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L'ASSURANCE-ACCIDENTS DES TRA V AILLEURS AGRICOLES

d' ASSURANCE-ACCIDENTS

III. L'ASSURANCE-ACCIDENTS DES TRA V AILLEURS AGRICOLES

La loi fédérale sur l'agriculture (L. Agr.) du 3 octobre 1951 1, a, dans ses art. 98 et 99, institué l'obligation pour l'employeur agricole d'assurer ses employés, mais ces dispositions ne sont entrées en vigueur que dès 1955, après l'adoption par le Conseil fédéral de l'ordonnance du 9 mars 1954 concernant l'assurance contre les accidents professionnels et la prévention des accidents dans l'agriculture 2.

1 RL 1953, p. 1095.

2 RL 1954, p. 480.

Bibliographie :

A. BERENSTEIN, "L'extension de l'assurance obligatoire contre les accidents», in Recueil de travaux de la Faculté de droit de Genève, 1952, Mémoires publiés par la Faculté de droit 9, pp. 263-305. - 1.La

(Suite tk la note 2 à la page suivM1te)

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Cette assurance n'est pas «obligatoire» dans le même sens que celle qui a été prévue pour les entreprises assujetties à l'assurance contractée auprès de la Caisse nationale. L'employeur qui doit y procéder n'est soumis qu'à une obligation de droit privé : s'il viole cette obligation, aucune sanction de droit public ne lui est appli-cable. Il n'y a pas non plus assujettissement d'office. En cas d'acci-dent, le travailleur qui n'a pas été assuré par son employeur ne sera donc pas mis au bénéfice des prestations d'assurance. Mais il aura alors contre son employeur certains droits, sur lesquels nous reviendrons.

Afin de parer dans une certaine mesure aux inconvénients résultant de ce système, la Confédération a conclu avec diverses sociétés d'assurance concessionnaires une convention aux termes de laquelle ces sociétés se déclarent prêtes en principe à contracter avec tout employeur assujetti à la loi 1 . Quelques cantons ont aussi autorisé les caisses-maladie reconnues à pratiquer l'assurance-accidents des travailleurs agricoles, en ce qui concerne les frais de guérison et l'indemnité journalière.

L'obligation de l'employeur ne porte que sur l'assurance des accidents professionnels, dont les primes doivent être payées par lui (pour les paysans de la montagne, avec l'aide de la Confédération et des cantons). La notion d'accidents professionnels est précisée par la loi et l'ordonnance. Sont, d'après l'art. 98 de la loi, réputés accidents professionnels tous ceux qui frappent l'assuré dans l'exercice de son emploi ou qui se produisent dans les limites de l'exploitation. Selon l'ordonnance (art. 3), celui qui se rend au travail ou en revient est aussi considéré comme exerçant un emploi et est donc couvert par l'assurance. Les «accidents de trajet» sont

(Suite de la 11ote 2 de la page précédente)

réparation des accidents professionnels d.ans l'agriculture>>, in Travail et Sécurité sociale 1954, pp. 25-28.

J. BUCHER, "Die obligatorische Unfallversicherung in· der Landwirt-schafb, in Revue suisse d'assurances 1954-55, pp. 79-85.

W. FRORIEP, Die Unfallversicherung in der Landwirtschaft, Winter-thour 1958.

C. H. WIRTH, Die obligatorische Unfallversicherung nach dem Landwirtschaftsgesetz vom 3. Oktober 1951, Berne 1958.

1 Cf. WIRTH, p. 25.

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donc, contrairement à ce qui est le cas dans l'assurance régie par la Caisse nationale, considérés comme accidents professionnels 1.

Doivent être assurés les «employés» des exploitations agricoles (art. 98 L. Agr.). L'ordonnance précise qu'il s'agit des personnes n'appartenant pas à la famille de l'exploitant agricole et qui, exé-cutant des travaux agricoles, forestiers ou ménagers, sont liées par un contrat de travail. Cette disposition interprète donc très restrictive-ment le terme «employés» et n'inclut pas les apprentis et volontaires.

