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ASPECTS METHODOLOGIQUES

1. La nature du signal

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Ce chapitre se rapporte aux aspects méthodologiques communs à toutes les études présentées dans ce travail de thèse. Il s’inscrit à l’interface entre des aspects théoriques de la technique de l’électroencéphalographie et les choix méthodologiques réalisés au cours de ce travail de thèse.

Chapitre 1 : L’électroencéphalographie : de la nature du signal à l’analyse des signaux.

L’électroencéphalographie enregistre, directement à la surface du scalp, les variations de champs électromagnétiques causées par des changements d’activités cérébrales. Cette technique d’investigation cérébrale non invasive possède une très bonne résolution temporelle, c’est pourquoi elle a été privilégiée au cours de cette thèse afin de nous fournir de précieuses informations sur le développement de l’organisation temporelle de l’action.

1. La nature du signal

L’histoire de l’éléctroencéphalogramme commence avec le biologiste Richard Caton, qui en 1875 détecta chez le singe et le lapin « la présence de courants électriques attestée par des oscillations du galvanomètre » (Haas, 2003). Le premier tracé EEG chez l’homme a été révélé par le neurophysiologiste allemand Hans Berger en 1929 sous forme de « variations permanentes de potentiels enregistrés avec des électrodes impolarisables appliquées à la surface du crâne intacte » (Berger, 1929). Le principe de mesure est resté le même jusqu’à nos jours, bien que les moyens techniques aient évolué. Il consiste à mesurer des différences de potentiel entre des électrodes disposées à la surface du scalp, le contact électrique étant assuré par un gel conducteur. Dans cette première partie, j’ai choisi de décrire les générateurs

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électrophysiologiques de l’EEG en partant du niveau microscopique, avec la création de l’activité électrique, jusqu’au niveau macroscopique, avec l’activité rythmique répartie suivant une certaine localisation fonctionnelle.

a. La transmission de l’information neuronale

Les neurones forment des réseaux à travers lesquels circule l’influx nerveux. C’est sous forme électrique que se propage cet influx à la surface de la membrane neuronale, des dendrites jusqu’à l’extrémité parfois très éloignée de l’axone. Cette capacité provient du fait que la membrane plasmique des neurones possède la propriété d’être excitable. A l’état de repos, il existe une différence de potentiel entre l’extérieur et l’intérieur d’environ -60 à -70 mV due à une différence de concentration ionique. Grâce aux échanges d’ions entre le milieu intérieur et le milieu extérieur, la membrane plasmique peut générer des variations de potentiels permettant la communication neuronale. Deux mécanismes sont mis en œuvre pour assurer la communication neuronale : la transmission de l’influx nerveux le long des fibres nerveuses par le potentiel d’action et la transmission synaptique qui fait le lien entre deux neurones. Le potentiel d’action est une onde biphasique qui se propage le long de l’axone. Sur une portion d’axone étendue, cette onde est assimilée à un dipôle électrique orienté. Le potentiel d’action, une fois initié, a toujours la même amplitude et le même décours temporel. Tant que le seuil de dépolarisation n’est pas atteint, il n’y a aucune réponse. C’est la loi du tout ou rien. Par contre, si le seuil est atteint ou dépassé, la réponse est d’emblée maximale. La valeur informative du potentiel d’action n’est donc pas codée sur son amplitude mais sur sa fréquence : une dépolarisation plus importante (et supérieure au seuil) engendre une fréquence du potentiel d’action plus élevée. La transmission synaptique est basée sur des principes chimiques qui permettent de faire passer l’influx électrique d’un neurone à l’autre. Un potentiel d’action qui atteint une synapse engendre une libération de neurotransmetteurs à travers la fente synaptique

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qui sépare les deux neurones. Les trains d’ondes de dépolarisation supportés par des courants électrochimiques sont convertis en codage par concentration de neurotransmetteurs dans la fente synaptique. Ces molécules se diffusent jusqu’à la membrane post-synaptique et modifient sa perméabilité aux ions. Les neurotransmetteurs se fixent sur des récepteurs de la membrane synaptique. On assiste alors à une réponse physiologique locale appelée potentiel post-synaptique : (1) le Potentiel Post-post-synaptique Excitateur ou PPSE diminue la différence de potentiel entre les deux cotés de la membrane plasmique. Autrement dit le PPSE dépolarise localement la membrane. (2) Le Potentiel Post-synaptique Inhibiteur ou PPSI augmente la différence de potentiel. Il hyperpolarise la membrane.

