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ABREUVEMENT ET ALIMENTATION DES ANIMAUX

CHAPITRE 5. CARACTÉRISTIQUES DES ELEVAGES BOVINS DU NORD-EST DU BÉNIN

5.5. ABREUVEMENT ET ALIMENTATION DES ANIMAUX

L’abreuvement du troupeau, pendant le pâturage, est assuré par le berger qui conduit le troupeau à une source d’eau. Les jeunes veaux, les vaches âgées et les animaux malades (restés au campement) sont abreuvés par l’un des membres du ménage de l’éleveur. Ce sont les enfants qui dans la majorité (71% et 62%) des cas, conduisent les animaux au pâturage et abreuvent aussi ceux qui sont restés au campement. Dans la commune de Malanville, le phénomène a été plus prononcé, avec des proportions significativement plus élevées que dans les communes de Kalalé et de Banikoara. Dans la commune de Banikoara, la proportion des hommes qui conduisent les animaux au pâturage est significativement plus élevée que celle de Kalalé ; alors que dans la commune de Malanville, aucun homme chef de ménage ne conduit les animaux au pâturage. La proportion des femmes qui abreuvent les animaux restés au campement est remarquable dans la commune de Kalalé. Ce qui est également le cas des hommes dans la commune de Banikoara, où on les retrouve exclusivement (Tableau 14). La forte proportion des hommes qui conduisent les animaux au pâturage dans la commune de Banikoara pourrait s’expliquer par leur désir de limiter les dégâts faits aux cultures ; ce qu’un

Place de l’élevage bovin dans l’économie rurale des Peuls du Nord Bénin 75 enfant ne pourrait efficacement pas faire en conduisant les animaux au pâturage. La commune de Banikoara est une zone où la pression des activités agricoles sur les terres est forte, surtout à cause de la culture du coton. Les hommes dans cette commune sont aussi fortement présents dans l’abreuvement toujours pour les mêmes raisons car les champs de case sont présents partout et pour accéder aux points d’eau, de retour de pâturage, il leur faut user d’un certain tact.

Une forte proportion d’enfants conduit les animaux au pâturage. Les enfants sont souvent très impliqués dans la conduite des animaux au pâturage pendant la saison des pluies. Pendant cette période, les distances parcourues pour faire paître les animaux sont réduites car l'herbe est disponible en quantité et en qualité. Alors que pendant la saison sèche, ce sont les adultes qui font pâturer les animaux car ils sont en transhumance avec le troupeau. Même si certains troupeaux ne partent pas en transhumance, la distance parcourue en saison sèche pour faire paître les animaux est plus importante. De plus, la saison des pluies est souvent la période où les enfants ne vont pas à l'école. En outre, pendant cette saison, les activités agricoles occupent tous les ménages peuls. Les adultes se consacrent souvent à ces travaux champêtres beaucoup plus durs et confient la conduite des animaux au pâturage aux enfants. Pendant cette période de pointe au sein des ménages, l'implication des enfants dans la conduite des animaux au pâturage participe d'une gestion efficace de la main-d'œuvre disponible. Homewood (2008) constate aussi que les enfants sont généralement impliqués dans la conduite au pâturage chez les pasteurs. Pour préparer les garçons aux dures conditions qui les attendent une fois adultes, certaines sociétés pastorales de l'Afrique de l'Est n'hésitent pas à offrir un régime alimentaire moins diversifié aux jeunes garçons en comparaison avec les filles. Cette attitude vis-à-vis des garçons s'explique par le fait que les garçons s'occupent du pâturage des animaux surtout en période de déficit, dans des milieux où l'accès à une alimentation diversifiée est limité (Villa et al., 2011).

