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CHAPITRE 2. CADRE THÉORIQUE

2.2. La motivation à l’apprentissage des mathématiques

2.2.1. La motivation selon l’approche sociocognitive

Dans la section précédente, nous avons défini le cadre conceptuel qui répond fondamentalement à la question de savoir « comment est-ce qu’on apprend? » en contexte académique une discipline scientifique comme les mathématiques. Notre problème de recherche nous impose d’explorer l’évolution des approches de la motivation afin de mieux comprendre pourquoi nos étudiants ne semblent pas être motivés en situation d’apprentissage. Dans ces conditions, il est primordial de nous situer dans une perspective théorique de la motivation, afin identifier précisément ses principales composantes et leur interaction réciproque. A ce sujet, Schunk, Pintrich et Meece (2006) précisent que l’acception d’une théorie est «a scientifically acceptable set of principles advanced to explain a phenomena A theory provides a framework for interpreting environmental observations and helps to link research and education » (p. 6).

Après un bref rappel de l’évolution des théories de la motivation vers l’approche sociocognitive, et nous fondant sur celle-ci, nous allons préciser la définition de la motivation en contexte scolaire, valable aussi au niveau de l’enseignement supérieur.

2.2.1.1

Vers une approche sociocognitive de la motivation

Dans le domaine de l’éducation, il est plus fréquent d’entendre les enseignants ou les parents évoquer la « non-motivation » des élèves, et ils décrient tous les attitudes négatives associées. Certains enseignants partagent certainement l’opinion que « la motivation est ce qui fait que leurs élèves écoutent attentivement et travaillent fort » (Viau, 1994, p. 6). Toutefois, il semble assez difficile pour certains enseignants de définir ou situer la place exacte de la motivation sur l’échiquier complexe du processus de l’enseignement et de l’apprentissage en contexte scolaire. En référence à cette situation, du point de vue de la psychologie, il est exposé que « la motivation est l’ensemble des processus physiologique et psychologique responsable du déclenchement, de la poursuite et la cessation d’un comportement » (le petit Larousse, 1998, p. 672). Pourtant cette définition laconique ne rend pas compte de plusieurs aspects fonctionnels et pertinents de la motivation en contexte scolaire. La motivation demeure un concept global assez difficile à définir, même si intuitivement on « sent » ce qu’il recouvre. Selon la littérature scientifique existe différentes approches de la motivation pouvant être regroupées en deux grandes catégories (Blais et al., 1993; Schunk, Pintrich & Meece, 2006; Viau, 1994).

Les approches « anciennes » envisageaient la motivation avec une caractéristique unidimensionnelle et unitaire dans une démarche où l’accent est mis essentiellement sur la recherche de déterminants génétiques en ce qui concerne la psychanalyse, ou bien sur la recherche de déterminants situationnels, dans le cas du behaviorisme. Certains théoriciens de cette tendance ont présenté la motivation comme le résultat de besoins hiérarchisés à combler par l’individu afin de se réaliser pleinement. C’est le cas de la théorie humaniste de Maslow, dans laquelle les besoins se déclinent selon une hiérarchie, avec à la base, les besoins physiologiques élémentaires (maintien de vie), puis les besoins psychologiques (sécurité) et les besoins affectifs d’ordre supérieur (relations sociales et estime de soi).

Les approches cognitives répondaient aux besoins d’étudier le sens que l’individu donne à ses comportements et à ceux des autres à partir des perceptions qu’il a des autres, des situations et des réflexions que ces situations lui inspirent. C’est en prenant leur distance avec les approches anciennes que des chercheurs ont été rapidement orientés vers les besoins cognitifs tels que la réussite, l’affiliation, et ce, essentiellement en contexte scolaire. Ainsi, cette approche dite cognitiviste s’est retrouvée avec un cadre théorique général assez adapté à l’exploration de la motivation en contexte d’apprentissage en milieu scolaire ou universitaire. À la suite des travaux de Piaget, plusieurs théories cognitivistes ont été élaborées et ont servi, pour la plupart, à mieux cerner les dimensions multiples de la motivation et de l’apprentissage dans des contextes différents. Malgré toutes les potentialités des théories cognitivistes pour les processus d’apprentissage en contexte scolaire, on ne saurait se contenter que l’environnement ne détienne une portion aussi congrue d’influence.

En général, dans la littérature scientifique, il est largement admis que les approches sociocognitives semblent mieux indiquées pour l’étude de la motivation dans un contexte d’enseignement et d’apprentissage (Deci & Ryan, 1991 ; Deci, Vallerand, Pelletier & Ryan, 1991 ; Dubois & Dagau, 200 ; Galand & Bourgeois, 2006 ; Karsenti, 1997 ; Karsenti, 2003b ; Karsenti, Goyer, Villeneuve & Raby, 2005), et en particulier celui d’une discipline scientifique comme les mathématiques (Chouinard, 2001 ; Kloosterman, 1997 ; Larose, 2006).

Dans cette perspective, la motivation est une entité complexe où se mêlent des éléments d’ordre affectif et des perceptions de soi. Selon Schunk, Pintrich et Meece (2006) ou Viau (1994), cette approche met l’accent sur le fait que la motivation demeure essentiellement fondée sur l’interaction entre les comportements d’une personne, ses caractéristiques individuelles et l’environnement dans lequel elle évolue. Une grande importance est toujours accordée au caractère réciproque de l’interaction entre ces trois composantes. Cette approche se fonde sur l’existence de quatre principales aptitudes que les humains ont, à des degrés divers. Il s’agit notamment de :

1. « la capacité de représenter et d’interpréter leur environnement grâce à des systèmes symboliques comme les langages parlé et écrit. »

2. « la capacité de se référer au passé et d’anticiper le futur. »

3. « la capacité d’observer les autres et d’en tirer des conclusions pour soi-même.» 4. « la capacité de s’autoréguler, c’est-à-dire de contrôler et de modifier

éventuellement ses comportements selon l’évaluation que l’on fait de la situation dans laquelle on se trouve» (Bandura cité par Viau, 1994, pp. 29 et 30).

