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CADRE THEORIQUE

2. La maturation cérébrale au cours de l’adolescence

a. Les changements structuraux et anatomiques

L’idée d’une maturation cérébrale tardive au moment de l’adolescence est largement étayée par le bond des explorations cérébrales qui se sont développées au cours de ces dernières années (Casey et al., 2005; Paus, 2005a; Blakemore & Choudhury, 2006; Luna et al., 2010). Les techniques d’imagerie cérébrale utilisées reposent principalement sur l’imagerie par résonnance magnétique (IRM)3.

Au cours du développement, deux principaux changements anatomiques sont observés dans le cerveau, le premier concerne la substance blanche, principalement composée d’axones

3 L’IRM anatomique permet de faire la distinction entre les différents tissus cérébraux – substance grise, substance blanche, liquide céphalorachidien. L’imagerie par tenseur de diffusion (DTI), basée sur l’étude de la diffusion des molécules d’eau, permet d’étudier indirectement la direction et la cohérence des fibres blanches, la microstructure de la matière blanche, les molécules d’eau ayant tendance à diffuser parallèlement aux fibres.

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et de myéline; le second concerne la substance grise, composée des corps cellulaires des neurones et de leurs arborisations dendritiques. Ces modifications au cours de l’adolescence seraient dépendantes de facteurs génétiques et épigénétiques mais également des interactions gènes-environnement (Paus, 2013). Cette multitude de facteurs intervenant au cours de l’adolescence explique les différences interindividuelles (pour revue Blakemore, 2012).

Les modifications de la substance blanche

Les premières études IRM sur le développement du cerveau, de la naissance jusque chez le jeune adulte, ont clairement montré une augmentation du volume global et régional de la matière blanche liée à l’âge (pour revue Paus, 2010). De façon plus précise, cette augmentation, bien que linéaire, aurait une trajectoire d’évolution spécifique pour les quatre lobes (Giedd et al., 1999; Giedd, 2004; Perrin et al., 2008). La trajectoire d’évolution se ferait selon un axe rostro-caudal, avec une maturation plus précoce des régions antérieures durant l’enfance et de façon plus tardive des régions caudales au cours de l’adolescence (Thompson et al., 2000; Giedd, 2004). Une augmentation du volume et de la densité de la matière blanche est aussi reportée pour le tractus cortico-spinal (Paus et al., 1999; Barnea-Goraly et al., 2005), et le corps calleux (Barnea-Goraly et al., 2005). Cette augmentation diffère entre les sexes au cours de l’adolescence, les garçons montrant une augmentation liée à l’âge plus rapide que les filles (Perrin et al., 2008, 2009).

Les processus sous-tendant l’augmentation de matière blanche auraient pour origine une réorganisation des tractus de matière blanche. Ils pourraient soit être attribués à une myélinisation progressive des axones – observée grâce à des études histologiques – (Yakovlev

& Lecours, 1967; Bernes & Kaplan, 1994) soit directement à une modification des axones – calibre, cytosquelette et transport axonal – (Paus, 2010). Récemment, Paus (2010) a montré que l’ensemble de ces deux facteurs aurait une grande influence sur les modifications de matière blanche survenant au cours de l’adolescence.

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Il est intéressant de noter que les trajectoires développementales de la matière blanche diffèrent en fonction des mesures de puberté (pour revue Blakemore et al., 2010; Lenroot &

Giedd, 2010). En effet, de nombreuses études apportent la preuve que les hormones gonadotrophiques et gonadales influencent le développement structural du cerveau. Peper &

collaborateurs (2009) rapportent une relation positive entre la concentration de LH et la densité de matière blanche à l’âge de 9 ans, cette relation ne diffère pas entre les sexes. Perrin &

collaborateurs (2009, 2008) rapportent également que les variations dans le développement de la trajectoire de la matière blanche chez les garçons sont reliées au niveau d’expression du gène codant pour un récepteur à la testostérone, suggérant que la testostérone pourrait être responsable du dimorphisme sexuel observé en fonction de l’âge.

Les modifications de la substance grise

Alors que l’évolution de la matière blanche au cours de l’adolescence suit un décours linéaire, le changement de la matière grise semble suivre, quant à lui, un patron non-linéaire et variable d’une région à l’autre (Giedd et al., 1999; Sowell & Thompson, 1999; pour revue Blakemore, 2008; Shaw et al., 2008; Tamnes et al., 2010). Le développement de la matière grise est conforme à une trajectoire développementale en forme de U-inversé, avec au départ une augmentation de volume durant l’enfance atteignant un pic au moment de l’adolescence puis suivi d’une diminution régulière chez le jeune adulte (Sowell et al., 2003, 2004; Giedd, 2004; Gogtay et al., 2004).