L’événement post-synaptique est caractérisé par une durée de quelques dizaines de millisecondes. Cette propagation est relativement lente : le délai synaptique est de l’ordre de 0.5 ms soit une vitesse de 0.1 mm/s. D’un point de vue électrique, l’événement post-synaptique peut également être assimilé à un dipôle de courant.

b. Le dipôle de courant

Les potentiels mesurés en EEG peuvent être générés soit par les courants associés aux potentiels d’action, soit par les courants associés aux potentiels post-synaptiques, soit enfin par une combinaison des deux. Le signal EEG recueilli sur le scalp provient majoritairement de la contribution des potentiels post-synaptiques, beaucoup plus persistants que les potentiels d’actions. En effet, les potentiels d’action engendrent un champ électromagnétique qui décroît à une vitesse plus importante (1/distance3) par rapport aux potentiels post-synaptiques (1/distance2). De plus, les courants générés par une seule cellule ne sont pas mesurables sur le scalp. Par contre, l’activité d’un ensemble de cellules actives simultanément, dont le nombre est généralement estimé entre 107 et 109, peut être enregistrée (Mauguière & Fischer, 2007).

Ainsi, pour être observable et enregistré, le signal EEG nécessite une simultanéité de

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nombreuses activités cellulaires ce qui est beaucoup plus probable pour les événements post-synaptiques dont la durée de quelques dizaines de millisecondes dépasse largement celle d’un potentiel d’action qui ne dure qu’une ou deux millisecondes.

En plus d’une synchronisation temporelle, une synchronisation spatiale des événements post-synaptiques est nécessaire pour obtenir un phénomène mesurable sur le scalp. La distance entre l’électrode et la source du potentiel étant très grande par rapport à la taille des sources de courant, deux potentiels de part et d’autre d’une dendrite sont considérés comme provenant d’une même localisation. Ainsi, si ces deux potentiels sont opposés, il en résultera un courant nul alors que, s’ils vont dans la même direction, ceux-ci s’additionneront. En généralisant cet exemple, on observe que l’organisation d’ensembles neuronaux génère des lignes différentes de flux de courant.

Comme nous venons de l’aborder, la sommation des courants émis par les neurones ne peut donner une grandeur macroscopique que si elle se produit de façon additive. Ainsi les courants mis en synchronie, dans le temps et l’espace, d’assemblées de cellules ne peuvent provenir que des neurones des couches du cortex dont l’arborescence dendritique présente une architecture en colonne. Ces caractéristiques sont retrouvées au niveau des neurones pyramidaux dont les corps cellulaires sont situés dans la couche V du cortex.

Par ailleurs, les courants intracellulaires dits ‘sources’ ou ‘primaires’ sont à l’origine des champs électriques et magnétiques. Ils engendrent ensuite des courants extracellulaires dits secondaires ou volumiques qui maintiennent la conservation de la charge. Les lignes de courant ainsi formées se ferment après circulation dans le volume entier de la tête. Les différences de potentiels mesurées entre deux électrodes en EEG sont dues aux lignes de courants circulant à la surface du scalp, et donc aux courants volumiques (Baillet et al., 2001; Figure 20)

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c. L’orientation des sources

Les champs de potentiels résultent de l’activation de sources dipolaires corticales.

L’aspect de ces champs est fonction de l’orientation de cette source par rapport à la surface du cortex. Lorsque ce dipôle est perpendiculaire à la surface du scalp (source radiale), le champ de potentiel a une distribution concentrique centrée sur le maximum de la réponse. Lorsque le dipôle est tangentiel, le champ de potentiel résultant comporte un pôle négatif et un pôle positif séparés par une zone d’inversion. Tous les intermédiaires existent entre ces deux orientations (pour revue Mauguière & Fischer, 2007; Figure 20).

Figure 20 – A droite, représentation des courants primaires (en bleu) et secondaires (en rouge) au niveau de la macrocolonne de neurones pyramidaux. A gauche, définition des dipôles radiaux (en vert) et tangentiels (en violet). (Adaptée de Baillet et al., 2001).

Les dipôles dont la direction est radiale par rapport à la surface du crâne sont produits dans les gyri du cortex, alors que les dipôles de direction tangentielle sont émis dans les sillons.

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d. La polarité des signaux EEG

Dans le cas de synapses excitatrices situées dans les couches superficielles, l’électrode se trouve à proximité des courants entrants et la variation de potentiel sera donc négative. Si l’excitation synaptique se situe au niveau du corps cellulaire, alors l’électrode sera proche des courants sortants et l’onde sera positive. Dans le cas de synapses inhibitrices, ces phénomènes seront inversés comme illustré par la Figure 21. Ainsi, l’EEG seul ne permet pas de déterminer l’origine des mécanismes synaptiques, car les synapses inhibitrices profondes produisent la même polarité que les synapses excitatrices superficielles.

Figure 21 – Relation entre la polarité du potentiel de surface et le site du potentiel post-synaptique. (Adaptée de Olejniczak, 2006).

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Selon ce modèle de dipôle, la polarité des ondes EEG de surface dépend de la localisation des synapses actives (couches profondes ou superficielles). Par convention, une déflection du potentiel de surface vers le « haut » représentera un potentiel négatif et une déflection vers le « bas » un potentiel positif.