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2. Le cas de l’Algérie : vision panoramique

2.5 La langue française dans le système scolaire algérien

L’institution éducative comme a toujours était le cas et comme un peu partout dans le monde est le lieu où se centralisent les lignes de force de la société. Or la place attribuée au français et à l’arabe à l’école algérienne est inconstante depuis l’indépendance (arabisation, français « langue étrangère ») et se spécifie naturellement par la domination de l’idéologique et du politique sur les paramètres sociaux et linguistiques. L’arabisation a impliqué qu’à l'avenir, le français est une langue étrangère étudiée pour elle-même et non utilisée pour l’apprentissage d’autres matières, elle ne doit renfermer de ce fait, aucune dimension culturelle ou esthétique et doit s’en tenir donc au plan linguistique. Le français n’est donc, plus considéré comme langue d’enseignement mais comme matière à enseigner. L’arabe devient principalement langue de culture. Le volume horaire imparti à l’enseignement du français a été considérablement réduit et les conditions d’ensembles dans lesquelles s’effectue l’apprentissage du français au niveau de tous les paliers (à partir du primaire jusqu’au secondaire) ne permettent qu’à une frange d’élèves d’acquérir une certaine compétence dans

89 milieu familial.

Il a été longtemps considéré comme tabou de discuter de certaines questions linguistiques comme : « quelle norme pour l’arabe ? » (Dialectal, littéral…), « comment utiliser au mieux ce que Kateb Yacine appelait autrefois un butin de guerre ? ». Aujourd’hui, les insuffisances de la politique linguistique scolaire sont évidentes et déclarées même par certains enseignants et didacticiens algériens. La baisse du niveau scolaire est devenue une réalité indéniable. « Les mesures d’arabisation étant généralement prises dans une optique politicienne […] se sont donc traduites par un abaissement du niveau des études, par une carence pédagogique grave ». (GrandGuillaume, 1998 : 20)

Selon Malika BoudaliaGreffou - discutant la problématique de « l’algérianisation de l’enseignement » et de la création d’une « méthode nationales d’enseignement » pour l’arabe et le français - il y a un amalgame ambiguë puisque il y est fait plus ou moins tacitement référence à des méthodologies didactiques internationale principalement d’inspiration strucruro-globale. Selon le même auteur cette contradiction a donné « le syllogisme suivant : je suis nationaliste, or la méthode d’enseignement est nationale, donc j’adhère. Suivant, ce syllogisme, toute personne qui n’adhère pas se voit soupçonnée et taxée d’antinationaliste et par là même d’être excommuniée ». (1989 : 19)

En ce qui concerne, les manuels de français, il a été constaté qu’il y avait une inadéquation flagrante pour une progression efficace de l’enseignement/apprentissage du fait d’un triple changement méthodologique. (Cuq, 1992 : 149)

En effet, les élèves algériens passent initialement par une méthode syllabique du type français langue maternelle dont le manuel tient son origine d’un livre avec lequel des générations de petits enfants ont appris à lire en France, ensuite par une méthode structuro-globale de type français langue étrangère et enfin terminent (classes de terminales) par une méthode qui se rapproche encore une fois d’une méthode de langue maternelle avec un manuel qui utilise des techniques comme la grammaire de texte utilisée également en France.

Nous constatons donc qu’on est loin de la réalisation d’une pédagogie « nouvelle » et « nationale » se qui révèle d’ailleurs l’absence d’une véritable réflexion au niveau de la « conceptualisation ».

Outre, les manuels scolaires qui semblent rater leurs objectifs pédagogiques, la langue française s’est trouvée en compétition avec l’anglais dès l’année 1993 après une conjoncture politique avec laquelle l’enseignement de l’anglais devient possible comme première langue

90 devaient choisir la première langue étrangère de leurs enfants.

D’après une analyse des statistiques du Ministère de l’Education Nationale12, effectuée par Derradji Yacine (2002), l’enthousiasme relatif ressenti à l’égard de l’anglais les premiers temps, s’est vite rétracté et une nette préférence pour le français a fait surface après une confrontation avec la réalité socioculturelle et sociolinguistique du pays où il apparaît que la langue anglaise est inexistante dans l’environnement de l’enfant alors que le français y est profondément ancré. En effet, l’anglais n’est utilisé que par les professeurs d’anglais et quelques interprètes au moment de l’exercice de leurs fonctions et presque jamais ailleurs. Le français s’avère comme indispensable pour réussir son parcours estudiantin ainsi que pour avoir de meilleures chances dans le monde du travail. L’anglais par contre, est considéré comme important pour la poursuite des études à l’étranger ou pour faire des études très poussées dans un domaine de recherche spécifique.

C’est avec l’institution éducative que la problématique des langues a été posée (voir tableau ci-dessous) ; et c’est à travers elle, aussi, qu’on a pensé pouvoir résoudre les statuts et rôles des langues nationale et étrangères. Alors que les langues vernaculaires ont été sacrifiées au nom de l’homogénéité linguistique et du nationalisme. Même l’identitaire qui aurait pu être la bouée de sauvetage du berbère n’était pas toujours la priorité du politique malgré ses discours et ses slogans qui prêchent l’authenticité et l’algérianité. C’est par cette politique que l’état pense unir le peuple. Un peuple déjà uni de par son histoire. (Miliani, 2004 : 214)

12 Données statistiques 1995/1996 Ministère de l’Education Nationale. Direction de la planification, n°34,ONPS. Données statistiques 1997/1998 Ministère de l’Education Nationale. Direction de la planification, n°36,ONPS.

91 Langue nationale

(planification statutaire par les grands textes)

Langues étrangères

(planification statutaire par le biais de l’école)

- Mise en exergue du nationalitaire : authenticité et identité nationale.

- Procédé d’homogénéisation linguistique rapide par l’arabisation.

- Mise à l’écart des langues maternelles par cécité culturelle.

- Développement de la langue scolaire par exclusion/négation des parlers populaires.

- Réduction du champ d’intervention des langues (introduction de l’optionnel au lycée).

- Plus d’importance pour l’anglais (contre la réalité sociolinguistique).

(Miliani, 2004 : 215).

Cette politique éducative a crée chez les générations post-indépendance un malaise linguistique où le plurilinguisme est de plus en plus ressentie non pas comme une richesse mais comme un handicap douloureux. Les élèves sont déstabilisés et déstructurés à tous les niveaux et semblent frappés par un « demi-linguisme ». « Ne parle-t-on pas déjà d’analphabètes bi/trilingues que produit chaque année l’école algérienne ?». (Miliani, 2004 : 217). En effet, on a remarqué, aussi bien au niveau de la société qu’au sein de l’école, l’avènement d’un phénomène linguistique alarmant qui a commencé à prendre forme : il s’agit de l’usure langagière. Au lieu d’œuvrer pour l’épanouissement linguistique des apprenants, les politiques linguistiques étaient la source de dépérissement des langues qui se fait sentir de plus en plus avec l’abandon de l’aspect normatif aussi bien à l’oral qu’à l’écrit. « Faut-il donc annoncer la mort dans un temps assez court des dialectes voire des langues par un processus de pidginisation ? » (Miliani, 2004 : 217)

92 Court terme

- Spirale de l’échec : BAC 32.29% en 2000

- Manipulation politicienne plus qu’aménagement.

- Ostracisme linguistique en dépit de la constitutionnalisation du Berbère.

Long terme

- Pidginisation/créolisation des langues par usure langagière. - Demi-linguisme

- destruction identitaire (identité plurielle VS unique) -Anomie sociale (pertes des repères sociétaux)