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LA LOI GENEVOISE SUR L'ASSURANCE-ACCIDENTS

d' ASSURANCE-ACCIDENTS

IV. LA LOI GENEVOISE SUR L'ASSURANCE-ACCIDENTS

Après avoir examiné quelques dispositions récentes du droit fédéral, il convient d'étudier aussi la loi genevoise du 18 décembre 1959 sur l'assurance-accidents obligatoire de certains salariés (LAAO) 1. Cette loi impose aux employeurs inscrits sur les rôles de la taxe professionnelle fixe, ainsi qu'aux personnes morales de droit public, l'obligation d'assurer leurs travailleurs contre les accidents.

Sont exemptés de cette obligation les employeurs assujettis à l'assurance obligatoire de la LAMA et les employeurs agricoles assujettis à la loi sur l'agriculture.

Le critère de l'assujettissement à la taxe professionnelle fixe est peut-être pratique; juridiquement, il est cependant curieux. En effet, l'art. 301 de la loi sur les contributions publiques dispose que les communes sont autorisées (et non tenues) à percevoir une taxe

1 ROS, J/5/10, S.

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professionnelle fixe sur les personnes qui possèdent ou exploitent un commerce ou une industrie, ou exercent d'une manière continue et pour leur compte une profession lucrative ou qui font certaines opérations commerciales et industrielles. Est donc assujetti celui que la commitne a inscrit sur le rôle de la taxe.

Si l'assurance doit être contractée auprès d'une compagnie privée, la loi contient des dispositions pénales qui punissent l'employeur qui n'y a pas satisfait. Du moins, c'est ce que l'on peut inférer de l'art. 12 litt. a de la loi, qui punit celui qui contrevient à la loi et notamment« celui.qui, assujetti à la présente loi, n'est pas assuré conformément aux dispositions légales et réglementaires>>.

En réalité, l'employeur n'est pas tenu de s'assiwer, mais d'assurer autrui, ses travailleurs. Il semble bien que l'intention des auteurs de la loi ait été de punir non l'employé, comme semble le dire le texte, mais l'employeur qui n'aurait pas assuré ses employés 1.

Doivent être assurés tous les travailleurs, non seulement les salariés proprements dits, mais aussi les volontaires et les apprentis (art. 3).

Le commencement de l'assurance est, selon les conditions générales d'assurance approuvées par le Conseil d'Etat par règle-ment d'exécution du 18 novembre 1960 2, fixé au début du jour où le travailleur commence ou aurait dû commencer le travail en vertu de l'engagement; l'assurance cesse à la fin du 7me jour suivant celui auquel cesse le droit au salaire, mais, si le salarié entre auparavant au service d'un autre employeur, elle cesse la veille du jour où commence le nouvel engagement (art. 7 des conditions générales).

Le montant miniml!m des prestations assurées est fixé par la loi.

Sont couverts par l'assurance à la fois les accidents profession-nels et les accidents non professionnels (art. 1er LAAO); les primes de l'assurance des accidents professionnels sont à la charge de l'employeur et celles de l'assurance des accidents non professionnels sont, sauf convention contraire, dues par le salarié, mais doivent être avancées par l'employeur qui les déduit du salaire. Les

condi-1 Voir aussi l'art. 11 : "l'employeur non assuré est sommé par lettre recommandée de s'assurer. ..

2 ROS, J/5/10, 7.

ASSURANCE-ACCIDENTS 67 tions générales (art. 5) prévoient que sont réputés accidents pro-fessionnels les accidents de trajet; cette disposition entraîne deux conséquences :

1° ces accidents sont couverts par les primes de l'employeur;

2° ils sont couverts même lorsqu'il s'agit d'un risque pour lequel le contrat prévoit l'exemption de l'assurance en ce qui concerne les accidents non professionnels, comme notamment le risque . résultant de l'emploi de motocyclettes. ·

En ce qui concerne spécialement les accidents de motocyclette couverts par l'assurance cantonale, il convient d'observer que dans la plupart des cas, l'assuré pourra bénéficier cwnwlativenient des prestations de cette assurance et de celles de l'assurance contractée conformément aux dispositions fédérales en matière de circulation routière.

Les exceptions que l'assureur pourrait avoir en vertu de la loi sur le contrat d'assurance ou du contrat d'assurance ne peuvent être opposées à l'assuré ou aux ayants droit que si elles se fondent sur un fait personnel à l'un ou aux autres; l'assureur qui, en raison de cette disposition, n'a pu faire valoir une exception a un droit de recours contre le preneur (art. 24 des conditions générales).

