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ACCES AUX RESSOURCES DANS LES MÉNAGES PEULS

CHAPITRE 7. ORGANISATION SOCIO-ECONOMIQUE DES MENAGES PEULS AU NORD-

7.9. ACCES AUX RESSOURCES DANS LES MÉNAGES PEULS

7.9.1. Le foncier

La terre est une ressource dont l'accès est généralement relativement facile au sein des ménages peuls dans la commune de Kalalé. Au cas où ils ne sont pas les premiers à occuper les terres, ils héritent souvent leurs terres de leurs parents. Les femmes quant à elles,

0% 10% 20% 30% 40% 50% 60% 70% 80% 90% 100%

Hommes Femmes Ménages

Téléphone Moto Ustensiles Scolarité Soins Habillement Alimentation

Place de l’élevage bovin dans l’économie rurale des Peuls du Nord Bénin 133 lorsqu'elles partent vivre avec leur mari, ont une portion de terre qu'elles cultivent après avoir exécuté les tâches dans les champs du ménage. Le plus souvent, ce sont des champs de case qu'elles prennent le soin de clôturer pour éviter que les animaux (ovins, caprins et poulets) ne fassent des dégâts. Le problème d'appauvrissement des terres pourrait se poser suite à une utilisation prolongée de la même parcelle sans apport d'engrais. Donc la plupart de ces femmes déversent sur ces parcelles des déjections d'ovins et de caprins qu'elles obtiennent à la suite du balayage de la cour. De plus, elles ne cultivent sur ces parcelles que des cultures qui ne sont pas exigeantes en engrais (le cas du soja par exemple). Mis à part ces champs de case, si elles veulent étendre leurs emblavures, elles sont alors obligées d'aller très loin des concessions car les terres fertiles proches des concessions sont soit occupées par les cultures du ménage ou les cultures de leurs maris.

Dans le système pastoral et agro-pastoral, les éleveurs Peuls ont un rapport particulier avec la terre et ceci est fonction de leur mode de vie (mobile ou sédentaire).

Dans le système pastoral (nomadisme), il n’y a pas d’appropriation des pâturages en tant que tels, mais leur utilisation est entièrement conditionnée par l’accès à l’eau en saison sèche. Celui qui possède un puits contrôle en même temps les pâturages qui l’entourent (Oumarou, 2008). Dans le système agro-pastoral comme c’est le cas chez la majorité des éleveurs peuls béninois, plusieurs cas de figurent peuvent se présenter. Le mode d’accès à la terre est alors fonction du degré de dispersion des habitats ou de l’importance de la population peule dans le milieu.

Comme le souligne Oumarou (2008), l’habitat, dans le milieu agro-pastoral peut se présenter sous deux formes : groupé en villages ou dispersé dans les champs. Dans le premier cas, les maisons et les terrains qui les jouxtent peuvent être prêtés et sont transmis par héritage. Ils ne sont ni loués ni vendus. Les limites des terrains sont moins fixes qu’en ville ; les "cours" (l’ensemble des terrains d’habitations d’une même famille) peuvent être agrandies et/ou déplacées. Un nouveau terrain est obtenu sur simple demande faite au chef de village. Dans le second cas, où l’habitat des agro pasteurs est dispersé, cette dispersion se fait sur les champs. Lawali et al. (2014) remarquent aussi que l’installation des habitations dans les champs est un moyen de sécurisation foncière souvent observée chez les agro-pasteurs peuls ; d’où la dissémination de petits hameaux dit "garin gona". Les producteurs qui s’inscrivent dans cette logique estiment que rester sur son champ et exercer son activité est une stratégie de sécurisation durable des terres chèrement acquises. Oumarou (2008) revient sur le fait que dans ce système, la propriété de l’espace habité ne se différencie pas de celle de la terre agricole, chaque propriétaire de champ construisant sur celui-ci les maisons dont il a besoin. Ici, les champs sont cessibles et transmissibles.

