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CHAPITRE 3. FLUX LINGUISTIQUES, TEMPS ET ESPACE URBAIN …

3. La migration vécue dans les villes caribéennes

Les plus grandes villes de la Caraïbe insulaire sont la Havane (Cuba, 11 millions d’habitants), Port-au-Prince (Haïti, 8 milions d’habitants) et Santo Domingo (République Dominicaine, 9 millions d’habitants). Ayant chacune plus d’un million d’habitants, ce sont aussi trois capitales. D’autres villes, capitales elles aussi, suivent, San Juan (Porto Rico, 4 millions d’habitants) et Port of Spain (Trinidad et Tobago, 1 million 500.000 habitants) ayant entre 250.000 et 500.000 habitants ; Fort-de-France étant la seule « capitale » des îles restantes à avoir entre 100.000 et 250.000 habitants (166.000 plus précisément).

On constate que plus un pays de la Caraïbe est sujet aux migrations et plus sa population est urbanisée (Caribbean Certificate Atlas 2001). On notera cependant une exception pour le cas de la Martinique. En effet, peu sujette aux migrations, l’île présente un taux d’urbanisation de 75%.

3.1. Les migrations : un corollaire de la ville.

D’après les travaux socio-anthropologiques sur la ville proprement dite, l’une des caractéristiques intrinsèques de celle-ci serait de générer des migrations. Ou plutôt de les favoriser : « Par nature organisée et ouverte, la ville est un modèle

médiateur entre des individus, à travers les groupes sociaux locaux entre eux et le milieu extérieur. » (Bonello 1996 : 52).

Cette ouverture, si chère à la ville, permet des déplacements en son sein, et entre elle et le « milieu extérieur ». La ville ne peut donc pas être statique et doit jouer ce rôle de « modèle médiateur », pour entrer en harmonie avec « sa nature

organisée et ouverte ». Néanmoins, elle n’est pas simplement un modèle. La ville est

bien trop complexe ; et Bonello (1996 : 3) de continuer : « L’urbain est hétérogène,

irréductible à un slogan ». C’est un espace qui ne peut être considéré comme un

système, car il ne s’agit pas d’un espace clos. Il se nourrit du dehors et ne peut se suffire à lui-même. « La ville est un espace où l’on peut entrer et sortir, un espace

[…] qui ne se définit pas uniquement par le dedans, […] mais par la relation entretenue entre un dedans et un dehors » (Mongin 2005 : 99). Elle devient alors

indissociable des flux migratoires, des migrations d’individus, qu’ils soient en groupe ou non. Ces derniers agiront sur l’espace – d’une façon ou d’une autre – et, pour cela, s’aideront de leur bagage linguistique et culturel. Force est de considérer

« l’influence des parcours migratoires sur les relations hommes-espace urbain »

(Clément 2000 : 3). Et pour saisir ces influences, les représentations des individus revêtent un caractère important. Car la ville se forge et vit à travers ce qu’on en dit et ce qu’on en fait.

De ce fait, les acteurs de ces déplacements, ou encore migrations, participent à la territorialisation, puisqu’ils produisent, eux aussi, un discours sur la ville. Leur parcours donne corps à l’espace urbain. Et si Lamizet définit le parcours comme étant « le processus par lequel, en marchant dans la ville, on s’approprie l’espace

de celle-ci en le reconnaissant et en lui donnant du sens », nous préciserons – tout

en élargissant la notion – qu’il peut être de l’ordre de la simple flânerie aussi bien que du déplacement à plus grande échelle. La ville devient substance grâce à tous ces parcours qui la structurent. Les individus se déplacent, se croisent, se

regroupent. La sociabilité s’organise, les conflits et tensions s’agrègent et/ou se désagrègent. Toutefois, « dans la ville, l’expérience des rapports sociaux ne peut

être que verbale » (Lamizet 2002 : 15).

3.2. La Martinique et Fort-de-France, carrefour de la Caraïbe ?

« […] en raison de sa situation géographique particulière, la Martinique est appelée à jouer dans un avenir plus ou moins proche, un rôle de tout premier plan dans l’évolution intellectuelle du monde caraïbe. Elle est mieux placée que toute autre, en effet, pour devenir le foyer par excellence de l’hémisphère, le point de convergence des différentes cultures ».

Ainsi s’exprimait Auguste Joyau dans son ouvrage La Martinique, carrefour de la Caraïbe, en 1967. Quarante ans après, le constat se fait tout autre. Même si l’île brasse de nombreuses cultures, cela ne fait pas d’elle un carrefour. Les chiffres parlent : 1% de la population est migrante. Malgré cela, on observe quelques manifestations de ces migrations : associations de migrants, politique d’accueil de la capitale (cf. mesures scolaires), activités culturelles diversifiées et ouvertes sur la Caraïbe, mise en place de nouvelles lignes par les compagnies aériennes.

Tout cela reflète une volonté de ne pas se renfermer et de rayonner sur le reste de l’archipel. Au niveau urbain, quels sont les phénomènes alors à l’œuvre ? Comment s’inscrit Fort-de-France dans ces processus migratoires ?

Conclusion du chapitre 4 – La Caraïbe insulaire n’est pas une forte zone

migratoire. En effet, bon nombre des migrations sont externes, des plus grands pays comme Haïti, la République dominicaine, Cuba, vers des pays d’Europe ou d’Amérique du nord. Les raisons des départs sont généralement dues aux situations économiques ou politiques du pays d’origine. Nous avons ensuite essayé de déterminer quels pourraient être les facteurs de choix des pays d’accueil. Au nombre

de cinq, le prestige, la proximité entre le pays d’origine et le pays d’accueil, l’accès, le réseau, la langue, ils n’ont pas la prétention d’en être une liste exhaustive.

La prise de conscience qu’une unité linguistique pourrait entraîner une unité étatique dans la Caraïbe se fait sentir. L’apparition d’un bloc caribéen ne pourrait se faire, semble-t-il, qu’à travers la langue. L’intercompréhension dans la Caraïbe est un sujet qui alimente des réflexions, d’où notamment le séminaire international qui s’est tenu en Martinique en décembre 2008, réunissant plusieurs chercheurs de l’archipel caribéen (« L’intercompréhension des langues dans la Caraïbe : un besoin, un défi », séminaire international, 02-05 décembre 2008, Université des Antilles et de la Guyane). On note toutefois que de véritables questions n’ont pu être apportées quant à la mise en place d’outils communs. Quoi qu’il en soit, le chapitre suivant expose la situation propre à Fort-de-France.

CHAPITRE 5. FORT-DE-FRANCE, VILLE ET AGGLOMERATION