Comme dans les autres systèmes récents d'assurance-accidents que nous avons passés en revue, il convient enfin d'examiner dans quelle mesure l'assurance libère l'employeur de ses obligations à l'égard du travailleur en cas d'accident. Tout d'abord, qu'en est-il de l'obligation de l'employeur de payer le salaire pendant la maladie (art. 335 et 344 CO) ?

L'art. 9 de la loi est ainsi conçu :

«En cas d'accident survenant à l'un des salariés qu'il occupe, l'employeur assujetti à la présente loi qui s'est conformé aux obliga-tions prévues à l'art. 8 relatif au paiement des primes est libéré, sauf faute grave de sa part, de toute obligation découlant des art. 335 et 344 du Code des obligations. »

.De toute évidence, cet art. 9, qui a été introduit dans la loi au cours des délibérations parlementaires, est en contradiction avec le droit fédéral. En effet, le canton n'a pas le droit de légiférer dans le

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domaine du droit civil et notamment du droit des obligations, qui est de la compétence exclusive de la Confédération en vertu de l'art. 64 de la Constitution fédérale.

Cette compétence a été utilisée par l'adoption du Code des obligations et, en conséquence, en application de l'art. 2 des dispo-sitions transitoires de la Constitution fédérale, le canton est privé du droit de légiférer dans ce domaine, régi par le droit fédéral. Au surplus, voudrait-on même, invoquant l'art. 6 du Code civil, admettre que l'art. 9 LAAO serait en réalité une disposition de droit public et non de droit civil, on devrait constater que celle-ci tend à modifier le droit civil comme tel, qu'elle est contraire à sa lettre et à son esprit, et que, d'après la jurisprudence constante du Tribunal fédéral 1, elle devrait céder ainsi le pas à la force déroga-toire du droit fédéral. En effet, au sens du droit fédéral, la question de savoir si l'employeur a ou non commis une faute dans la surve-nance de l'accident ne saurait jouer aucun rôle dans la détermina-tion du droit de l'employé à son salaire au sens de l'art. 335 CO.

Ce droit ne peut donc être qu'indépendant de la faute ou de l'absence de faute de l'employeur.

11 s'agit en conséquence de savoir, en faisant abstraction de l'art. 9 de la loi genevoise et en ayant en vue uniquement le droit fédéral, quelle est la situation de l'employeur qui a payé les primes d'assurance.

Ainsi que nous l'avons déjà dit, la charge intégrale des primes incombe à l'employeur pour l'assurance des accidents profession-nels. La législation fédérale ne· permet à l'employeur d'imputer sur le salaire dû par lui les prestations de l'assurance que lorsqu'il a payé la moitié au moins des primes d'une caisse reconnue d'assurance-maladie (art. 130, al. 1, LAMA) et elle le décharge de toute obligation de payer le salaire en cas d'accident lorsque l'employé est obligatoirement assuré auprès de la Caisse nationale (art. 130, al. 2, LAMA); elle ajoute qu'en cas d'assurance volon-taire auprès de la Caisse nationale, l'employeur est également déchargé de son obligation si les prestations assurées sont égales à celles de l'assurance obligatoire et si l'employeur a payé au moins

1 Cf. par exemple ATF 76 I 314.

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la moitié des primes (art. 130, al. 3, LAMA); toutefois, l'<< assurance volontaire» n'ayant pas été effectivement introduite, cette dernière disposition est demeurée lettre morte.

Si, dans un cas semblable, on appliquait strictement l'art. 130 LAMA 1 et si l'on admettait qu'aucune imputation ne peut inter-venir lorsque les conditions de l'art. 130 LAMA ne sont pas réalisées, on devrait aboutir à la conclusion que l'assurance n'étant contractée ni auprès d'une caisse reconnue d'assurance-maladie, ni auprès de la Caisse nationale, l'employeur ne peut ni être déchargé de son obligation de payer le salaire ni imputer les prestations d'assurance sur le salaire dû par lui.

Toutefois, une telle solution peut apparaître inéquitable, et l'on ne saurait omettre de tenir compte du fait que le législateur fédéral n'a pas envisagé le cas dans lequel un canton décréterait l'obligation pour les employeurs d'assurer les employés contre les accidents auprès d'une compagnie privée. Il y a sur ce point une lacune de la loi, qu'il appartiendrait au juge de combler.