Selon l’importance de la population peule dans le milieu, deux types d’accès à la terre peuvent être distingués au Niger : les zones où les Peuls sont majoritaires et celles où ils sont minoritaires (Oumarou, 2008) :

Là où les agro-pasteurs Peuls sont majoritaires, ils y ont une maîtrise politique de l’espace et leur organisation agro-pastorale y est dominante. Dans cette zone, les champs sont des propriétés individuelles, mais les pâturages relèvent de droits collectifs. En effet, la préservation des zones réservées à l’élevage fait l’objet d’un consensus général dans la population. La prégnance de ces droits collectifs sur les pâturages ne concerne toutefois que la nature de l’utilisation de ces zones et non pas le nombre ou la qualité des utilisateurs : l’accès aux pâturages est libre (toutefois une limitation s’exerce à travers le contrôle sur l’eau) à condition qu’ils ne soient utilisés que pour la pâture (Oumarou, 2008). Lorsque les agro-

Chapitre 7. Organisation socio-économique des ménages Peuls au Nord-est du Bénin : cas de la commune de Kalalé

Place de l’élevage bovin dans l’économie rurale des Peuls du Nord Bénin 134 pasteurs Peuls sont minoritaires, aucune mesure de protection des terres pour le pâturage n’est prise. Le bétail pâture en saison sèche dans les champs et dans les rares poches de brousse laissées intactes. En saison des pluies, les ovins et les bovins sont conduits en transhumance (Oumarou, 2008).

D’une manière plus générale, on peut considérer que le lien entre le foncier et le pastoral est moins fort comparé au foncier et l’agricole car il ne participe jamais d’une appropriation aussi directe ni aussi marquée que celle que constitue la possession d’un champ. L’organisation pastorale en retire un avantage : elle est plus mobile et plus adaptable aux conditions de l’année que ne l’est l’agriculture. Mais, là où les conditions écologiques permettent la coexistence de l’agriculture et de l’élevage, les espaces pastoraux sont souvent menacés, à des degrés divers, par l’accroissement des terres que cultivent les Peuls eux-mêmes ou d’autres groupes ethniques (Oumarou, 2008).

Cependant, l’ignorance et l’analphabétisme qui caractérisent les milieux villageois sont aussi des facteurs qui freinent la mise en place d’un bon fonctionnement du processus de sécurisation foncière. Beaucoup de ruraux ne perçoivent pas encore la nécessité d’une sécurisation formelle de leurs terres (Lawali, 2014).

7.9.2. Les autres ressources

Au niveau de ces ménages peuls de la commune de Kalalé, les cultures vivrières suivantes à savoir le sorgho et l'igname sont principalement cultivées pour la consommation du ménage. L'une des premières cultures, qu'on pourrait qualifier de culture de rente chez les Peuls, est la culture du maïs. De nos jours, le maïs est également utilisé pour faire la bouillie peule (boyiri), et très rarement pour faire la pâte. Dans un ménage, le fait d'utiliser le maïs pour faire la pâte est un signe de dénuement total et ne s'observe que dans la période de soudure en cas de rupture du stock de sorgho et surtout lorsque la récolte dans l'année a été mauvaise. Mis à part le maïs qui est cultivé principalement pour être vendu, d'autres cultures de rente comme le soja, l'arachide, le riz et le coton sont également produits dans les ménages peuls comme le montre le tableau 43.

Tableau 43. Superficies emblavées (ha) dans les ménages peuls pour la production agricole. Maïs Sorgho Soja Riz Igname Arachide Coton

Ménages groupe 1 4,9 4,7 1,1 0,8 2,4 0,8 1,9

Ménages groupe 2 6,5 6,5 0,6 0,4 2,5 0,3 4,5

Ménages groupe 3_1 6,8 4,5 2,8 0,7 1,9 0 9,4

Ménages groupe 3_2 2,3 2,3 2 0 1,1 0 1

Total 5,2 4,4 1,2 0,4 2 0,2 4,4

Source : Résultats d'enquêtes, 2015.

Le principal produit de cueillette, source de devises dans les ménages peuls, est la noix de karité qui est transformée en beurre et en savon. Logiquement, les femmes peules n'achètent pas d'huile au marché, ni de savon pour faire la lessive ou la vaisselle. Elles produisent elles- mêmes ce dont elles ont besoin. Mais en fonction de la quantité de noix de karité récoltée dans l'année, elles peuvent vendre une partie sous forme de beurre de karité ou de savon ; mais elles peuvent également vendre les noix.

