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Analyse et commentaires des résultats du questionnaire

2. L’enquête par questionnaire

2.5 Analyse et commentaires des résultats du questionnaire

· Les questions relatives au « statut informel » de la langue

(Deuxième partie du questionnaire, questions n°1, 2, 3, 4, 5 et 6)

Comme nous l’avons déjà mentionné au paravent, l’intérêt de la deuxième partie du questionnaire et de déterminer les représentations que se font les enquêtés de la langue française. Nous avons pu à travers les réponses à la question n°2 savoir que la majorité des étudiants ont choisi délibérément cette filière comme objet d’études supérieures. Or L’une des raisons principales pour laquelle des apprenants préfèrent et choisissent d’étudier une langue étrangère est le fait qu’ils estiment qu’elle est utile et c’est ce que nous avons observé dans leurs réponses à la question n°4 qui porte sur l’importance et l’utilité de la langue française où presque à l’unanimité les étudiants perçoivent cette langue comme étant utile. Toutefois, il

136 semble que le français est concurrencé par l’anglais que certains étudiants préfèrent au français et aimeraient étudier si l’opportunité se présente (voir partie 2 du questionnaire, question3). Nous pouvons donc dire, que ces apprenants ont en général, une perception positive de l’utilité des langues étrangères en général et du français en particulier. Le nombre croissant d’étudiants en double formation (langue française+autre filière) témoigne de ce fait. L’utilité du français est perçue par nos étudiants non seulement par rapport au contexte algérien mais également en relation avec l’étranger (question n°4). Cela dénote d’une conscience accrue des réalités socioéconomiques et linguistiques du pays. La langue française est perçue comme omniprésente et très utilisée dans le contexte algérien notamment au niveau de l’enseignement supérieur et principalement dans les filières scientifiques où la documentation est plus riche et plus abondante en français. Le français représente aussi pour eux la langue qui offre le plus de débouchées pour décrocher un emploi sur le marché du travail, ceci coïncide avec la localisation de son utilité dans l’espace, et correspond parfaitement à la réalité. L’utilité du français dans les études mène certainement à son utilité dans le domaine du travail étant donné que ces deux secteurs sont étroitement liés par une relation d’offre/ demande.

Si l’utilité du français est exclusive en Algérie, elle est également présente à l’étranger, notamment dans les pays francophones. La langue française est qualifiée de langue internationale leur permettant de communiquer, de voyager et d’étudier à l’étranger. Ainsi qu’un moyen d’accéder à la culture et à la civilisation étrangère

Une autre réalité qui apparaît dans les réponses des étudiants est la relation entre cette spécialité et l’enseignement. En effet, cette spécialité les destine à priori vers le métier d’enseignant et si l’on juge de l’engouement des filles pour cette filière et la féminisation du secteur de l’enseignement on pourrait conclure que le désir de devenir enseignante serait éventuellement l’un des facteurs déterminant ce choix d’étudier le français.

Le degré de l’utilité n’est pas le seul qui détermine le choix de l’apprentissage d’une langue étrangère. Une deuxième échelle de mesure concerne le degré de facilité (question n°5, 2ème partie du questionnaire). Et concernant cet aspect des choses, il semblerait que les étudiants jugent le français comme une langue abordable et plutôt facile à apprendre, ce qui nous amène à penser que ces étudiants ont une opinion positive de leur niveau en français. A vrai dire, nous étions surpris d’obtenir ce résultat car nous avons remarqué sur certains des formulaires que des étudiants qui affirmaient que cette langue était facile ou abordable

137 avaient des difficultés d’expression écrite et commettaient des erreurs inconcevables pour des universitaires destinés pourtant à se spécialiser dans cette langue. Nos étudiants ont donc une survalorisation de leurs compétences due à un décalage sensible entre représentations des pratiques et auto-évaluation d’un côté, et pratiques et performances réelles de l’autre. Nous pensons que la facilité de cette langue est confondue avec l’habitude du contact avec cette dernière et l’aisance d’accès. N’oublions pas tout de même que la majorité de ces nouveaux bacheliers en passant par les trois paliers de l’école fondamentale ont accumulé en moyenne neuf années d’étude de langue française.

Mekkaoui (2002) note à ce propos : « l’apprenant n’a pas conscience de sa non maîtrise de la langue française. Comme le français est quasi présent dans la vie sociale, l’Algérien pense le “ connaître” . »

La perception de la facilité est donc, dans ce cas, liée à l’intensité et à la fréquence du contact avec la langue étrangère. Pour l’apprenant algérien ce contact pouvant se faire, dès le jeune âge, principalement en milieu institutionnel, c’est-à-dire dans le cadre scolaire.