De plus, Clanet (2009) mentionne que, à la suite de la perte de leur main-d'œuvre servile qui assurait l'essentiel des travaux épuisants, les Peuls se sont rabattus sur les femmes et les enfants pour accomplir une grande partie des tâches qui se rapportent à l'élevage. Celui-ci poursuit en relevant que les enfants participent, dès qu'ils marchent, à toutes les activités touchant à la conduite des animaux : attache et abreuvement des jeunes, garde et traite des troupeaux de petits ruminants (comme le montre la photo 1 pour les bovins dans la présente étude). Ce n'est que vers 10 ans qu'on leur confie le gros bétail avec lequel ils doivent participer aux fastidieuses corvées d'abreuvement. La FAO remarque que dans le secteur de l’élevage, la conduite au pâturage semble être une importante activité qui implique le travail des enfants. Ceci a souvent lieu dans les communautés pastorales nomades et concerne principalement les bovins, les petits ruminants, les alpagas et les lamas (FAO, 2013 b). Woldehanna et al. (2006) atribuent cela au fait que les contraintes liées à la main d’œuvre, même chez les éleveurs les plus riches rend difficile l’embauche d’une main d’œuvre supplémentaire. Car posséder beaucoup de bétail ne signifie pas que ces ménages peuvent facilement en vendre quelques uns pour satisfaire les besoins en liquidité. L’autre raison évoquée par Woldehanna et al. (2006) pour expliquer le travail des enfants dans le milieu pastoral est que certains ménages ne font pas confiance aux personnes extérieures à la famille pour prendre soin de leurs troupeaux et se méfient des menaces de vols.

Tableau 14. Membres de la famille responsables de l'apport d'eau et de la conduite des animaux au pâturage.

Chapitre 5. Caractéristiques des élevages bovins du Nord-est du Bénin

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Abreuvement au campement du test ²

Enfants (%) 60a 28b 98c 62 ,000 Femmes (%) 40a 0b 2b 14 Hommes (%) 0a 72b 0a 24 Conduite au pâturage Enfants (%) 90a 22b 100c 71 ,000 Hommes (%) 10a 78b 0c 29

Les proportions de la même ligne suivies par différentes lettres sont significativement différentes (p<0,05). Source : Résultats d’enquête, 2013.

Photo 1. Enfants sollicités pour garder les veaux lors de la traite.

Les sources d’eau varient en fonction des communes. Tous les éleveurs ont accès à la rivière, pour abreuver leurs animaux (Tableau 15). De plus, le nombre d’éleveurs qui utilisent les mares est plus élevé à Banikoara que dans les deux autres communes. L’accès à une retenue d’eau et à une pompe à motricité humaine, qui sont des sources d’eau beaucoup plus permanentes, suit la même tendance. Les éleveurs de la commune de Banikoara ont plus facilement accès à ces deux points d’abreuvement permanents que ceux de Kalalé. Les éleveurs de Kalalé quant à eux, utilisent plus l’eau des forages hydrauliques et des retenues d’eau que ceux de Malanville.

Tableau 15. Sources d'abreuvement du bétail.

Kalalé Banikoara Malanville Total Signification

du test ²

Accès à la rivière (%) 100a 98a 100a 99 ,365

Accès à une mare (%) 0a 22b 6a 9 ,000

Accès à une retenue d’eau (%)

68a 92b 6c 55 ,000

Accès à une pompe à motricité humaine (%)

22a 94b 8c 41 ,000

Les proportions de la même ligne suivies par différentes lettres sont significativement différentes (p<0,05). Source : Résultats d’enquête, 2013.

Place de l’élevage bovin dans l’économie rurale des Peuls du Nord Bénin 77 L’accès aux ressources en eau pour l’abreuvement du bétail est lié à la diversité, ainsi qu’au nombre de ces sources d’eau permanentes dans les communes. Plusieurs projets de développement de l’élevage ont favorisé la construction de retenues d’eau, surtout dans les communes à effectif élevé en bétail, dans l’optique de diminuer le nombre d’animaux qui partent en transhumance. Ceci fait que les communes de Banikoara et de Kalalé disposent de plus de sources d’eau permanentes pour l’abreuvement des troupeaux.

Les parcours naturels constituent la source la plus importante et la plus couramment utilisée pour l’alimentation du bétail (Tableau 16). Comme le montre également le tableau 16, les résidus de récolte sont aussi utilisés par tous les éleveurs Peuls, en saison sèche ; mais le mode d’accès à cette ressource alimentaire varie en fonction des communes. Les éleveurs de la commune de Kalalé pratiquent la vaine pâture, exclusivement dans leurs propres champs de céréales. Ceux de la commune de Banikoara par contre, louent en plus quelques champs de céréales récoltés, pour y faire paître leurs animaux (Tableau 16). Pendant la saison sèche, les animaux de la commune de Malanville pâturent majoritairement dans les champs de leurs propriétaires ; mais également dans d’autres champs de céréales récoltés appartenant à des tiers sans contrepartie. Cependant, cette proportion est significative, la pratique n’étant enregistrée que dans cette commune.