Place de l’élevage bovin dans l’économie rurale des Peuls du Nord Bénin 135 Le bois, qui est une ressource très importante pour préparer les repas, est obtenu par cueillette dans la nature, surtout en saison sèche, où le bois sec est disponible en abondance, mais également parce qu'en cette période, il n'y a pas d'activités champêtres qui requièrent la main- d'œuvre féminine. Chaque femme mariée doit chercher la quantité qui pourrait lui suffire jusqu'à la saison sèche suivante. Elles sont souvent aidées dans cette tâche par les filles. Ces bois sont disposés en tas de forme carrée, pour chaque femme, à côté des cases comme le montre la photo 19.

Photo 19. Bois assemblé dans une concession peule.

Les ressources pastorales sont également présentes dans les ménages peuls, et constituent une de leurs principales caractéristiques, comparées aux autres groupes socioculturels. Ces ressources pastorales se composent principalement de bovins (ainsi que des produits dérivés à savoir le lait et le fromage), des petits ruminants (ovins et caprins) et de volaille.

Au sein des ménages peuls, la gestion de ces ressources varie fortement, en fonction du type de ressource concerné. Ainsi, les ressources issues de la cueillette (beurre de karité et savon) sont possédées et exclusivement gérées par les femmes, comme le montre le tableau 44. Au niveau des cultures de rente, les femmes disposent d'une plus grande autonomie de gestion seulement au niveau du soja. Pour le maïs et le riz, ce sont les hommes qui en majorité décident de l'utilisation du revenu issu de ces cultures. Le coton, principale culture de rente au Bénin est également du ressort des hommes. La gestion des ressources issues du lait et du fromage est faite en majorité par les femmes. Quant aux petits ruminants et à la volaille, les hommes et les femmes en possèdent ; et chacun décide de comment gérer les revenus qui en sont issus. C'est plutôt en grande majorité les hommes qui décident de l'utilisation des revenus issus de la vente des bovins sur pied, même dans les cas où ils sont la propriété des femmes. L'accès aux ressources dans les ménages peuls est fonction du type de ressource. Les hommes ont souvent accès à toutes les ressources qui ont une plus grande importance financière comme les ressources pastorales, agricoles et la terre. Les femmes quant à elles se contentent des ressources issues de la cueillette et de quelques ressources pastorales. Speranza (2010) fait des remarques similaires sur la gestion des ressources pastorales dans une société agro- pastorale du district de Makueni au Kenya. Au sein de cette société, les femmes ne peuvent exercer leur droit de propriété exclusive que sur la volaille, qui est une de leurs majeures sources de revenus. En revanche, les femmes ne peuvent pas vendre les caprins et les bovins sans la permission de leur mari ou sans être accompagnées par des parents de sexe masculin.

Chapitre 7. Organisation socio-économique des ménages Peuls au Nord-est du Bénin : cas de la commune de Kalalé

Place de l’élevage bovin dans l’économie rurale des Peuls du Nord Bénin 136 Par conséquent, plus il y a de volaille dans un ménage, plus la capacité des femmes de gagner de l’argent par la vente de celle-ci est élevée.

Tableau 44. Accès aux ressources au sein des ménages peuls.

Ressources Qui possède la

ressource ? (%) Qui gagne le revenu ? (%) l'utilisation du Qui décide de revenu ? (%) Bovins ♂ 19 50 69 ♂♀ 81 50 31 Petits ruminants ♂ - 37 44 ♂♀ 100 63 56 Volaille ♂ ♂♀ 100 - 23 77 23 77 Lait ♂ - - 12 ♀ 100 94 69 ♂♀ - 6 19 Fromage ♀ ♂♀ 100 - 100 - 80 20 Soja ♂ 9 27 27 ♀ 9 9 9 ♂♀ 82 64 64 Maïs ♂ ♂♀ 25 75 56 44 56 44 Riz ♂ - 50 50 ♀ 40 40 40 ♂♀ 60 10 10 Coton ♂ ♂♀ 57 43 93 7 93 7 Arachide ♂ ♂♀ 80 20 80 20 80 20 Beurre de karité ♀ 100 100 100 Savon ♀ 100 100 100

Source : Résultats d'enquêtes, 2015.