Giedd & collaborateurs (1999) ont réalisé une étude longitudinale sur 145 filles et garçons sains d’une tranche d’âge répartie entre 4 et 22 ans. Ils ont montré que le volume de matière grise dans le lobe frontal augmente durant la période pré-pubère avec un pic survenant autour de l’âge de 12 ans pour les garçons et de 11 ans pour les filles. Il s’en suit une diminution après l’adolescence. De manière similaire, une augmentation de la matière grise dans le lobe pariétal atteint son maximum à l’âge de 12 ans pour les garçons et vers 10 ans

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pour les filles. Le développement de la matière grise dans le lobe temporal est aussi non-linéaire mais le pic est atteint bien plus tard, autour de 17 ans. Dans le lobe occipital, l’évolution est linéaire. Ces résultats n’ont pas été clairement répliqués par les études suivantes (Shaw et al., 2008; Tamnes et al., 2010). Sowell & collaborateurs (2001) ont montré l’occurrence d’un pic d’accélération de perte de matière grise entre l’enfance et l’adolescence dans le cortex préfrontal dorsal et le cortex pariétal. Dans les régions frontales, la diminution de la densité de matière grise est plus prononcée entre l’adolescence et l’âge adulte.

Plus récemment, une étude longitudinale a quantifié le développement cortical en mesurant la densité de la matière grise dans chaque lobe (Gogtay et al., 2004). La maturation du lobe frontal progresse dans une direction d’arrière en avant, débutant dans le cortex moteur primaire (le gyrus precentral) et s’étendant de manière antérieure au dessus des gyri frontaux supérieur et inférieur, le cortex préfrontal se développant en dernier. Dans la moitié postérieure du cerveau, la maturation commence dans l’aire sensorielle primaire, s’étendant latéralement au reste du lobe pariétal. De façon similaire au lobe frontal, le pôle occipital mature d’abord.

Le lobe temporal est le dernier à se développer.

Les études histologiques ont montré une évolution de la matière grise en forme de U-inversé (Huttenlocher, 1979). Ce patron particulier serait la conséquence du développement de l’arborescence dendritique, qui débuterait avec une synaptogénése accrue durant l’enfance suivie d’un élagage synaptique important au cours de l’adolescence (Giedd et al., 1999). A titre d’exemple, il existe une prolifération des synapses dans le cortex frontal pendant l'enfance et la puberté, suivie d'une phase de plateau, puis d’une élimination et d’une réorganisation des connections synaptiques jusqu'à la fin de l’adolescence (pour revue Blakemore & Choudhury, 2006).

Comme nous l’avons vu pour les modifications de la matière blanche, une relation importante existerait entre le développement structural de la matière grise et la puberté (pour revue Blakemore et al., 2010; Lenroot & Giedd, 2010), expliquant ainsi les différences de

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genre observées (Giedd et al., 1999). En effet, Peper & collaborateurs (2009) ont mis en évidence une association positive entre le niveau de testostérone et la densité globale de la matière grise chez les garçons (et non chez les filles), alors que les filles montrent une association négative entre le niveau d’oestradiol et de la densité aussi bien globale que régionale de la matière grise.

Le processus de gyrification

Le développement de la gyrification débute avant la naissance (Chi et al., 1977; Zilles et al., 1997), et se poursuit tout au long du processus de développement cérébral. Puisque la matière grise forme une couche externe autour du cerveau, le processus de gyrification résulte en une augmentation drastique de la surface corticale, et par conséquent du volume cortical de matière grise. Jusqu’à présent, peu d’études se sont intéressées au développement de la complexité de la surface corticale chez les enfants et les adolescents sains. De plus, ces études présentent des résultats contradictoires. Après l’âge de 18 ans, il a déjà été démontré que des changements dans la courbure de la surface survenaient, affectant à la fois les gyri et les sulci (Magnotta et al., 1999). Les sulci ont tendance à être moins courbés en devenant plus larges, alors que les gyri augmentent leurs courbures pour être plus en forme de pointe, suggérant que la diminution de matière grise modifierait la morphologie de la surface corticale (pour revue White et al., 2010). L’étude de la topographie de la fissure de Sylvius fait date et montre une augmentation de la complexité de la surface corticale dans les régions préfrontales entre les âges de 6 et 16 ans (Blanton et al., 2001), avec une transition importante au cours du milieu de l’adolescence. Pour ces auteurs, ces modifications seraient dues aux processus de myélinisation qui surviennent au cours de l’adolescence. Or, les processus d’élagage synaptique et de modification de l’arborisation dendritique pourraient aboutir à une altération de la morphologie de la surface corticale du cerveau (White et al., 2010; Su et al., 2013). Su & collaborateurs (2013) ont d’ailleurs démontré une diminution progressive de la complexité de la surface du

