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Chapitre 2 : La question environnementale, un double enjeu pour la logistique urbaine

1.1. L’environnement

Pour résumer les nombreuses définitions dans la littérature et la lexicographie généraliste, l’environnement peut se définir globalement comme étant le système qui conditionne la vie humaine, à la fois déterminant pour cette vie et l’enveloppant. Ce système subit inéluctablement des pressions pour l’épanouissement de cette vie, mais son équilibre nécessite d’être maintenu. Il émerge d’abord en effet de plusieurs définitions le caractère englobant de l’environnement. Y sont inclues à la fois les dimensions relatives à la culture et à la nature, qui sont inhérentes à la vie humaine. Ensuite, plusieurs définitions insistent sur l’osmose des influences entre l’action anthropique et la nature. Ces influences peuvent être constructives, ou à l’opposé néfastes. On retrouve par exemple dans l’ouvrage The urban condition, people and policy in the metropolisis, de L. Duhl (1963), une définition qui semble être encore d’actualité. Elle a été traduite de l’Anglais par F. Choay (1965) :

« L’environnement lui-même est toujours davantage la création de l’homme, mais à son tour, il réagit sur l’individu humain et l’affecte d’innombrables façons… L’homme n’est pas seulement, comme l’animal, un élément d’un système écologique. Il modifie ce système, en crée de vastes secteurs et, par contrecoup, est à son tour modifié par lui. Dans l’écologie de l’homme, l’individu humain isolé, les groupes humains, les créations de l’homme, leurs sous- produits et leurs déchets, deviennent des variables d’une importance considérable » (L. Duhl, 1963 : 61-62 ; F. Choay, 1965 : 379).

Les définitions officielles proposées dans différents pays s’écartent rarement de cette vision englobante de l’environnement qui implique à la fois nature et culture. Les éléments que chaque pays souhaite voir pris en compte dans l’évaluation environnementale peuvent cependant varier. P. André et al (2010) le montrent avec l’exemple de l’Union européenne, du Québec, du Bénin, de la Côte d’Ivoire, de Madagascar et de Centrafrique.

La France est reconnue dans le monde comme un pays pionnier en matière de gestion et de protection de l’environnement. Curieusement, son cadre législatif et règlementaire

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environnemental que constitue le Code de l’environnement ne donne aucune définition de la notion d’environnement. Dans la partie législative de ce code de l’environnement, le législateur prend plutôt soin dès le début, comme on peut le lire à l’article L110- Livre 1er, Titre 1er, de

délimiter une partie du patrimoine commun national sur laquelle porte ses dispositions :

« Les espaces, ressources et milieux naturels terrestres et marins, les sites, les paysages diurnes et nocturnes, la qualité de l'air, les êtres vivants et la biodiversité font partie du patrimoine commun de la nation. Ce patrimoine génère des services écosystémiques et des valeurs d'usage. Les processus biologiques, les sols et la géodiversité concourent à la constitution de ce patrimoine » (Légifrance, 2018)9 .

La précision de patrimoine commun national peut faire penser à une limitation qui ne vise pas à prendre compte l’aspect global de l’environnement, mais il est immédiatement rappelé dans la suite du même article l’objectif de développement durable, défini au sens du Rapport Brundtland (2007), pour inclure cet aspect global.

Sur un plan plus scientifique, on retrouve dans la littérature plusieurs définitions à caractère disciplinaire où l’environnement est plutôt rapproché de la nature. La raison principale en est que les grands enjeux de la réflexion environnementale concernent les menaces qui pèsent sur la nature et par ricochet sur la vie humaine du fait de l’action anthropique. En témoignent le Rapport Meadows du Club de Rome (D. H. Meadows et al, 1972) et le Rapport Our common future (CMED10, 1987). On se rend cependant très vite compte que la nature en soi ne suffit pas à l’épanouissement de la vie humaine. A celui-ci sont aussi inhérentes la transformation et la consommation de ressources prélevées sur cette nature.

J. G. Vaillancourt (1996), dans une approche sociologique, définit l’environnement comme étant un système organisé, dynamique et évolutif de facteurs naturels et humains où les organismes vivants opèrent et où les activités humaines ont lieu. Les facteurs naturels peuvent être physiques, chimiques ou biologiques alors que les facteurs humains relèvent de l’économique, du politique, du social ou du culturel. Ils influencent directement ou non, dans l’immédiat ou à long terme, l’ensemble des êtres vivants et des activités humaines (J. G. Vaillancourt 1996).