La doctrine et la jurisprudence admettent actuellement qu'il est d'une façon générale possible de déroger contractuellement à l'art. 130 LAMA et que l'employeur peut être libéré de son obli-gation résultant de l'art. 335 CO à la condition de payer les primes d'assurance à concurrence de la moitié au moins, si, en même temps, les prestations d'assurance représentent pour l'employé un avantage au moins équivalent à ceux qui résultent de l'art. 335 2.

Il serait possible au juge de s'inspirer in casu de cette manière de voir et d'admettre l'application des mêmes principes dans la situa-tion actuellement considérée, c'est-à-dire de décharger l'employeur de toute obligation dans le cas où le travailleur reçoit de l'assureur des prestations qui, dans l'ensemble, constituent un juste équivalent de son droit au salaire. Ce sera normalement le cas, puisque, tandis que la durée du droit au salaire résultant de l'art. 335 CO est très limitée, la loi genevoise prévoit (art. 6) le paiement, en cas d'inca-pacité temporaire de travail, de 80

%

du salaire pendant 360 jours.

1 Cf. dans ce sens LAUTNER, Der Anspruch des Fabrikarbeiters auf Entgeltzahlung im Krankheitsfalle, pp. 42-43.

2 Voir sur ce point l'avis de droit de la Division de la justice du Départe-ment fédéral de justice et police, dans La Vie économique 1947, p. 267.

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Mais cette libération n'interviendrait pas pour l'assurance des accidents non professionnels, à moins que l'employeur n'en ait supporté les primes.

Il reste enfin à examiner la solution gui a été donnée à la question de savoir dans quelle mesure l'employeur qui a assuré l'employé contre les accidents est libéré de sa responsabilité civile éventuelle à l'égard de ce dernier. Les conditions générales d'assurance approu-vées par le Conseil d'Etat contiennent à cet égard une clause (art. 18) selon laquelle lorsque, en cas d'accident professionnel couvert par l'assurance, la victime ou ses survivants formulent une demande d'indemnité en matière de responsabilité civile, les indem-nités payées sur la base de l'assurance contre les accidents sont déduites des dommages-intérêts. Nous avons déjà vu une clause semblable dans l'assurance-accidents des motocyclistes, où elle est basée sur une disposition spéciale du droit fédéral. Dans le cas présentement examiné, il n'existe pas de disposition spéciale de droit fédéral qui la règle, mais la jurisprudence a admis la licéité d'une telle clause contractuelle 1 . La doctrine a admis au surplus que même sans clause spéciale du contrat d'assurance, l'imputation pouvait être faite par le preneur d'assurance 2 En revanche, si par un hasard quelconque, l'employeur est responsable d'un accident non professionnel, il ne pourra pas imputer l'indemnité d'assurance sur les dommages-intérêts, à moins qu'il n'ait pris les primes d'assurance à sa charge.

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Ainsi, au cours des années récentes, la législation fédérale s'.est efforcée de combler certaines des lacunes du système d'assurance obligatoire créé par la loi de 1911: lacunes en ce qui concerne le début et la fin de l'assurance; lacunes quant à l'assurance des motocyclistes; enfin, lacunes résultant de l'exclusion de l'agricul-ture du champ d'application professionnel de l'assurance

obliga-1 Arrêt du Tribunal fédéral du 10 octobre 1939, dans la cause V.fyss et Kônig c. Dahler, Wirz & Cie (ATF 65 II 250).

2 Voir note 2, page 56.

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toire 1. La législation cantonale s'est efforcée de combler d'autres lacunes, notamment dans le domaine du commerce et des arts et métiers, dans l'attente de la réglementation fédérale envisagée depuis longtemps et qui n'est toujours pas sous toit. Ces différentes lois constituent ainsi des mesures importantes sur la voie du déve-loppement de la sécurité sociale en Suisse.

1 Nous n'avons pas eu le loisir de décrire encore, dans cet exposé, le système d'assurance-accidents découlant des art. 84 et 85 de la loi fédérale sur la navigation maritime sous pavillon suisse, du 23 septembre 1953 (RL 1956, p. 1395) et de l'ordonnance d'exécution du 20 novembre 1956 (ibid., 1956, p. 1458 et 1957, p. 86).

DE L'IMPOSITION

du produit d'activité à but lucratif