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Chapitre 2 : La question environnementale, un double enjeu pour la logistique urbaine

1.3. Enjeux environnementaux : une question subjective ?

Toute évaluation environnementale nécessite que l’on identifie les enjeux environnementaux en présence. D’après les travaux de N. Gondran (2015), un enjeu environnemental désigne une préoccupation majeure susceptible de faire pencher la décision en faveur ou en défaveur d’un projet. Cette préoccupation peut être écologique, patrimoniale, sociologique, de qualité de vie ou de santé. Les enjeux environnementaux peuvent ainsi être classés en quatre catégories :

- le changement climatique, - les effets sur la biodiversité, - les effets sur la santé humaine et

- l’utilisation excessive des ressources naturelles (N. Gondran, 2015).

P. André et al (2010) bien qu’épousant la même définition d’un enjeu environnemental, s’inspirant de Holling (1978) et Duiker (1983), proposent les six groupes suivants comme les enjeux environnementaux les plus courants :

- La santé et la sécurité publique ; - Le développement économique ; - La qualité de vie ;

- L’exploitation, la protection ou la conservation de ressources et de territoires exceptionnels, protégés, exploités ou exploitables ;

- Les modes de vie traditionnels et

- Les déplacements de population (P. André et al., 2010).

Mais comment identifier objectivement et affecter un ordre de priorité aux différents enjeux que pourrait soulever une politique, un plan ou un projet ?

Pour N. Gondran (2015), c’est là que se positionne l’évaluation environnementale, et l’absence de subjectivité n’est pas garantie. Selon elle, l’évaluation environnementale, stratégique notamment, permet d’assurer la participation du public. Or, dans le cadre de cette participation, il est difficile de faire représenter tous les intérêts, et c’est là un défi pour l’évaluation environnementale :

« Certains enjeux environnementaux, directement liés à la qualité de vie des milieux habités ou utilisés par les acteurs forts, peuvent être portés dans les débats par certains acteurs. Mais la tâche de représentation devient encore plus ardue lorsque les enjeux sont planétaires.

81 Il est en effet, dans ce cas, difficile d’identifier des acteurs sur le territoire qui se sentent personnellement impliqués pour passer du temps dans des négociations pour défendre des enjeux qui ne les touchent pas personnellement » (N. Gondran, 2015 : 68).

Dans le secteur du transport, S. Le Féon (2014) dresse les principaux enjeux environnementaux et les classe en trois groupes. Il s’agit de l’émission des gaz à effet de serre, de l’émission des polluants règlementés des transports et des « autres enjeux ». Au nombre de ces enjeux, figurent la réalisation des infrastructures de transport, la consommation de ressources rares telles que celles entrant dans la fabrication des batteries de véhicules électriques, et les déchets non biodégradables.

Les principaux gaz à effet de serre concernés sont le CO2, le méthane (CH4), le protoxyde

d’azote (N2O), les Perfluorocarbures (PFC), les hydrofluorocarbures (HFC) et l’hexafluorure

de soufre (SF6). Les gaz à effet de serre sont caractérisés par leur pouvoir de réchauffement

global (PRG), calculés à un horizon de temps donné, en fonction de leur durée de vie. Le CO2

ayant une durée de vie d’environ 100 ans dans l’atmosphère, il est retenu par convention comme référence, et son PRG vaut 1. Il est ainsi plus aisé d’exprimer les autres gaz à effet de serre en équivalent CO2 (CO2é). Quant aux polluants règlementés des transports, ils sont ciblés parce

que le secteur des transports a été identifié comme l’une de leur principale source, et proviennent essentiellement de la combustion de carburant dans les véhicules à combustion interne. Il s’agit notamment de quatre groupes de polluants que sont les oxydes d’azote (NOx), le monoxyde de carbone (CO), les particules en suspension (PM) et les composés organiques volatiles (COV) (S. Le Féon, 2014). Les polluants règlementés du transport sont ceux pour lesquels les normes européennes antipollutions prescrivent des limitations. Entre autres, les travaux de G. Deletraz (2002) et de M. Geyer (2012), mais aussi de R. Joumard (2003) permettent de documenter l’historique de cette normalisation de la pollution automobile. La règlementation des émissions de monoxyde de carbone et d'hydrocarbures imbrûlés des voitures particulières à essence neuves mises sur le marché a commencé dès 1970, mais c’est en 1976 qu’a été introduite une limitation des émissions d’oxydes d’azote. Cette limitation sera étendue en 1983 aux véhicules diésel, avant que la directive 88 / 76 / CEE, ancêtre immédiat des normes Euro, applicable à partir de 1990, n’impose progressivement l'introduction d'un pot catalytique sur les voitures à essence et ne réglemente la valeur limite pour les particules, applicable aux voitures diesel. La règlementation des poids lourds est effective depuis 1990, celle des véhicules utilitaires légers depuis 1994 et celle des deux-roues motorisés depuis 2000. (G. Deletraz, 2002 ; Geyer, 2012 ; R. Joumard, 2003). Les normes « Euro » successives, sous forme de directives consolidées, sont intervenues à partir de juin 1991, applicables pour les premières

(Euro I) à partir de 1993, pour l'ensemble des véhicules neufs, à l’exception des véhicules diesel à injection directe pour lesquels l’application est reportée à 1995. Ces normes Euro prennent en compte désormais les émissions de CO, d’HC, de NOx et de PM.

2. Logistique urbaine et environnement : y a-t-il un parti pris pour la qualité de vie ?

Les politiques de densification urbaine et de promotion d’une mobilité urbaine « durable » sont associées à la qualité de vie en ville. Plusieurs travaux scientifiques les associent aussi à un ensemble de politiques urbaines de promotion de la ville lente, propre et verte pour rejeter le vulgum pecus en dehors (Y. Chalas et G. Dubois-Taine, 1997 ; M. Jenks et al., 1996 ; H. Reigner, 2013-a et 2013-b ; F. Scherrer, 2013,). Avant de nous poser la question du parti pris sous l’angle de l’émission des polluants, attardons-nous un peu sur cette critique qui dénonce une gentrification sous forme de néohygiénisme en milieu urbain.

2.1. Environnement urbain ou néohygiénisme: la qualité de vie en ville serait-elle une