Il semble par ailleurs, que cette perception de la facilité concerne beaucoup plus le vocabulaire alors que la morphosyntaxe semble le niveau linguistique qui pose le plus de soucis aux étudiants ce qui vient réconforter notre démonstration. En effet, le parler algérien est truffé de mots français ce qui laisse ressentir une familiarité avec cette langue donc du coup sa facilité.

Si on dit souvent que le français est omni présent dans la société algérienne, ceci reste très loin de la réalité et plutôt relatif aux différentes couches socioculturelles et socioéconomiques. La présence de la langue française dans le milieu social peu se mesurer à des degrés .Elle semble plutôt peu présente voire inexistante dans les zones rurales, les milieux socioéconomiques et intellectuels défavorisés, les milieux socioculturels exclusivement tournés vers la culture orientale arabe ou vers la culture arabo-musulmane. Le visionnement ou pas de la télévision française en tant que premier vecteur de la langue et de la culture française pourrait être un indicateur des orientations culturelles des familles algériennes.

Un autre facteur non négligeable dans la constitution de l’image de marque d’une langue est son prestige social (question n°6 ,2ème partie du questionnaire). Or, pour la majorité des étudiants, le français est investi de prestige ce qui apparaît à travers l’estime que l’on a pour ses locuteurs (image sociale).

138 Pour certains, c’est une langue internationale mais aussi une langue très demandée sur le territoire nationale. Elle est le signe d’appartenance à une certaine couche socioculturelle : « la haute société ». C’est la langue des intellectuels, des gens instruits et des « grandes personnalités ». Les individus maîtrisant cette langue sont qualifiés de gens ouverts d’esprit, respectables, polis et de bonne éducation. Le prestige de cette langue se confond parfois avec son utilité en la voyant comme offrant plus de débouchées professionnelles.

Pour d’autres, le français est utilisé pour impressionner, pour donner de soi une certaine image et pour prétendre à un certain niveau donc tout simplement par snobisme.

Pour d’autres étudiants, le prestige de cette langue est en rapport avec son statut même de langue étrangère difficile dont la maîtrise n’est pas à portée de main.

Dans cette question qui porte sur le prestige de la langue française, si d’une part le discours épilinguistique de la majorité des étudiants le confirme, celui-ci révèle d’autre part et encore une fois l’existence d’une compétition entre le français et l’anglais et la présence de l’éternel conflit entre la langue arabe et le français.

Voici ci-dessous quelque unes des réponses de ces étudiants :

« généralement les francophone un niveau social et intelectuel un peu plus elevé que les arabisants »

« pour moi ,elle n’est pas meilleur que la langue arabe »

« bcos there is english.t’s the ferstlanguagein the world,still you find somme world of English in French. Pour les français pout être , me pour nous no. nous avons larabe. »

« enfun c’esr une langue comme tout les langue »

« car notre payé né pas dévelopéparaport à l’europe et la 2chose langlais mieux que la langue française aussi l’anglais est une langue mondiale »

« pace que la langue française c’est la deuxième langue après l’Arabe ».

De ce fait, pour un deuxième groupe d’étudiants (minorité), le français vient en deuxième position après l’anglais, que c’est une langue comparable aux autres et un simple moyen de communication. Ils jugent que le français n’est pas une forme prestigieuse car fréquente en Algérie et beaucoup d’Algériens la comprennent et l’utilisent. Ceci pourrait expliquer également le prestige dont est investie en partie l’anglais comme une langue « rare » pas vraiment présente dans le contexte socioculturel algérien. Comparée à l’arabe ; la langue française est décrite comme une langue de deuxième rang et qu’elle n’est pas forcément meilleure.

139 Le quatrième paramètre qui intervient de façon directe dans le choix de la langue à apprendre est l’affectivité c'est-à-dire le degré d’affinité que nous avons avec une langue. Ce sentiment se rattache souvent à la qualité des relations intercommunautaires à travers l’histoire. Celles-ci déterminent le degré de sympathie ou d’antipathie que nous avons pour une langue étrangère. Nous dépassons donc ici le plan des représentations (opinions) pour accéder au niveau des attitudes et sentiments linguistiques.

A ce propos, nous remarquons que les expressions contenant un rapport affectif à la langue française dans cette partie sont rares. Nous avons relevé une seule fois une attitude positive dans laquelle l’étudiant exprime son amour pour la langue française, justifiant ainsi son choix d’étude. (Voir question n°2, 2ème partie du questionnaire).

Après l’analyse de cette première série de questions ; il ressort des attitudes majoritairement positives vis-à-vis de l’apprentissage du français. Connaître cette langue est utile, voire nécessaire. D’ailleurs nous remarquons que par comparaison aux critères du prestige, de la facilité et l’affectivité ; c’est le critère de l’utilité qui semble conduire la motivation du choix des étudiants pour l’apprentissage du français avec un pourcentage de 96%.

