• Aucun résultat trouvé

Chapitre 2 : La question environnementale, un double enjeu pour la logistique urbaine

4.2. La logistique urbaine durable comme approche

Pour J. Gonzalez-Feliu (2017), J. Morana (2013), et d’autres auteurs, c’est le concept logistique urbaine durable qui est la solution. Mais ce concept ne se cantonne pas à proposer des solutions seulement dans le contexte du desserrement logistique. Gonzalez-Feliu (2017) pense en effet que

« la logistique urbaine durable est l’ensemble des activités de logistique et de transport de marchandises dans une aire urbaine qui sont économiquement viables, contribuent à l’amélioration de l’environnement et de la qualité de vie ainsi que des aspects sociaux, ont des schémas logistiques bien identifiés, connus et compris, offrent des possibilités d’action pour le changement bien identifiées, des moyens de réduction de nuisances étudiées, proposent des possibilités d’anticipation, dans une vision dynamique et d’amélioration continue » J. Gonzalez-Feliu, 2017 :67).

Les solutions de logistique urbaine durable passent alors par six éléments incontournables que sont les infrastructures, les véhicules et matériels logistiques, l’organisation logistique et des transports, les technologies d’information et de communication, la communication, le financement et la règlementation.

Les enjeux autour des infrastructures concernent la qualité mais aussi l’optimisation de la gestion de deux types d’infrastructures : les ELU qui constituent des nœuds et points de ruptures de charges, et les infrastructures linéaires, notamment ferroviaires et routières, la voirie urbaine en particulier.

Au sujet des véhicules et matériels logistiques, l’innovation en matière d’outils d’assistance au chargement-déchargement et à l’entreposage, en matière de véhicules de transport électrique, mais aussi aux biocarburants, l’implication du tramway constituent autant d’expérimentations dont le succès et l’exploitation intelligente aideront à la maîtrise de l’impact environnemental de la livraison sur le dernier kilomètre. Mais ceci passe nécessairement par la mise en place

d’une organisation logistique rigoureuse et efficace, impliquant à la fois la gestion optimisée des flux physiques et la gestion optimale des flux d’information, grâce aux nouvelles technologies d’information et de communication et à la mise en place d’un excellent réseau de communication. La communication semble importante parce que, si les nouvelles solutions ne sont pas suffisamment vulgarisées auprès de tous les acteurs, l’ensemble du système ne pourra en profiter. La règlementation assurée par la puissance publique, qui peut être restrictive ou incitative, à l’exemple des « bonus-malus » dans le secteur automobile devra, elle aussi, évoluer sans cesse et s’adapter aux avancées dans le secteur (J. Gonzalez-Feliu, 2017).

4.3. Une réflexion de plus en plus amplifiée : prendre en compte l’urbanisme et les formes urbaines

De plus en plus de réflexions vont dans le sens d’une prise en compte du système urbain tout entier. Devant le constat et les externalités négatives liées au desserrement logistique, L. Dablanc et D. Andriankaja (2011), proposent un « urbanisme logistique » pour atténuer les effets de ce desserrement logistique qui se généralise. Cette solution implique la prise en compte dans l’aménagement urbain des espaces logistiques urbains qui ne seraient plus réservés au périurbain. Les avantages seraient économiques avec l’amélioration de la performance de la logistique urbaine. Ils seront aussi environnementaux avec la réduction des flux de véhicules utilitaires légers desservant le centre-ville et de leurs impacts environnementaux, et sociaux. Ainsi par exemple, les emplois du secteur de la logistique seront plus accessibles aux résidents des zones urbaines plus denses, ceux-ci pouvant désormais y aller en transports en commun (L. Dablanc et D. Andriankaja 2011). Mais un des nombreux enjeux à affronter dans cette entreprise concerne la professionnalisation du secteur de l’immobilier logistique. N. Raimbault (2015-b) parle de l’émergence d’une « industrie de l’immobilier logistique » et souligne que l’immobilier logistique échappe progressivement au contrôle du secteur public et tombe aux mains de groupes industriels (N. Raimbault 2015-b). Ceux-ci ne vont pas forcément aider à une insertion de leur filière dans les schémas d’aménagement global des territoires urbains concernés.