Ce sont, contrairement à ce qui est le cas dans la LAMA, les rapports de droit civil qui sont déterminants, et non la situation de fait : pour qu'il y ait obligation d'assurance, il faut qu'il y ait contrat de travail au sens du droit civil. Quant aux apprentis, une autre disposition du droit fédéral prévoit également, tout en s'en remet-tant aux prescriptions cantonales, l'obligation pour l'employeur agricole de les assurer contre les accidents (ordonnance du 29 mars 1955, art. 12, al. 6 2). A Genève, cette obligation est prévue pour les accidents professionnels et non professionnels par l'art. 26 de la loi sur la formation professionnelle du 4 juillet 1959 3 (qui n'est cependant pas encore entré en vigueur) et l'art. 4 des règle-ments du 21 octobre 1960 concernant l'apprentissage de la profes-sion d'agriculteur 4 et concernant l'apprentissage de la profession de maraîcher 5.

La loi fédérale ne fixe, pour l'assurance des employés agricoles, que les catégories de prestations. Il appartient aux cantons de les prévoir d'une façon plus précise; à Genève, cela a été fait par le règlement du 7 octobre 1955 6

L'un des problèmes principaux qui se posent en relation avec cette assurance est celui de savoir dans quelle mesure l'employeur

1 Cette disposition a été critiquée par quelques auteurs (cf. BUCHER,

pp. 80-81, FRORIEP, p. 61).

2 RL 1955, p. 383.

3 Recueil officiel systématique (ROS), C/2/1.

'ROS, C/2/10.

6 ROS, C/2/11.

6 ROS, J /5/14. - Il convient d'ajouter que les prestations minimums sont fixées par le Conseil fédéral pour les régions de montagne, lorsque la Confédération est appelée à contribuer au paiement des primes (art. 98, al. 4, L. Agr.).

ASSURANCE-ACCIDENTS 63 est libéré de ses obligations en cas d'accident. Ce problème est réglé par l'art. 99 de la loi.

Tout d'abord, qu'en est-il de l'application de l'art. 335 CO, qui prévoit qu'en cas d'empêchement de travailler, l'employeur doit, dans certains cas, continuer à payer le salaire pendant une durée relativement courte ? La loi (art. 99, al. 1) prévoit à cet égard que l'employeur qui a contracté une assurance conforme aux normes légales pourra imputer sur le salaire dû par lui les indemnités journalières d'assurance. Il n'est donc pas libéré de son obligation communauté domestique, que l'employeur doit prendre à sa charge l'entretien et les soins médicaux pendant une durée relativement courte - subsistent pour l'employeur, qui pourra imputer sur sa dette les frais payés par l'assureur.

L'employeur n'est pas déchargé non plus par l'assurance de l'obligation d'indemniser l'employé dans les cas où sa responsabilité civile est engagée. Mais en cas de faute légère et aussi, naturellement, bien que la loi ne le dise pas, en cas de responsabilité sans faute, l'employeur pourra imputer sur l'indemnité éventuellement due par lui les prestations de l'assurance 1. En cas de faute grave ou d'acte intentionnel de l'employeur, le travailleur pourra réclamer à la fois les prestations de l'assurance et une pleine indemnisation

1 Le texte français de l'art. 99 L. Agr. publié dans la Feuille fédérale, 1951 III, p. 169, et distribué aux électeurs en vue de la votation populaire du 30 mars 1952, indiquait que l'employeur, "dans les limites des prestations assurées, ne répond pas d'une faute par négligence légère». Le texte était erroné, ce que nous avons fait remarquer dans notre étude publiée en 1952, pp. 278-279. En 1953, lorsqu'il a promulgué la loi et l'a insérée dans le Recueil des lois fédérales, le Conseil fédéral a purement et simplement rétabli le texte adopté le 4 avril 1951 par le Conseil national et le 25 septembre 1951 par le Conseil des Etats, mais qui a dû être modifié par erreur lors du vote final : «l'employeur, dans les limites des prestations de l'assurance, ne répond pas d'une faute par négligence légère», c'est-à-dire que l'employeur est libéré de son obligation à concurrence des prestations effectivement fournies par l'assureur. Le texte publié dans la Feuille fédérale et celui qui figure au Recueil des lois sont donc différents, sans que la Chancellerie fédérale ait jugé utile de signaler cette différence au lecteur!

