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La mutualisation : réciprocité et solidarité

Dans le document Td corrigé Synthèse - HAL-SHS pdf (Page 118-121)

2. Les spécificités : l’unité du champ

2.4. La mutualisation : réciprocité et solidarité

Le terme de mutualisation est souvent entendu selon deux significations distinctes : l’échange mutuel qui suppose la réciprocité entre les co-échangistes ; la redistribution qui suppose une solidarité du plus fort au plus faible ; en sachant que le terme d’entraide pourrait être un intermédiaire entre les deux fonctions.

L’importance de la mutualisation dépend du degré de l’interdépendance et de la construction de la relation entre intérêts individuels et intérêt collectif :

Les associations d’habitants opèrent un certain passage entre intérêts individuels et intérêt collectif tout en répondant à des intérêts individuels : la régie de quartier a pour objet l’intérêt du quartier, mais cela passe aussi par l’insertion individuelle d’habitants - salariés ; le groupe de femmes répond d’abord à des besoins individuels de rencontre, de sortie… mais contribue à constituer un collectif qui a sa propre dynamique.

Dans les organisations culturelles, l’intérêt individuel de l’artiste ne peut être satisfait que par l’engagement dans le travail collectif : l’association de peintres amateurs a pour but de satisfaire les intérêts individuels des peintres qui cherchent à exposer leurs œuvres, mais elles présentent aussi un intérêt pour la collectivité locale, qui explique la mise à disposition gratuite d’une salle d’exposition ; les collectifs de création artistique utilisent l’animation et la diffusion pour exprimer et produire l’œuvre collective.

Dans les SCOP, l’intérêt professionnel des salariés ne s’exprime que dans l’entreprise collective, qui non seulement valorise le travail individuel mais se reproduit grâce à la « force collective du travail ».

La mutualisation s’opère donc à plusieurs niveaux : entre membres sur une base territoriale et/ou professionnelle ; avec et par des tiers Elle concerne à la fois la prise de risques partagés pour faire accéder à la fonction d’entrepreneur collectif ; le partage des ressources, des compétences, du temps et des productivités, ainsi que des revenus.

La mutualisation des risques

L’association et la coopération sont principalement choisies pour leur fonction d’intermédiaire collectif (en remplacement des intermédiaires « parasites » que serait l’entrepreneur capitaliste ou le marchand) face à la difficulté de la prise de risque individuel et la précarité croissante, et à la volonté de conserver la maîtrise de ses implications.

En effet, alors que l’affaiblissement des solidarités antérieures (familiales comme étatiques) tend à reporter le risque directement sur les individus, ces organisations collectives prennent en charge le risque, en assumant une certaine flexibilité à la place de l’individu tout en cherchant à le responsabiliser. Ainsi celui-ci peut accéder au partage de la fonction d’entrepreneur, là où il n’aurait jamais pu se constituer en entrepreneur individuel.

Dans les associations d’habitants, il s’agit de prendre le risque du passage de l’espace privé à l’espace public : pour le groupe de femmes, c’est la sortie du cercle familial et l’organisation d’activités extérieures ; pour l’association du cadre de vie, c’est la conception collective du quartier au-delà de l’habitat individuel pour améliorer les conditions de vie; pour le réseau santé, c’est l’approche

« communautaire » de la santé individuelle pour ne pas se laisser déposséder par le système de soins ; l’intégration d’emplois aidés permet de mutualiser le risque chômage en s’adossant à la solidarité nationale…

Dans les associations culturelles ; il s’agit du risque de la valorisation des talents individuels : que ce soit la production d’amateurs ou la création par des professionnels, afin d’une part de ne pas laisser des talents en jachère, d’autre part de ne pas être dépossédé par l’industrie culturelle. La création de l’organisation apparaît alors comme un moyen de maîtriser l’activité. Il s’agit également du risque de l’activité professionnelle, qui est mutualisé dans l’association tout en s’adossant sur la solidarité des salariés (statut d’intermittent).

Dans les SCOP, la mise en commun concerne également le risque professionnel, auquel s’ajoute le risque financier de l’apport en capital : la mise en commun des outils de travail et des marchés permet non seulement des les élargir mais aussi de conserver la maîtrise de son métier.

Les individus transfèrent alors à l’organisation leurs rapports aux instances publiques et aux marchés : les associations d’habitants les représentent auprès des autorités locales et les font accèder à des ressources inaccessibles individuellement ; les collectifs d’artistes négocient avec les administrations culturelles ; les SCOP construisent les réseaux de clientèle au-delà d’une clientèle artisanale.