9 Code de l'environnement - Dernière modification le 01 janvier 2018 - Document généré le 12 janvier 2018.

10 Commission Mondiale pour l’Environnement et le Développement des Nations Unies. Elle est devenue Commission Brundtland en 1987,

En partant, entre autres, de cette définition, on peut diviser l’environnement en quatre ensembles de composantes. Il s’agit des composantes biophysiques, structurelles, des composantes d’activités et des composantes générales de la communauté. Avec les deux premières, l’être humain entretient des relations affectives-sensorielles. Par contre, avec les composantes d’activité et les composantes générales de la communauté, ses relations sont fonctionnelles, comme synthétisé dans le tableau II-1. (André et al., 2010).

Tableau II-1 : les relations de l’homme avec les composantes de l’environnement (André et al., 2010 : 37)

Composantes de l’environnement

Biophysiques Structurelles D’activités Générales de la communauté Qualité de l’air Qualité de l’eau Ambiance sonore Biodiversité Habitat Réseaux Paysages Ecoles Lieux de travail Lieux commerçants Lieux de repos Lieux de loisir et de récréation Biens Services Confort Relations à l’environnement Affectives-sensorielles Fonctionnelles Attachement identitaire Tranquillité

Sécurité physique, matérielle, financière. Sociabilité Esthétique Prélèvement Pollution Aménagement Accès Nuisance Rapports culturels Fonctions récréatives

L’attachement identitaire, la tranquillité, la sécurité, la sociabilité et l’esthétique sont des exemples de relations affectives sensorielles que l’homme peut entretenir avec les composantes biophysiques de l’environnement que sont l’air, l’eau, la biodiversité, le climat ou l’ambiance sonore ; ou avec les éléments structurels de la communauté comme l’habitat, le paysage ou les réseaux. Pour l’appliquer à la logistique urbaine, comme nous le verrons plus loin, les préoccupations environnementales se traduisent souvent par un sursaut pour protéger au mieux le milieu urbain des nuisances créées par le transport de marchandises. Les liens de l’environnement urbain à la qualité de vie sont ainsi fondés. Cependant, les actions nécessaires pour le maintien ou l’amélioration de la qualité de vie en ville peuvent provoquer la dégradation

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de l’environnement dans un milieu pour protéger l’environnement dans un autre. On se retrouve alors dans le second groupe de relations que l’homme ou la collectivité entretient avec son milieu : les relations fonctionnelles. Elles concernent les pressions que l’individu ou la collectivité exercent : prélèvement-exploitation, pollution, aménagement, accès-distribution, nuisance, rapports culturels et loisirs. Elles sont exercées par l’humain dans les lieux d’interaction sociales et sur les composantes générales de la communauté. Mais elles sont aussi subies par les composantes biophysiques et structurelles de l’environnement. Ces pressions peuvent être exercées sur l’environnement en un lieu, dans l’optique de créer un « environnement sain » ailleurs.

Cela peut s’illustrer par le cas de la substitution des véhicules de transport à énergie fossile par des véhicules électriques. La réduction des émissions de polluants et de consommation d’énergies fossiles nécessite que des pressions de « prélèvement-exploitation » soient exercées sur l’environnement quelque part sur la terre, pour la fabrication des composantes et le fonctionnement des véhicules électriques. Elle implique aussi une autre pollution par le déversement en fin de vie de déchets dangereux. On peut aussi citer en exemple, les éco- quartiers et les zones de faibles émissions (ZFE). Ils permettent simplement, au nom de la qualité de vie en un milieu, de maintenir les émissions de polluants dans d’autres milieux. Les ZFE sont des espaces délimités en milieux urbains denses pour réduire l’exposition de la population aux polluants émis par la circulation. C’est un outil réglementaire avec lequel les collectivités peuvent imposer des normes aux véhicules circulant dans ces zones. Mais s’agit-il toujours d’espaces où convergent plus de flux en comparaison aux zones non concernées ? Si ce n’est pas le cas, alors ces ZFE pourraient, en plus du déplacement d’impacts déjà provoqué, se transformer en une sorte d’outil de gentrification environnementale.

La prise en compte des préoccupations environnementales dans une action, une politique d’ensemble ou un projet à réaliser permet d’en maîtriser les conséquences, qu’on exprimera en termes de pression ou d’impact sur l’environnement. Il s’impose donc d’évaluer les actions pour identifier les enjeux en présence afin de conduire l’action en minimisant les inconvénients.

1.2. Evaluation environnementale, impact et pression sur l’environnement