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CHAPITRE 6. EXPLOITATIONS FAMILIALES DES ELEVEURS PEULS AU NORD-EST DU

6.2. LES FACTEURS DE PRODUCTION

6.2.1. La main-d’œuvre

La main-d’œuvre dans les exploitations des éleveurs Peuls du Bénin est essentiellement familiale, comme dans la plupart des exploitations agricoles d’Afrique (Toulmin et Gueye, 2003).

Les données présentées dans le tableau 17 montrent que dans toutes les communes étudiées, les ménages des éleveurs Peuls sont en grande majorité (63%) caractérisés par la polygamie. Les ménages sont de grande taille, avec en moyenne 18 personnes, dont 22% sont impliquées dans les activités de l’élevage bovin (Tableau 18). La moyenne d’âge des chefs de ménage est de 46 ans. L’âge médian (47 ans) de même que la valeur modale (40 ans) montre que l’élevage bovin concerne beaucoup plus les jeunes que les personnes âgées. Le niveau d’instruction des chefs de ménage peuls est faible. Le tableau 17 montre que la majorité (78%) n’a reçu aucune instruction formelle, et seuls 19% sont allés à l'école coranique. Mais 27% d’entre eux ont été alphabétisés en Fulfulde. Cependant, 46% des ménages envoient leurs garçons à l’école et 37% scolarisent leurs filles. Parmi les ménages qui scolarisent leurs filles, 42% d’entre eux n’envoient que des filles à l’école. La statistique sur le nombre d’enfants scolarisés suit la même tendance pour les deux sexes : les valeurs moyenne (2 enfants), modale (1 enfant) et médiane (1 enfant) sont les mêmes au niveau des deux sexes. Ce qui permet de dire que la même chance de scolarisation est offerte aux filles comme aux garçons dans les ménages peuls. La polygamie, mais aussi le fait que les garçons mariés restent encore au sein de la concession paternelle, à l’origine du phénomène de sous-ménages, accroît la taille des ménages chez les Peuls. Les ménages peuls sont les plus peuplés, en

Place de l’élevage bovin dans l’économie rurale des Peuls du Nord Bénin 83 comparaison au ménage moyen des départements du Borgou et de l’Alibori, dont la taille est de 8 personnes (INSAE, 2016 b).

Le taux de polygamie dans la présente étude est supérieur aux taux de polygamie enregistrés au Bénin dans les départements du Borgou et de l’Alibori qui sont respectivement de 25,2 et 25,8% (INSAE, 2016 b). Pour Boutrais (1996), le passage du pastoralisme à une économie agro-pastorale est marqué par un ensemble de conséquences sociales. Le taux de polygamie représente un indicateur démographique de cet ensemble de changements qui affectent les sociétés autrefois pastorales. Ancey (1977) note des taux de polygamie relativement faibles chez les populations nomades (108 épouses pour 100 hommes mariés chez les Peuls nomades du Niger et 100 femmes pour les Touaregs). Cependant, avec la sédentarisation, la polygamie augmente, passant respectivement à 117 et 115 femmes. Pour Dupuy (2004), la polygamie dans les milieux pastoraux du massif du Balé (Ethiopie) répond surtout à une logique d’occupation de l’espace qui permet au chef de famille de disposer de terroirs diversifiés pour y pratiquer un élevage extensif mais aussi pour sécuriser les terres qu’il emblave pour les cultures vivrières.