Pour l’apprentissage en contexte scolaire, ces quatre postulats nous assurent que l’apprenant possède, en principe, les capacités nécessaires pour participer activement et de manière responsable à son apprentissage. Aussi, pour toute la suite, nous convenons que l’apprenant doit être toujours considéré comme « un agent actif qui ne se limite pas à répondre à son environnement, mais qui est capable, grâce à ses capacités d’autoévaluation, de se contrôler et de modifier au besoin sa démarche pour parvenir à l’atteinte de ses buts » (Viau, 1994, p. 30).

Le choix opéré au profit de l’approche sociocognitive de la motivation nous permettra de nous focaliser davantage sur l’évolution de ses composantes et sous- composantes, en place et lieu de nous préoccuper à définir ou rechercher les origines d’ordre neurobiologique ou physiologique de la motivation. En effet, comme notre recherche se rapporte au contexte scolaire, il est indéniable qu’il est plus indiqué de nous orienter vers la fonctionnalité des modèles qui peuvent aider les enseignants à améliorer la motivation de leurs étudiants. Pour cela, il est essentiel d’inscrire la motivation de l’apprenant dans l’interaction constante et réciproque entre ses caractéristiques individuelles, ses comportements et son environnement socio-académique (Viau, 1994).

En définitive, de toutes les approches de la motivation, nous retenons l’approche sociocognitive aux dépens des approches behavioriste, psychanalytique, gestaltiste et humaniste, qui malgré leur mérite, s’orientent essentiellement vers l’étude de la nature de la motivation. Ce choix exclusif, au profit de l’approche sociocognitive que nous avons opéré pour notre recherche, nous situe dans une perspective pour laquelle, il est « plus important de savoir comment elle [la motivation], change et s’inscrit dans le processus d’apprentissage» (Viau, 1994, p. 31). Enfin, dans le cadre de notre recherche, cette perspective devient particulièrement pertinente, car nous nous proposons d’étudier le changement de la motivation chez des étudiants dans le contexte d'enseignement et

d'apprentissage, plus précisément des cours de mathématiques soutenus par les TIC. En accord avec Pintrich et Schrauben (1992).

2.2.1.2

Définition de la motivation en contexte scolaire

En se fondant sur l’approche sociocognitive, Viau (1994) définit la motivation scolaire comme « un état dynamique qui a ses origines dans les perceptions qu'un élève a de lui-même et de son environnement et qui l'incite à choisir une activité, à s'y engager et à persévérer dans son accomplissement afin d'atteindre un but» (p. 31), en s’inspirant notamment des travaux de chercheurs comme Pintrich et Schrauben (1992).

Tout d’abord la définition fait ressortir le caractère dynamique de la motivation, autrement dit, elle est en perpétuel changement, même en contexte d’apprentissage d’une matière académique à l’exemple des mathématiques. En plus, quand la motivation déclenche le comportement, elle le dynamise et assure qu’il soit en harmonie avec nos besoins ou nos buts. L’intensité du comportement est en relation avec l’engagement cognitif et l’effort consentis par l’apprenant, et c’est la continuité de la motivation qui débouche sur la persistance et la persévérance.

La motivation apparaît aussi comme le point de concours de rencontre et d’interaction des perceptions de l’apprenant, de ses comportements et de son environnement. Toujours est-il qu’il faut d’abord que l’apprenant ait opéré le choix de s’engager dans l’activité pour laquelle son accomplissement exige participation, engagement cognitif et persévérance afin d’atteindre un but connu à l’avance. Dans cet ordre d’idées, des chercheurs comme Schunk, Pintrich, et Meece (2006, p. 4) ont une conception très similaire, quand ils considèrent que : «motivation is the process whereby goal-directed activity is investigated and sustained». Toutefois, plusieurs travaux (Deci & Ryan, 1985, 1991; Deci et al, 1991; Deci & Ryan, 1994, 2002a, 2002b; Karsenti, 1998; Karsenti et al., 2001a, 2001b; Vallerand, 1989, 1992) ont montré que la motivation n’était pas toujours dirigée par un but, à l’exemple de la motivation intrinsèque qui représente la tendance à s’engager dans une activité pour la satisfaction et le plaisir inhérents à la pratique de l’activité.

Dans la présente recherche, les principaux modèles théoriques mis à contribution pour l’étude de la variation de la motivation à l’apprentissage des mathématiques chez des étudiants sont le modèle des attentes-valeurs de Pintrich (1992, 2006) et la théorie de l’autodétermination de Deci et Ryan (1985, 1991) que nous exposerons dans la perspective de leur pertinence dans un contexte d’apprentissage des mathématiques. En effet, dans un contexte universitaire, ces deux théories reconnaissent chez l’apprenant adulte l’existence d’une capacité d’agir efficacement sur son environnement avec compétence et autodétermination (Ryan et Deci, 2000). La motivation repose sur les besoins de compétence et d'autodétermination, et tout facteur qui affectera ces deux besoins aura un impact sur la motivation de la personne.