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cerveau pendant toute l’enfance et l’adolescence. Ces changements se produiraient plus tôt dans le lobe occipital et évolueraient de l’arrière vers l’avant à mesure que les enfants progressent vers l’âge adulte. Les conséquences fonctionnelles des changements développementaux dans la gyrification n’ont pas encore été explorées.

Concernant les différences de genre dans la gyrification, plusieurs résultats contradictoires sont mis en avant. Les études post-mortem ne montrent aucune différence (Zilles et al., 1988) alors que les études en IRM montrent que les femmes ont une complexité corticale plus grande (Luders et al., 2004). Puisque les femmes ont en moyenne un cerveau plus petit (Nopoulos et al., 2000), une gyrification plus grande peut produire un cerveau avec des capacités équivalentes (Luders et al., 2004).

L’évolution des structures sous-corticales : les boucles cortico-thalamo-corticales Bien que moins d’attention ait été accordée aux régions sous corticales dans l’étude de leurs changements structuraux avec l’âge, une des plus grandes illustrations du développement du cerveau survenant à travers le développement peut être observée, en particulier dans les ganglions de la base (Sowell & Thompson, 1999; Sowell & Trauner, 2002). En effet, le noyau caudé, le noyau lenticulaire et le thalamus montrent une modification liée à l’âge (Sowell &

Thompson, 1999; Sowell & Trauner, 2002), et de façon plus marquée chez les garçons (Giedd et al., 1999; Lenroot & Giedd, 2010). Récemment, Madsen & collaborateurs (2011) ont identifié la nature des changements qui survenaient dans le neostriatum durant le développement. Il s’agirait d’une maturation de la matière blanche et grise comprenant des changements dans la microstructure4 des réseaux neuronaux. Ces modifications seraient corrélées avec la variabilité dans la performance motrice lors d’une tâche visuo-spatiale de temps de réaction de choix (Madsen et al., 2011). Sowell & collaborateurs (1999) avait déjà

4 La microstructure des réseaux neuronaux comprend la densité cellulaire, l’arborisation axonale et dendritique et/ou la myelinisaton.

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suggéré que le développement des régions sous-corticales et en particulier les connections avec le cortex frontal étaient en lien avec un meilleur contrôle cognitif.

b. Maturation des activités électrophysiologiques au cours du développement

Un autre moyen d’appréhender la maturation cérébrale au cours de l’adolescence est d’employer l’électroencéphalographie (EEG), en étudiant la maturation des rythmes corticaux.

Les rythmes corticaux sont des activités oscillatoires5 qui sont caractérisées par leurs fréquences, leurs localisations et leurs réactivités (Niedermeyer & Lopes da Silva, 2005). Plus de détails sur les aspects théoriques et méthodologiques de l’EEG seront abordés dans la section « Aspects méthodologiques ».

Dès les premiers enregistrements en EEG réalisés par Hans Berger en 1929, les méthodes d’analyse visuelle ont permis de mettre en évidence une maturation de l’EEG depuis la naissance jusqu’à l’âge adulte (Lindsley, 1939; Eeg-Olofsson, 1970; pour revue Petersén &

Eeg-Olofsson, 1971). Au cours de l’enfance et de l’adolescence (de 5 à 15 ans), l’analyse du tracé de repos révèle la présence en majorité du rythme alpha, localisé au niveau des régions occipitales (Samson-Dollfus et al., 1997). Sa fréquence augmente beaucoup jusqu’à l’âge de 10 ou 11 ans puis faiblement jusqu’à l’âge de 15 ans. L’amplitude et l’abondance du rythme alpha sont très variables d’un enfant à l’autre. Le rythme thêta est très présent dans les régions occipitales vers l’âge de 6 ans. Lorsque l’alpha est de faible amplitude, le thêta prend en partie la place de l’alpha (Samson-Dollfus et al., 1997). L’évolution des rythmes thêta est la suivante : ceux-ci réagissent à l’ouverture des yeux comme l’alpha, cette réactivité disparaît progressivement. Ils diminuent en abondance dans les régions postérieures, mais aussi dans les

5 Les activités oscillatoires comprennent plusieurs rythmes qui sont le rythme delta, thêta, alpha, bêta et gamma.

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régions antérieures. Les oscillations thêta, présentes dans les régions occipitales, persistent jusque vers l’âge de 9-10 ans. Elles deviennent progressivement de faible amplitudes et irrégulières et ne sont plus modifiées par l’ouverture des yeux même sur les régions occipitales.

