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CADRE THEORIQUE

2. Apprentissage moteur durant l’ontogenèse

L’expérience de l’action et la construction du répertoire moteur au cours du développement se réfèrent à une accumulation à long-terme d’expertises ou habilités motrices ou bien encore à court terme d’expériences motrices. Ainsi, dans le but d’obtenir de nouvelles capacités, apprendre tient une place préférentielle dans la vie des enfants, bien plus que chez l’adulte.

a. Développement et apprentissage : de grandes similitudes

Dans la mesure où l’on considère de plus en plus qu’apprentissage et développement sont des processus similaires et inséparables dans le domaine des acquisitions cognitives (Siegler, 2000) et motrices (Newell & van Emmerik, 1989; Thelen et al., 1992), le champ d’études que représente les processus d’apprentissage constitue un enjeu majeur. En effet, on retrouve des constantes dans l’organisation d’une habileté motrice, lorsque l’on compare son acquisition d’un point de vue ontogénétique ou d’un point de vue d’expertise chez l’adulte (Newell, 1995). Un certain nombre d’auteurs (Bernstein, 1967; Newell & van Emmerik, 1989;

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Schneider et al., 1989; Thelen et al., 1992) font également l’hypothèse que l’acquisition d’une habileté sensori-motrice au cours de l’enfance suit une progression similaire à celle de l’apprentissage d’une nouvelle habileté chez l’adulte. Néanmoins, jusqu’à présent, peu d’études ont cherché à évaluer directement, chez des enfants et des adolescents, les capacités d’apprentissage de nouvelles habilités motrices non présentes dans le répertoire moteur à l’âge adulte.

Habilités motrices

Quelques études développementales se sont focalisées sur l’acquisition d’habilités motrices basiques, tel que le pointage (Badan et al., 2000; Ferrel et al., 2001), ou encore l’atteinte de cible (Kuhtz-Buschbeck et al., 1998; Takahashi et al., 2003). Ensemble, ces études indiquent qu’avec l’âge, les habilités motrices simples sont réalisées avec de plus en plus de dextérité et moins de variabilité mais également avec une précision et une vitesse augmentées.

D’autres études se sont focalisées sur des habilités plus complexes tel que l’apprentissage d’une séquence de mouvements des doigts (Meulemans et al., 1998; Badan et al., 2000; De Guise & Lassonde, 2001; Ferrel et al., 2001; Thomas & Nelson, 2001; Thomas et al., 2004).

Avec la pratique, il apparaît une augmentation significative de la performance au cours du premier jour d’entraînement à tous les âges, associé à une augmentation dans la précision et une diminution du temps de réaction. Ces résultats sont également rapportés à la suite de plusieurs jours de pratique (Savion-Lemieux et al., 2009).

Habilités motrices et contrôle postural

Lors de l’émergence d’un contrôle postural associé à l’apprentissage d’une habileté motrice, le SNC utilise dans un premier temps les forces passives, jusqu’à organiser le pattern spatio-temporel le mieux adapté aux contraintes imposées par la tâche. En effet, dans un premier temps, les mouvements subissent une dynamique passive inter-segmentaire

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incontrôlable, qui conduit à un mouvement inefficace et à une faible stabilisation posturale.

Dans un second temps, les sujets apprennent à supprimer les effets perturbateurs de la dynamique passive par un contrôle musculaire actif. Ce contrôle musculaire actif se traduit initialement par une augmentation de la raideur articulaire (Biryukova et al., 1999) accompagnée d’une co-contraction musculaire, qui est typiquement un patron immature retrouvé au début de chaque nouvelle acquisition de l’enfant (Gachoud et al., 1983; Forssberg, 1985; Assaiante & Amblard, 1995; Konczak et al., 1995). Plus tard, une activation sélective des muscles neutralise spécifiquement les couples de forces perturbatrices. Enfin, la dynamique passive inhérente au mouvement est utilisée de façon à réduire la quantité de contrôle musculaire actif, et ainsi limiter le coût en énergie métabolique nécessaire pour réaliser l’habileté (Scholz & Schöner, 1999). Ainsi, dans une perspective d’économie d’énergie, l’émergence d’un contrôle postural associé à une nouvelle habilité motrice peut s’exprimer sous forme du patron électromyographique le moins coûteux entre deux muscles antagonistes, ou bien de synergies et de stratégies musculaires lorsque plusieurs segments sont considérés (Massion, 1994).

Le cas de la tâche bimanuelle de délestage

L’acquisition d’un nouveau contrôle postural au cours de la tâche bimanuelle de délestage a été étudié chez des enfants âgés de 5 à 8 ans (Schmitz & Assaiante, 2002). De façon intéressante, Schmitz & Asssaiante (2002) rapportent une séquence développementale caractérisée par une nette différence des capacités d’apprentissage de l’anticipation posturale d’une part entre les enfants et les adultes et plus précisément entre les groupes de 5/6 ans et 7/8 ans, suggérant encore une fois une transition fonctionnelle entre 6 et 7 ans, comme lors de l’acquisition des APAs au cours de l’enfance (Schmitz et al., 2002).

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b. Les théories de l’apprentissage moteur au cours de l’ontogenèse Toutes les théories sous-jacentes à l’apprentissage chez les enfants reposent sur l’implication de différents processus qui opèrent en parallèle, permettant des modifications aussi bien quantitatives que qualitatives (Siegler, 2000). Trois principes de base sont énoncés par Siegler (2000): (1) les enfants utilisent une variété de stratégies plutôt qu’une seule pour résoudre un problème donné ; (2) les diverses stratégies coexistent à travers une période de temps prolongée et non juste au cours des périodes de transitions ; (3) l’expérience apporte des changements dans la confiance relative des stratégies existantes. Toujours selon le même auteur, le processus opèrerait selon quatre dimensions : (1) l’acquisition d’une nouvelle stratégie, impliquant un ensemble de processus associatifs et métacognitifs et également un ensemble de processus conscients et inconscients, (2) l’utilisation plus fréquente de la stratégie la plus effective parmi l’ensemble des possibilités existantes, (3) le choix de plus en plus adaptatif parmi les stratégies alternatives, (4) l’exécution de plus en plus efficace des approches alternatives (pour revue Siegler, 2000).

Par ailleurs, la littérature développementale sur l’apprentissage de séquence motrice fait également souvent référence à la théorie de Reber, appelée « la théorie d’invariance » (Reber, 1993), qui suggère que l’apprentissage implicite se développe précocement et est relativement invariable au cours de l’enfance alors que l’apprentissage explicite montre de plus en plus de changements au cours du temps. D’après Reber, l’apprentissage implicite serait favorisé par une évolution plus précoce des régions sous-corticales qui deviennent matures plus précocement alors que l’apprentissage explicite impliquerait plus les régions corticales, qui continuent leur maturation au cours de l’ontogenèse.

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