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Techniques expérimentales

VII. La méthode AEIR

L’approche d’une réaction catalytique par la micro-cinétique expérimentale impose de déterminer les paramètres cinétiques/thermodynamiques de chaque étape élémentaire impliquée dans le mécanisme cinétique plausible de la réaction. Les premières étapes élémentaires des réactions de catalyse hétérogène sont l’adsorption des réactifs qui avec celles de désorption régissent l’équilibre d’adsorption des gaz sur les surfaces. La caractérisation cinétique/thermodynamique des paramètres contrôlant les équilibres d’adsorption des réactifs (notamment la mesure des chaleurs d’adsorption) est donc l’étape initiale de toute étude

MCE. D. Bianchi et al[24] ont développé une méthode originale de mesure de chaleur

d’adsorption dite AEIR (Adsorption Equilibrium Infra Red Spectroscopy) en utilisant la spectroscopie infrarouge en mode transmission pour une exploitation quantitative des spectres. L’une des originalités de la méthode est basée sur le fait que la spectroscopie infrarouge permet de différencier les espèces adsorbées formées lors de l’adsorption d’un gaz et améliore ainsi la résolution des études des chaleurs d’adsorption. La méthode AEIR permet de déterminer les chaleurs individuelles de chaque espèce adsorbée et non la chaleur d’adsorption du gaz qui correspond à leurs moyennes. Cette méthode a été développée à partir de l’étude de l’adsorption de CO à 300 K sur Pt/Al2O3[25, 27] sous PCO= 1 kPa. Elle conduit à la formation de trois espèces CO adsorbées : linéaires, pontées et trois fois coordonnées chacune caractérisée par une bande IR bien caractéristique et leurs chaleurs d’adsorption individuelles à différents taux de recouvrement ont été déterminées démontrant l’intérêt de la méthode AEIR. Les intérêts et avantages de la méthode AEIR par rapport aux méthodes conventionnelles de mesures des chaleurs d’adsorption ou des énergies d’activation de désorption (égales à la chaleur d’adsorption pour une adsorption non activée) comme la microcalorimétrie, les méthodes de désorption à température programmée et l’équation de Clausius-Clapeyon ont été discutés dans différents articles[27, 28]. Par exemple, la méthode permet la détermination de la chaleur d’adsorption de chaque espèce adsorbée à différents

recouvrements ș même en présence d’espèces co-adsorbées[29, 30] ce qui représente un avantage significatif par rapport aux autres techniques.

Cette méthode a été utilisée dans la présente étude pour caractériser les espèces formées par l’adsorption des réactifs et produits de la NH3-SCR et elle est présentée ci-dessous. Cependant, dans le cas de l’adsorption de NH3 et compte tenu de la spécificité d’une part des espèces adsorbées d’autre part des catalyseurs, un nouveau développement de cette méthode a été réalisée pour atteindre l’objectif fixé. Ce développement sera décrit dans le chapitre II.

VII. 1. Principe de la méthode AEIR

La méthode AEIR consiste principalement à utiliser l’intensité des bandes infrarouges spécifiques d’une espèce adsorbée X pour déterminer l’évolution de son taux de recouvrement en fonction de la température d’adsorption, Ta sous une pression d’adsorption Pa constante (isobare). La courbe expérimentale θXexp = f(Ta) permet obtenir les chaleurs d’adsorption à différents recouvrements en la comparant aux courbes théoriques obtenues par des modèles d’adsorption en considérant des espèces adsorbées localisées.

a) Détermination de la courbe expérimentale

θ

Xexp = f(Ta)

La méthode AEIR repose sur l’hypothèse de la proportionnalité entre l’aire de la bande infrarouge caractéristique d’une espèce adsorbée et sa quantité sur la surface du catalyseur. Le taux de recouvrement d’une espèce adsorbée X à Ta et Pa est donné par :

max a a a a x A ) P , A(T ) P , (T ș = (I-8)

où A(Ta,Pa) et Amax sont les aires des bandes infrarouges à Ta, Pa et à saturation des sites respectivement. La valeur de Amax est obtenue en vérifiant que l’aire de la bande IR reste inchangée par augmentation de Pa à Ta constante ou par augmentation Ta à Pa constante

Lors du développement de la méthode AEIR, la validité de l’équation (I-8) a été démontré dans le cas d’espèces CO linéaire adsorbées sur des particules métalliques Pt,[25, 27] Cu[27, 31] et Ir[28] déposées sur alumine en comparant les courbes expérimentales obtenue par IR et par une méthode volumétrique. Dans le cas de Pt et Ir le domaine de validité était restreint: gamme de recouvrement 1-0.6, car la chaleur d’adsorption des espèces CO linéaires étaient très élevées. Par contre pour le Cu, l’équation a été validée sur toute la gamme de recouvrements, car la chaleur d’adsorption de CO linéaire est plus faible. Ceci a conduit à admettre que l’équation (I-8) peut être appliquée à tous types d’espèces adsorbées et de catalyseurs.