Il faudrait signaler toutefois, que même si cette image est tangible chez la majorité des étudiants ; elle semble plus imprégnée chez les filles ; ceci semble évident notamment à travers le paramètre du prestige mais aussi celui de la facilité où l’on remarque que les filles sont plus nombreuses à considérer le français comme une langue facile.

Au terme de l’analyse de cette première partie, nous voudrions s’interroger sur un phénomène qui nous laisse perplexe : si nos étudiants ont choisi d’étudier le français et ce choix semble se poser sur une bonne représentation de cette langue, certains de leurs comportements en disent le contraire : absentéisme, manque de motivation, efforts insuffisants...etc

· Les questions relatives aux pratiques linguistiques des étudiants :

(Troisième partie, questions n°1, 2, 3 et 4)

Dans cette partie du questionnaire nous avons proposé aux étudiants de choisir entre les quatre langues qui caractérisent le plus le paysage linguistique de la région de Batna à savoir ; l’arabe dialectal (algérien), le chaoui vu que la région est berbérophone, l’arabe classique et le français ; leur choix sera bien évidemment dicté par la spécificité du contexte de communication.

140 L’arabe dialectal : l’arabe dialectal est sans conteste la langue majoritairement utilisée dans toutes les situations de communication excepté avec les enseignants à l’université où les étudiants affirment utiliser le français avec un pourcentage de73%. Que cela soit en famille, entre amis, avec les camarades de classe, avec le personnel administratif de l’université ou dans toutes les situations de communication de la vie quotidienne, les étudiants semblent faire appel de façon prépondérante à l’arabe dialectal pour répondre à leurs besoins en matière de communication. Or, la situation la plus révélatrice de ce fait est les échanges langagiers qui se font presque exclusivement en arabe dialectal (96%) dans les petits commerces. Et nous pensons que c’est justement dans ces lieux à forte concentration de la population qu’on peut diagnostiquer les pratiques langagières les plus courantes et les plus communes. C’est donc la langue des échanges quotidiens par excellence.

Le français : Le français vient en deuxième position après l’arabe dialectal, il ressort qu’il est relativement utilisé avec les membres de la famille, avec les amis, avec les camarades de classe à l’université, avec les différents praticiens autres que le médecin et dans les services publiques et municipaux. Et il est très peu, voire exceptionnellement utilisé avec les commerçants et les inconnus. Ce sont d’ailleurs dans ces mêmes situations que l’arabe dialectal est le plus utilisé. Toutefois dans d’autres situations, il semble avoir un poids indéniable :

1-Dans la question qui porte sur la langue dans laquelle s’exprime l’étudiant avec ses enseignants (question 3-a) nous avons obtenu un pourcentage de 73 % pour la langue française. Toutefois, nous trouvons ce pourcentage surprenant, exagéré et même en décalage avec les pratiques réelles des étudiants. En effet, si nous nous référons à notre expérience avec nos propres étudiants et à nos différentes observations en situations (situations d’échanges entre enseignants et étudiants dans les couloirs du département, en salle de cours, à l’administration…) il semblerait que ce résultat est loin de refléter la réalité car il est plus courant d’entendre un étudiant prendre la parole en arabe dialectal qu’en français même avec les enseignants. Nous pensons donc, que les étudiants essayaient de donner plutôt l’image désirée c'est-à-dire celle d’un étudiant maîtrisant la langue française et capable de s’exprimer en cette langue devant un interlocuteur qu’il considère évaluateur mais aussi supérieur par son statut et ses compétences linguistiques.

Pour expliquer cette déformation volontaire de propos de la part de certains étudiants nous citons Maurice Angers : « il peut arriver que certaines motivations des enquêtés les

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amènent à tenir des propos détournés, voir inexacts. Une première motivation est de vouloir donner une image favorable de soi. L’informateur déforme ainsi quelque peu la réalité pour se hausser à un niveau qu’il juge plus acceptable…Il peut, dans le même ordre d’idée, chercher plutôt à être « normal »…Une seconde motivation consiste à cacher ce qui semble aux yeux de l’enquêté, répréhensible. Ce peut être d’avoir un comportement déviant ou d’aller à l’encontre de devoirs que la société exige des individus en général. » (1996 :150)

2- A la question (3-c) -avec le personnel administratif, vous vous exprimez en quelle langue ?- nous avons obtenu pour le français un nombre de réponse de 73 soit 37%. Un pourcentage aussi bien étonnant que le précédent. Nous expliquons le phénomène par le fait qu’une partie du personnel administratif est constituée d’enseignants donc les étudiants ont plutôt tendance à vouloir se montrer toujours sur leur meilleur jour devant cet interlocuteur de taille.