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à son employeur. Il sera alors indemnisé au-delà de son préjudice, tout comme, d'ailleurs, dans le cas où un tiers est responsable de l'accident.

Dans l'hypothèse où l'employeur n'a pas assuré son employé ou ne l'a assuré qu'insuffisamment, l'art. 99, al. 2, donne une solution qui est incompatible avec la logique la plus élémentaire.

Il distingue entre le cas où l'employeur n'a pas commis de faute -et dans ce cas il répondrait dans la mesure où des prestations d'assurance auraient dû être versées - et celui où il a commis une faute et où il peut être tenu au-delà des prestations qui auraient dû être versées par l'assureur. Si l'on admettait cette disposition

dans. sa teneur littérale, on aboutirait à la solution suivante :

lorsque l'employeur a assuré son employé et qu'il n'a pas commis de faute tout en étant civilement responsable, par exemple en application de l'art. 58 CO (responsabilité du propriétaire d'ouv-rage), il doit payer le dommage qui dépasse les prestations de l'assurance, tandis que s'il n'a pas assuré son employé, celui-ci ne recevrait de l'employeur que des prestations équivalentes à celles qu'aurait dû payer l'assurance. Ce que le législateur a sans doute voulu dire, c'est que l'employeur qui n'est pas civilement responsable doit payer une somme égale aux prestations quri auaient dû être à la charge de l'assureur. Quant à l'employeur qui est responsable en raison de sa faute, il doit payer cumulativement la pleine indem-nité résultant de sa responsabilité civile et la contre-valeur des prestations d'assurance. Pour tenir compte dans la plus large mesure possible du texte légal, tout au plus peut-on admettre enfin que l'employeur qui n'a pas commis de faute et qui est civile-ment responsable n'aura à payer que l'un de ces deux montants, celui qui est le plus élevé.

L'art. 99, al. 3, rend l'employeur responsable de la partie des prestations de l'assurance qui ne sont pas versées à l'assuré par suite d'exceptions tirées du contrat d'assurance et dont l'employeur doit répondre. C'est ainsi que si l'employeur a commis une faute grave, l'assureur peut réduire sa prestation au salarié en application de l'art. 14, al. 2, LCA et, dans ce cas aussi, l'employeur aura à payer non seulement la pleine indemnité résultant de sa responsabilité civile, mais encore la différence entre la prestation complète

ASSURANCE-ACCIDENTS 65 qu'aurait à payer l'assureur et la prestation réduite que celui-ci paie en application de l'art. 14 LCA.

On peut dire en résumé que l'obligation d'assurance instituée par la loi sur l'agriculture n'est rien moins que satisfaisante. Elle n'est satisfaisante ni pour le travailleur ni pour l'employeur.

Elle n'est pas satisfaisante pour le travailleur parce qu'elle ne lui donne aucune garantie en cas d'insolvabilité de l'employeur qui ne l'a pas assuré. Même en cas d'assurance, l'assuré peut ne recevoir qu'une indemnité réduite s'il y a eu faute grave de l'employeur dans la survenance de l'accident, ou aucune indemnité quelconque s'il y a eu faute intentionnelle. Dans ce dernier cas, où l'on aurait dû accorder plutôt une protection particulière à l'assuré, celui-ci ne recevra rien si son employeur est insolvable. Quant à l'employeur, si, par suite d'impécuniosité ou pour une autre raison, il n'a pas payé les primes, il peut se trouver exposé à subir partiellement les circonstances d'un accident, alors même que, d'après le droit commun, il n'en serait pas du tout responsable.

IV. LA LOI GENEVOISE