Les rythmes delta n’existent pas au repos chez l’enfant sain.

En utilisant des méthodes quantitatives plus précises, ces résultats ont été répliqués et révèlent une maturation des rythmes corticaux à travers l’enfance et qui se poursuit durant l’adolescence (Matousek & Petersen, 1973; Petersen, 1975; Alvarez Amador et al., 1989). Peu d’études se sont intéressées spécifiquement à la maturation de l’EEG chez l’adolescent (Eeg-Olofsson, 1970; Gasser, Verleger, et al., 1988; Cragg et al., 2011a), bien qu’un patron caractéristique de l’activité spontanée de l’EEG au cours du développement ait été reporté dans de nombreuses études (Petersén & Eeg-Olofsson, 1971; Matousek & Petersen, 1973; Petersen, 1975; Matsuura et al., 1985; Dustman et al., 1999; Whitford et al., 2007). En général, le patron classique de maturation de l’EEG au cours de l’enfance et l’adolescence implique une baisse de la puissance totale, une baisse de la puissance absolue dans toutes les bandes de fréquence particulièrement dans les rythmes lents (delta et thêta) et une redistribution de la puissance relative avec l’âge (Clarke et al., 2001; Cragg et al., 2011a). Cette maturation se produit plus rapidement dans les régions postérieures que dans les régions frontales (Niedermeyer & Lopes da Silva, 2005; Whitford et al., 2007).

Une étude longitudinale étudiant la transition entre l’enfance et l’adolescence (sujets âgés de 10 ans, enregistrés deux fois à 18 mois d’intervalles) a exploré la maturation des rythmes corticaux en s’intéressant au pic de fréquence et à la composition du spectre EEG (Cragg et al., 2011a). Les résultats montrent une réduction de la puissance absolue du rythme delta et thêta à travers tout le scalp alors que les augmentations dans la bande de fréquence du rythme alpha et bêta sont plus localisées, respectivement au niveau des régions postérieures et des régions centrales. De plus, une modification du pic de fréquence du rythme alpha est reportée, augmentant de 9,71 Hz à 10,1 Hz entre l’âge de 10 et 13 ans. L’amplitude du pic de

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fréquence augmente aussi entre l’âge de 10 ans et de 11,5 ans. Ainsi, l’augmentation développementale de la puissance de l’alpha serait le reflet des modifications du pic de fréquence dans l’alpha (Somsen et al., 1997; Cragg et al., 2011a). Cette maturation du rythme alpha ne serait pas encore complète à l’âge de 16 ans (Marcuse et al., 2008).

De nombreuses études ont examiné si les changements dans la puissance de l’EEG se développent différemment chez les filles et les garçons ; les résultats divergent. Certaines études n’ont reporté aucune différence de genre (Matousek & Petersen, 1973; Gasser, Jennen-Steinmetz, et al., 1988; Gasser, Verleger, et al., 1988), alors que d’autres ont suggéré que la puissance de l’EEG mature de façon plus précoce chez les garçons, reflétée par un alpha supérieur et un rapport delta/thêta inférieur durant l’enfance (Matthis et al., 1980; Harmony et al., 1990; Clarke et al., 2001). Récemment, Cragg & collaborateurs (2011) ont montré une puissance relative et absolue de l’alpha (haut et bas) plus importante chez les garçons. Des différences dans les bandes de fréquences de gamma entre les filles et les garçons sont aussi observées (Cragg et al., 2011). De plus, la puissance de l’EEG mature plus précocement chez les garçons comparés aux filles durant l’enfance, les filles rattraperaient leurs retards au cours de l’adolescence (Matthis et al., 1980; Harmony et al., 1990; Clarke et al., 2001; Cragg et al., 2011a).