Dans cette réflexion sur la nécessité d’intégrer les lieux logistiques dans l’urbanisme, les travaux de N. Raimbault (2015-a) soulignent des signaux faibles qui pourraient intéresser une analyse à l’échelle territoriale (métropolitaine). La ville de Compans en Ile-de-France choisie comme exemple, accueille des plateformes logistiques à qui elle doit plus du tiers de ses recettes fiscales. Mais les habitants de cette commune décrite par son maire comme une commune riche

101

de pauvres n’ont-ils droit à la ville ? Réfléchir à l’urbanisme logistique, c’est peut-être aussi ouvrir un débat sur le problème de la justice spatiale qui peut être posé aussi en termes environnemental.

La question du lien entre les lieux logistiques et plus généralement les formes urbaines tout comme la réflexion sur la logistique urbaine a aussi préoccupé A. Béziat(2017). Il établit une osmose d’influence entre les formes urbaines aussi bien fonctionnelles que physiques et le système de transport en général. Mais, il aborde les flux de logistique urbaine dans ce que nous avons appelé plus haut « une approche transporteur ». Il défend alors l’idée selon laquelle le TMV subit plus qu’il n’influence les formes urbaines, évoquant notamment l’allongement des distances de livraison et l’accroissement de l’impact environnemental en contexte de desserrement logistique. Aussi A. Béziat (2017) reconnaît que la localisation du commerce par exemple peut influencer les caractéristiques opérationnelles de la livraison mais aussi l’impact environnemental. Il soutient cependant que la localisation du commerce n’influence pas directement la demande en marchandises, ce qui pourrait être cohérent avec l’ensemble des approches gravitaires de modélisation. Mais au sujet de la demande en marchandises, une modélisation de la demande prenant en compte les choix individuels de déplacement d’achat, qui par ailleurs obéissent de moins en moins aux logiques qui gouvernent la délimitation des zones de chalandises, n’offrirait-elle pas une vision complémentaire ? Cette question est centrale pour notre réflexion.

L. Dablanc, M. Savy, Veltz, Culot et Vincent (L. Dablanc et al., 2017) dans le rapport Terra Nova 2017 insistent sur le fait que, pour réduire l’impact environnemental des flux de transport de marchandises, « l’entrepôt doit retrouver sa place en ville » (L. Dablanc et al., 2017 : 97). Ils pensent que son insertion dans la programmation urbaine est possible et nécessaire, grâce à la mixité fonctionnelle, en intégrant par exemple « des fonctions de dépôt et enlèvement par les particuliers, de paquets et marchandises », et que la législation devrait permettre « la juxtaposition au sein d’un même bâtiment de surfaces logistiques et de surfaces d’activités, tertiaire et productive » (Dablanc et al., 2017 : 99). Mais à côté de ce débat qui commence par s’amplifier sur l’ « urbanisme logistique », c’est peut-être l’ensemble des formes urbaines, et notamment les localisations aussi bien résidentielles que commerciales par exemple qu’il faudra prendre en compte dans la réflexion sur la logistique urbaine.

5. Management environnemental des entreprises et flux de logistique urbaine : l’autre enjeu incontournable.

En tant qu’acteurs économiques, les parties prenantes de la logistique urbaine et notamment les transporteurs et les commerçants sont soumis à des obligations environnementales. Au sujet des transporteurs, ces obligations peuvent être de l’ordre de la règlementation des pouvoirs publics locaux ou relever du cadre législatif et règlementaire national. D. Andriakaja (2014) documente par exemple l’obligation d’affichage CO2 imposées aux transporteurs de

marchandises.

Mais au-delà des obligations, le management environnemental et la Responsabilité Sociétale des Entreprises (RSE), démarches volontaires a priori, s’imposent tacitement dans le monde des entreprises entre autres pour les nombreuses externalités positives qu’elles procurent. La prise en compte des préoccupations environnementales dans le management de l’entreprise intègre désormais les stratégies managériales, sous la forme par exemple de Contrôle de Gestion Environnemental (CGE), concept développé entre autres par les travaux de S. Marquet-Pondeville (2001) et N. Antheaume, (2012).