L’achat du foin et des fanes de légumineuses (arachide, niébé) est pratiqué dans le département de l’Alibori (Banikoara et Malanville). Il y a beaucoup plus d’éleveurs de la commune de Banikoara qui achètent du fourrage, que ceux de Malanville. L’achat du fourrage se fait généralement de novembre à mars, dans la commune de Banikoara ; il dure deux mois de plus (jusqu’en mai) dans la commune de Malanville. Le fourrage acheté est destiné prioritairement aux veaux, aux vieilles vaches et aux vaches allaitantes à Banikoara ; alors qu’à Malanville, ce sont toutes les catégories d’âge de bovins qui consomment le fourrage acheté.

La majorité des éleveurs de Kalalé et de Banikoara utilisent le sel de cuisine, comme complément alimentaire, pour leurs bovins. Seulement 20% des éleveurs Peuls de la commune de Malanville utilisent un complément alimentaire (Tableau 16). Ce complément alimentaire est acheté chaque mois, par les Peuls de Kalalé et de Banikoara ; alors que ceux de Malanville n’en achètent que dans la période d’avril à mai. Mais, ce complément est distribué à tous les animaux, dans toute la zone d’étude.

Tableau 16. Mode d'accès aux sources d'alimentation.

Kalalé Banikoara Malanville Total Signification

du test ² Parcours

Droit d’usage (%) 100 100 100 100 -

Champs de céréales récoltés

Don (%) 0a 0a 8b 3 ,000 Location et propriété (%) 0a 100b 0a 33 Propriété (%) 100a 0b 92c 64 Achat de fourrage (%) 0a 44b 8c 17 ,000 Achat complément (%) 100a 94a 20b 71 ,000

Les proportions de la même ligne suivies par différentes lettres sont significativement différentes (p<0,05). Source : Résultats d’enquête, 2013.

Chapitre 5. Caractéristiques des élevages bovins du Nord-est du Bénin

Place de l’élevage bovin dans l’économie rurale des Peuls du Nord Bénin 78 Les éleveurs Peuls nourrissent leurs animaux, sur les pâturages naturels. Mais, du fait de la disponibilité saisonnière de ces pâturages, ils complètent l’alimentation de leurs animaux par des résidus de champs de céréales récoltés. L’achat du fourrage par les éleveurs des deux communes de l’Alibori (Banikoara et Malanville) s’explique, par leur situation géographique. En effet, les espèces fourragères se lignifient plus vite et les pâturages sont sujets aux feux de brousse précoces. Les éleveurs sont donc contraints d’acheter du foin, pour retarder le départ en transhumance ; mais également, pour nourrir le reste du troupeau resté sur place. Au niveau des éleveurs de Malanville, la durée d’achat du foin et des fanes est plus longue, car la saison des pluies y est plus courte.

Selon divers auteurs béninois, l’alimentation des bovins est assurée par le pâturage naturel, en plus des résidus de récolte et le sel de cuisine, en complémentation (Alkoiret et al., 2009, Djenontin et al., 2002, Youssao et al., 2013). Des constats similaires ont été rapportés, dans les pratiques des agro-pasteurs des centres périurbains de la région du Sud-ouest du Nigéria (Iyayi et al., 2003), et au niveau des stratégies alimentaires des petits élevages laitiers de la Gambie (Somda et al., 2005).

Le sexe masculin s’occupe plus des travaux liés au pâturage des animaux. Pour ce qui est de l’abreuvement des animaux restés au campement, les femmes interviennent également ; ce qui illustre une division du travail en fonction du sexe. Il existe une forte proportion d’enfants qui conduisent les animaux au pâturage. Ces enfants bergers ne vont souvent pas à l’école ; ils représentent une des causes, du faible taux de scolarisation des enfants dans ces communes.