = 4,5 et β = 2.

Figure 71| Distribution des valeurs d’ESC mesurées au niveau des mains chez les 36 patients.

ESC > 60 µS : Sujet à conductances élevées : pas de dysfonctionnement de la fonction sudorale, n = 25. 40 < ESC <60 µS : Sujet à conductances intermédiaires : premiers signes possibles d’une neuropathie autonome périphérique, n = 6.

ESC < 40 µS : Sujet à conductances faibles : dysfonctionnement de la fonction sudorale et neuropathie périphérique avancée, n = 5.

Les conductances électrochimiques des mains et des pieds sont présentées selon différentes modalités : le grade de neuropathie évalué le jour de la visite (selon le score NCI-CTCAE) (Figure 72), le stade de cancer (Figure 73), la localisation primitive de la tumeur (Figure 74), le caractère douloureux ou non de la neuropathie (Figure 75), le protocole (Figure 76) et le délai de modification de traitement (Figure 77). De simples tests de Wilcoxon (variable qualitative à deux modalités) ou de Kruskal-Wallis (variable qualitative à n modalités) sont effectués. Aucune différence entre les moyennes d’ESC n’est mise en évidence pour les variables Grades de neuropathie (66,2 µS vs 54,7 µS ; p = 0,44 pour les mains et 65,5 µS vs 62,8 µS ; p = 0,37) ; Stades (T3 et T4) de la tumeur (65 µS vs 65,3 µS ; p = 0,59 pour les mains et 64,4 µS vs 65,1 µS ; p = 0,46 pour les pieds) ; Localisation primitive de la tumeur (p = 0,15 pour les mains et p = 0,08 pour les pieds) ; Protocoles (FOLFOX et FOLFIRINOX) (p = 0,79 pour les mains et p = 0,68 pour les pieds) ; Délai de modification de traitement (p = 0,72 pour les mains et p = 0,20 pour les pieds). Cependant, on remarque que les patients qui souffrent d’un cancer du côlon ont des conductances électrochimiques plus élevées que les patients qui souffrent d’un cancer de l’estomac (74,7 µS vs 50,8 µS ; p = 0,015 pour les mains et 75,2 µS vs 52,4 µS ; p = 0,015 pour les pieds).

Figure 72| Conductances électrochimiques des mains et des pieds selon le grade de neuropathie mesurée selon l’échelle CTCAE. Les conductances électrochimiques ne diffèrent pas selon le grade de neuropathie p = 0,44 pour les mains et p = 0,37 pour les pieds.

Figure 73| Conductances électrochimiques des mains et des pieds selon le stade du cancer. Les conductances électrochimiques ne diffèrent pas selon le stade du cancer p = 0,59 pour les mains et p = 0,46 pour les pieds.

NB : un seul patient souffrant d’un cancer au stade 2, non pris en compte dans l’analyse.

Figure 74| Conductances électrochimiques des mains et des pieds selon la localisation de la tumeur.

Les conductances électrochimiques ne diffèrent pas selon la localisation primitive de la tumeur p = 0,15 pour les mains et p = 0,08 pour les pieds.

Figure 75| Conductances électrochimiques des mains et des pieds selon le caractère douloureux ou non de la neuropathie évalué avec le questionnaire NPSI.

Les conductances électrochimiques diffèrent selon le caractère douloureux de la neuropathie, les conductances électrochimiques sont plus élevées chez les patients non douloureux que chez les patients douloureux, aussi bien

pour les mains, p = 0,0003 que les pieds p < 0,0001.

Patient avec un score nul au questionnaire NPSI : n = 16 Patient avec un score strictement positif au NPSI : n = 20

Figure 76| Conductances électrochimiques des mains et des pieds selon le protocole de neuropathie.

Les conductances électrochimiques ne diffèrent pas selon le protocole de chimiothérapie p = 0,79 pour les mains et p = 0,81 pour les pieds.

Figure 77| Conductances électrochimiques des mains et des pieds selon le délai de modification du traitement. Les conductances électrochimiques ne diffèrent pas selon le délai de modification du traitement p = 0,73 pour les mains et p = 0,21 pour les pieds.

En revanche, les moyennes d’ESC sont plus élevées chez les patients non douloureux que chez les patients douloureux (77,6 µS vs 55,4 µS, p = 0,00028 pour les mains et 78,1 µS vs 55 µS, p < 0,0001 pour les pieds). De plus, les valeurs d’ESC sont bien corrélées avec le score

NPSI : ρ = -0,69 pour les mains, p < 0,0001 et ρ = -0,79, p < 0,0001), Figure 78 et Figure 79.

Les doses cumulées d’oxaliplatine sont présentées selon les conductances électrochimiques mesurées au niveau des mains et des pieds en respectant la classification en trois catégories : sujets à conductances élevées (ESC > 60 µS), sujets à conductances intermédiaires (40 µS < ESC < 60 µS), et sujets à conductances faibles (ESC < 40 µS) (Figure 80). Il n’y a pas de différence entre les moyennes des doses cumulées d’oxaliplatine reçues estimées pour les trois catégories de conductances électrochimiques (p = 0,21 pour les mains et p = 0,55 pour les pieds). Il apparait cependant une tendance, les patients ayant des conductances faibles (ESC < 40 µS) semblent avoir reçu moins d’oxaliplatine que les patients ayant des conductances supérieures à 40 µS, mais cette observation n’est pas significative (746 mg vs 886 mg, p = 0,2 pour les mains et 802 mg vs 881 mg, p = 0,36 pour les pieds).

Figure 78| Conductances électrochimiques des mains en fonction du score de neuropathie obtenu avec le questionnaire NPSI. Les valeurs d’ESC sont corrélées avec le score NPSI : ρ = -0,69 pour les mains, p < 0,0001

Figure 79| Conductances électrochimiques des pieds en fonction du score de neuropathie obtenu avec le questionnaire NPSI. Les valeurs d’ESC sont corrélées avec le score NPSI : ρ = -0,79, p < 0,0001.

Figure 80| Dose cumulée d’oxaliplatine selon la conductance mesurée au niveau des mains et des pieds. Les doses cumulées d’oxaliplatine ne diffèrent pas selon les conductances électrochimiques.

ESC > 60 µS : Sujets à conductances élevées : pas de dysfonctionnement de la fonction sudorale, n = 24 (mains) et n = 25 (pieds).

40 < ESC <60 µS : Sujets à conductances intermédiaires : premiers signes possibles d’une neuropathie autonome périphérique, n = 8 (mains) et n = 6 (pieds).

ESC < 40 µS : Sujets à conductances faibles : dysfonctionnement de la fonction sudorale et neuropathie périphérique avancée, n = 4 (mains) et n = 5 (pieds).