b) Espèces adsorbées localisées

L’hypothèse d’espèces adsorbées localisées permet d’obtenir une expression mathématique du coefficient d’adsorption à partir de la théorie du complexe activé et de la thermodynamique statistique :

( )

3 3 5 2 2 1 * *exp * * 2* * * a h E K R T k π m k T § · = ¨¸ © ¹ (I-9)

Comme souligné par Tompkins[32], l’hypothèse d’espèces adsorbées localisées est compatible avec la diffusion des espèces sur la surface du catalyseur nécessaire à l’obtention de l’équilibre d’adsorption. Elle signifie seulement que le temps passé par une molécule sur un site est nettement plus grand que la durée de déplacement d’un site à un autre site.

Le coefficient d’adsorption de l’équation (I-9) est obtenu en considérant des approximations sur les fonctions de partition de rotation et vibration du gaz et des espèces adsorbées. Ces approximations ont été justifiées dans le cas de l’adsorption de CO[27, 28] et seront justifiées au cours de la présente étude pour l’adsorption de NH3.

c) Modèle d’adsorption

La méthode AEIR a été appliquée principalement pour déterminer les chaleurs d’adsorption individuelles d’espèces CO adsorbées sur (a) des catalyseurs métalliques supportés sur alumine en particulier Pt[24, 25, 27], Pd[33], Cu[27], Ir[28], Ni[34], Ag[29], Au[35] et Co°[36, 37] et (b) des oxydes métalliques[34, 38]. Cependant elle a également été utilisée pour mesurer les chaleurs d’adsorption d’espèces formées par d’autres molécules comme après l’adsorption de NO sur des particules de Pt°[30]. Ces nombreuses applications ont conduit à la conclusion que les courbes expérimentales θXexp = f(Ta) correspondent :

soit au modèle de Langmuir (chaleur d’adsorption indépendante du recouvrement) :

1 1 ( * ) 1 ( * ) n a a éq n a a K P K P θ = + (I-10)

soit au modèle de Temkin (chaleur d’adsorption augmentant linéairement avec la diminution du taux de recouvrement).

¸¸ ¹ · ¨¨ © § + + ⋅ − = a a P ). K(E P ). K(E ln E E a R.T 1 0 1 0 1 1

θ

(I-11)

Les chaleurs d’adsorption à différent recouvrements sont obtenues en recherchant les valeurs de E0 et E1 conduisant au meilleur accord entre courbes expérimentale et théorique

obtenues à partir des équations (I-8, I-9 et I-11). La précision sur les valeurs de E0 et E1 est de l’ordre de 5 kJ.mol-1.

Au cours du développement de la méthode AEIR, les hypothèses incluses dans son formalisme ont été vérifiées expérimentalement. Par exemple, en considérant le cas de l’adsorption de CO sur des particules métalliques, les chaleurs d’adsorption obtenues par la méthode AEIR ont été comparées à celles des chaleurs isostériques à différents recouvrements obtenus par l’équation de Clausius-Clapeyron. Les chaleurs isostériques ne nécessitent pas d’hypothèse sur le caractère localisé des espèces adsorbées ni sur la dépendance de la chaleur d’adsorption avec le recouvrement. Cette comparaison a été réalisée pour les systèmes CO/Pt[27, 28] et CO/Ir[27, 28] et un très bon accord a été observé entre les deux méthodes validant les deux principales hypothèses de la méthode AEIR.

Les avantages de la méthode AEIR ont été détaillés dans différents articles parmi ceux-ci on peut citer :

(i) La simplicité des mesures qui ne nécessitent qu’un seul isobare permettant d’étudier par exemple l’impact des différents paramètres sur la chaleur d’adsorption comme la nature du support[39], la méthode de préparation[40], le degré d’oxydation[27], la dispersion du métal[41] et la présence de particules bimétalliques[24, 27].

(ii) Dans le cadre des études de micro-cinétique expérimentale la méthode AEIR valide l’expression du coefficient d’adsorption qui peut être intégrée à l’équation de vitesse. (iii)Elle permet d’étudier la chaleur d’adsorption d’une espèce en présence d’autres espèces

co-adsorbées telles que O2, H2, CO2[30] ce qui limite fortement l’impact sur les chaleurs d’adsorption de la contamination de la surface des solides par des traces d’impuretés. Ce point est très avantageux comparé à d’autres techniques comme la microcalorimétrie et la TPD.