De plus, les résultats montrent que les ménages de grande taille se situent dans la commune de Kalalé qui présente des valeurs significatives comparées aux ménages des communes de Banikoara et de Malanville (Tableau 18). En effet, dans la commune de Kalalé, les ménages peuls cultivent de grandes superficies, en vivriers et en coton. Et vu le caractère extensif de l'agriculture pratiquée par ces ménages, ceux-ci ont besoin de plus de main-d’œuvre familiale pour accomplir leurs différentes tâches. En ce qui concerne le taux d’alphabétisation des chefs de ménage, celui-ci est significativement plus élevé dans la commune de Banikoara (Tableau 17). En outre, la majorité des éleveurs des communes de Kalalé et de Banikoara appartiennent à des associations d’éleveurs et à d’autres associations (association des producteurs de coton), comparés à ceux de la commune de Malanville. Ces résultats pourraient s’expliquer par le fait que, dans les communes de Kalalé et de Banikoara, l’Association Nationale des Organisations Professionnelles des Éleveurs de Ruminants du Bénin (ANOPER) soit beaucoup plus implantée (a plus d'adhérents) même si des statistiques formelles ne sont pas disponibles. Dans ces deux communes, surtout celle de Kalalé, la plupart des éleveurs sont également des producteurs de coton. Et, pour produire du coton au Bénin, il faut appartenir à une coopérative de producteurs de coton. Dans la commune de Malanville par contre, l’ANOPER a très peu d’adhérents, et du fait des conditions climatiques, la production cotonnière n’y est pas développée, et les populations préfèrent plutôt produire du riz, dans la vallée du fleuve Niger. La taille moyenne des ménages enregistrée lors de cette étude est supérieure à celle indiquée par Droy et Bidou (2015) au sein des agro-pasteurs peuls de la commune de Djougou (Nord- ouest du Bénin) et qui est d’environ 9 personnes. Cette différence pourrait être due au pourcentage de familles complexes relevé (seulement 19%) mais surtout à la forte ampleur du phénomène de migration qui sévit dans ladite commune. En effet, la commune de Djougou est la commune d’où provient la majorité des filles (ou femmes) qu’on retrouve dans le travail d’aide domestique. Les jeunes hommes migrent aussi souvent vers le Togo, le Ghana et le Nigéria à la recherche d’emploi ou de mieux être. Ils sont également nombreux à émigrer en Europe.

De plus, au Nigéria, Olorunnisomo et al. (2010), Oladeji (2009), Adisa et Badmos (2009) ont enregistré en moyenne des ménages dont la taille est d’environ 9 personnes. Les données ont cependant été recueillies au sein des Peuls agro-pasteurs habitant dans des zones réputées pour l'élevage bovin. Les ménages sont majoritairement polygames, mais la différence entre la taille des ménages, avec les éleveurs Peuls du Bénin, pourrait provenir de l'inexistence du

Chapitre 6. Exploitations familiales des éleveurs Peuls au Nord-est du Bénin

Place de l’élevage bovin dans l’économie rurale des Peuls du Nord Bénin 84 phénomène de sous-ménage qui n'a pas été révélé au sein des ménages Peuls du Nigéria. Megersa et al. (2014) constatent par ailleurs que la taille des ménages a généralement des implications sur la main-d'œuvre et la consommation de ceux-ci. Ils poursuivent en notant que dans le contexte des sociétés pastorales, la taille des ménages et des troupeaux augmente les moyens de subsistance en main-d'œuvre et la fourniture en vivres. De plus, la croissance du troupeau requiert une importante contribution de la main-d'œuvre provenant d'une famille élargie ou d'un mariage polygamique.

Tableau 17. Caractéristiques socio-économiques des ménages peuls des trois communes.

Kalalé Banikoara Malanville Total

Instruction (%) Non instruits 82a 72a 80a 78 Primaire 0a 2a 6a 3 Premier cycle 2a 0a 0a 1 Ecole coranique 16a 26a 14a 19 Alphabétisation (%) 20a 52b 10a 27 Polygamie (%) 68a 60a 62a 63

Scolarisation des garçons (%) 48a 42a 48a 46

Scolarisation des filles (%) 50a 22b 38a, b 37

Appartenance aux associations

d’éleveurs 80a 58b 2c 47

Appartenance aux autres

associations 32a 20a 0b 17

Notes : Les valeurs suivies par des lettres différentes sont significatives au seuil de 5%. Source : Résultats d’enquête, 2013.

Tableau 18. Autres caractéristiques socio-économiques des ménages peuls des trois communes.

Communes Moyenne Ecart-type Minimum Maximum

Age du chef de ménage

Kalalé 44a 13 20 70 Banikoara 48a 12 25 73 Malanville 46a 14 25 68 Total 46 13 20 73 Taille du ménage Kalalé 22a 14 3 60 Banikoara 17b 9 5 51 Malanville 16b 9 3 50 Total 18 12 3 60 Main-d’œuvre impliquée dans l’élevage Kalalé 5a 3 2 15 Banikoara 5a 3 1 20 Malanville 3b 2 1 8 Total 4 3 1 20

Notes : Les valeurs moyennes suivies par des lettres différentes sont significatives au seuil de 5%.

Source : Résultats d’enquête, 2013.