Sachant que l’évolution des changements structuraux peut être soit linéaire soit non-linéaire, il est intéressant d’étudier la dynamique des changements fréquentiels dans le signal EEG au cours du développement. En utilisant des corrélations ou des régressions polynomiales avec l’âge, plusieurs études ont montré une continuité dans ces changements (Matousek &

Petersen, 1973; Matthis et al., 1980; Gasser, Jennen-Steinmetz, et al., 1988; Gasser, Verleger, et al., 1988; Alvarez Amador et al., 1989). Ainsi, le développement normal du contenu fréquentiel de l’EEG peut être décrit par une fonction linéaire décroissante pour les basses fréquences et croissante pour les hautes fréquences. En revanche, d’autres auteurs ont suggéré une discontinuité dans les modifications de l’EEG avec des pics approximativement autour des

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âges de 6, 10 et 14 ans (Epstein, 1980; Hudspeth & Pribram, 1990; Thatcher, 1991). Ces deux hypothèses ne sont pas incompatibles puisqu’il apparaît que les deux types de patrons surviendraient au cours de l’enfance et de l’adolescence (Somsen et al., 1997).

c. Liens et implications fonctionnelles dans le développement cognitif de l’adolescent

Comme nous l’avons vu précédemment, le développement du cerveau au cours de l’adolescence est caractérisé par des modifications à la fois structurales et électro- physiologiques. Plusieurs études se sont intéressées aux implications fonctionnelles des changements structuraux observés au cours de l’adolescence (pour revue Casey et al., 2005).

En effet, il existe des corrélations entre les modifications structurales (volume de matière grise) et les changements fonctionnels (signal BOLD6) chez un même individu (pour revue Blakemore et al., 2010). Parallèlement, la maturation électrophysiologique semble coïncider avec les modifications anatomiques (pour revue Segalowitz et al., 2010). En effet, les changements reportés en EEG au cours du développement seraient influencés par de multiples facteurs tels que les changements dans la densité neuronale et l’épaisseur corticale (Rabinowicz et al., 1977) ainsi que par des changements au niveau du taux de neurotransmetteurs, qui influencent les capacités et les fonctions cognitives (Nieoullon, 2002). Récemment, Withford

& collaborateurs (2007) ont directement confirmé les relations entre les changements cérébraux anatomiques et électrophysiologiques survenant pendant l’adolescence. Ces auteurs montrent que la diminution de la puissance de l’EEG avec l'âge coïnciderait avec la réduction du volume de matière grise dans le cortex frontal et pariétal, en particulier pour les plus basses fréquences (0.5 - 7.5 Hz). La perte de matière grise permettrait une efficacité accrue des

6 Le signal BOLD (‘Blood Oxygenation Level Dependant’) correspond aux variations locales et transitoires de la quantité d’oxygène transporté par l’hémoglobine en fonction de l’activité neuronale du cerveau.

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circuits synaptiques restants (Casey et al., 2005; Blakemore & Choudhury, 2006) et participerait aux réglages fins des réseaux fonctionnels. Ainsi, il apparaît que ces modifications structurales auraient un impact crucial sur l’organisation des circuits neuronaux corticaux (Casey et al., 2005; Uhlhaas et al., 2010).

L’enfance et l’adolescence sont marquées par la progression dans de multiples domaines tels que les fonctions exécutives, la cognition sociale, la prise de décision, la conceptualisation du langage… (pour revues : Spear, 2000; Fuster, 2002; Casey et al., 2005;

Blakemore & Choudhury, 2006; Blakemore et al., 2010). De nombreuses études ont mis en évidence un lien entre le développement cérébral et les progrès du développement cognitif (Paus, 2005; Blakemore & Choudhury, 2006; Durston & Casey, 2006; Blakemore et al., 2010;

Blakemore, 2012). En effet, il est intéressant de noter que la séquence de maturation observée en particulier au niveau de la substance grise serait conforme aux étapes du développement fonctionnel et cognitif de l’enfant et de l’adolescent (Gogtay et al., 2004). Les premières régions à devenir matures correspondent à celles dédiées aux fonctions les plus fondamentales, traitant les informations sensorielles et le mouvement. Les régions impliquées dans l'orientation spatiale et le langage (lobes pariétaux) deviennent matures autour de l'âge de la puberté (11-13 ans). Enfin, les régions dédiées aux fonctions plus évoluées – l’attention, la coordination motrice, les fonctions exécutives (par exemple cortex préfrontal) – sont les dernières à devenir fonctionnelles, à la fin de l’adolescence. De plus, un développement cérébral anormal au cours de l’adolescence pourrait être à l’origine de nombreuses pathologies, qui se mettent en place au cours de cette période cruciale, telles que la schizophrénie (Uhlhaas

& Singer, 2010).

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Chapitre 1 : Adolescence : quand la puberté conduit à la maturation