Toutefois, la question de cette mutualisation est particulièrement sensible lorsque l’association ou la coopérative se trouve confrontée à un choix restreint, dans une situation de rareté, qui l’oblige à déterminer quels seront les participants à une activité, quels seront les artistes mobilisés sur un spectacle, ou bien quels seront les salariés qui échapperont aux licenciements.

La mutualisation des ressources

Les premières ressources mises en commun sont d’abord non monétaires ; ce sont des apports en nature par les membres eux-mêmes ; progressivement l’organisation produit ses propres ressources qui deviennent collectives. Ainsi, une association de valorisation du patrimoine cinématographique a fortement bénéficié de l’apport de ses fondateurs qui sont des professionnels du cinéma, les compagnies de théâtre vont d’abord s’appuyer sur des moyens fournis par leurs membres (prêts d’outils informatiques, siège social au domicile du président…).

L’organisation peut être aussi un moyen de mutualiser un réseau pour permettre la diffusion : c’est la stratégie poursuivie par une compagnie, où les deux cofondateurs avaient des réseaux distincts mais complémentaires (réseau des scènes de spectacles pour le metteur en scène, réseau de comédiens pour l’autre).

La mutualisation des compétences et des temps

Les petites associations mutualisent principalement, mais non exclusivement, des moyens non matériels : des compétences et du temps, le plus souvent bénévole. Cette mise en commun a pour conséquence la création de deux catégories de membres : ceux qui s’investissent – « membres actifs » et les autres qui peuvent être qualifiés « d’adhérents simples ». Ainsi, on peut dire que la solidarité s’inscrit au cœur même de cette démarche associative, mais elle ne devient pas une finalité de l’action et, pour la plupart de ces associations, la solidarité n’est qu’une conséquence de l’action et non l’objectif recherché (contrairement aux associations d’entraide ou d’échange et aux associations caritatives).

L’organisation culturelle est également le lieu d’un partage des compétences entre les différents acteurs : Cette mutualisation des compétences peut se baser sur la mutualisation du temps de travail entre bénévoles et salariés Elle permet également la formation de nouveaux professionnels, d’autant plus que ce champ manque fortement de lieu de formation (la mutualisation de la formation qualifiante au sein du GEIQ est un exemple d’externalisation de ce processus de formation mutuelle).

La SCOP est également le lieu d’expression et de mutualisation d’expériences professionnelles et gestionnaires diverses ; non seulement les fonctions de direction sont la plupart du temps bénévoles, mais il existe en leur sein une forte tradition de « compagnonnage » professionnelle, complétée par une transmission de savoirs en gestion.

Les conseils d’administration, plus rarement les assemblées générales, sont en effet des lieux privilégiés de transmission et d’acquisition de compétences gestionnaires et stratégiques.

La mutualisation des productivités et des revenus

Dans les associations d’habitants, la faible part du salariat (et leur financement principalement sur fonds publics) réduit la mutualisation des productivités à celles des bénévoles. Par contre, une certaine mutualisation peut s’opérer entre usagers lorsque les tarifs d’accès au service sont modulés suivant la catégorie de l’usager ou selon son revenu.

Dans les associations et coopératives faisant appel aux salariés, la mutualisation des productivités se traduit dans l’écrasement de la hiérarchie des salaires (parfois allant jusqu’à la stricte égalité) qui ne reflète plus les différences de qualifications reconnues sur le marché du travail. Dans les coopératives, cette mutualisation existe également dans le partage des excédents, quand il ne dépend pas uniquement de la quantité de travail et surtout du montant des rémunérations.

La solidarité externe

Les associations sont également prises dans des circuits de solidarisation externe : nous l’avons vu avec l’emploi des contrats aidés et l’accès à des subventions publiques. Elles participent également à d’autres formes de solidarité sur un territoire, comme le montre le Sou des Ecoles, mais aussi les différentes relations associatives ; par contre elles sont peu associées dans des réseaux nationaux (hormis les parents d’élèves et le cadre de vie).

A l’inverse, les associations culturelles et les SCOP participent plus particulièrement à des réseaux de solidarité professionnelle : union coopérative ou union professionnelle, réseaux fédératifs ou syndicaux dans la culture…

Par contre, les formes de solidarité, hors territoire d’une part, hors secteur d’activité d’autre part, sont relativement rares : généralement ponctuelles en fonction d’un événement extérieur dramatique (solidarité avec l’Algérie par exemple).

Dans le document Td corrigé Synthèse - HAL-SHS pdf (Page 118-121)