3-Il paraît par ailleurs, que chez le médecin, ce praticien dont la profession lui incombe indéniablement un prestige social, les étudiants recours à la langue française qui a été citée par 96 étudiants soit 49%. L’image du médecin comme quelqu’un non seulement instruit dans un domaine intéressant, utile, complexe… mais également formé en français lui confère du prestige. Donc, les étudiants essayent de s’élever au même niveau en utilisant cette langue qu’ils perçoivent comme une langue de prestige social.

4- les banques sont un autre lieu où le français semble gagner du terrain. L’argent comme symbole de prestige offre à la banque une image valorisante. Là encore, 72 soit 37% des étudiants déclarent utiliser le français. Toutefois nous pensons que ce choix n’est pas dû seulement à l’image prestigieuse de la banque mais tout simplement à la langue avec laquelle fonctionne notre système bancaire et c’est précisément la langue française.

-5 le français est également utilisé dans les différentes administrations, cité par 28% des étudiants ce qui s’explique par l’emploi de la langue française comme langue administrative dans bon nombre de nos institutions.

En somme, on pourrait dire qu’après l’arabe dialectal qui apparaît comme la première langue assurant les interactions communicatives quasiment dans tous les contextes, le français vient en deuxième position, il est notamment présent à l’université chose tout à fait logique vu la spécialité des informateurs (bien que nous restons sceptiques quant au pourcentage de réponses obtenu 73% à la question 3-a et 37% à la question 3-c), il est également utilisé dans les différentes administrations et les lieux de prestige tels que les banques et les cabinets de

142 médecins ; ceci, ne fait que confirmer une seconde fois le prestige dont jouit la langue française dans notre société. Ce qu’il faut rappeler, c’est que suivant la variable sexe, les filles semblent plus enclines que les garçons à utiliser cette langue pratiquement dans toutes les situations. Cette tendance est plus pertinente à travers les réponses aux questions (4-a)et (4-h). En effet, dans les petits commerces et avec les inconnus, là où on use des pratiques langagières les plus communes (arabe dialectal), uniquement des filles affirment parler en français. Nous pensons que cela est significatif même si le pourcentage des réponses est visiblement faible. Ceci, confirme encore une fois la sensibilité des femmes aux modèles et aux formes de prestiges dont parlait W. Labov.

Le chaoui : le chaoui est un parler local qui caractérise toute la région des Aurès. C’est l’une des variantes du berbère et le deuxième vernaculaire de la population de Batna en plus de l’arabe dialectal. Nous avons constaté que le chaoui par comparaison à l’arabe dialectal et le français est très rarement cité. Il est plutôt utilisé dans le cadre intime de la famille (22%) et avec les amis proches (11%). Et il se fait de plus en plus rare voire absent en fonction du degré de l’officialité de la situation de communication et la présence de personnes étrangères. Ainsi, il n’est pas utilisé avec les enseignants, avec le personnel administratif de l’université, avec le médecin et les autres praticiens, dans les différentes administrations et les banques. Il est très peu utilisé avec les camarades de classe (5%), dans les petits commerces (3%), les services publiques et municipaux et avec des inconnus. En résumé, le chaoui reste la langue des conversations familiales et amicales. En effet, bien que d’origine berbère, il est rare d’entendre les habitants de Batna s’exprimer en chaoui. Ce sont plutôt les personnes de provenance rurale (des douars) qui recourent à ce vernaculaire. Ces derniers sont souvent d’ailleurs taxés par les citadins d’arriérés, d’incultes…etc. Pour ne pas être pessimiste, il faut dire que les choses ont un peu évolué depuis la reconnaissance de tamazight comme langue nationale après les maintes révoltes et la résistance de la région de kabylie. Il y a eu même une remontée rapide de la chanson chaoui qu’on fait passer désormais à la télévision algérienne. Ceci dit le chaoui, se fait plus ressentir chez les personnes âgées alors que les moins jeunes utilisent l’arabe dialectal ou le français. Pour comprendre le comportement de ces berbérophones « non pratiquants »il faudrait procéder à des études sur le terrain ce qui dépasse ici le cadre de notre recherche ; toutefois nous proposons cette hypothèse -car tout semble indiquer cela- selon laquelle la situation diglossique que vivent ces sujets dont la

143 langue est dominée génèrent chez eux des sentiments de dévalorisation, d’auto dénigrement et de « culpabilité sociolinguistique » qui les empêchent de s’exprimer ouvertement en chaoui et de le ressentir plutôt comme une « honte ».

Ce parler qui se présente comme loin d’être une langue de prestige (langue orale) est fui par les filles et semble plus pratiqué par les garçons.

L’arabe classique : Bien qu’elle soit reconnue comme la seule langue nationale et officielle (la langue de l’état, de l’administration, de l’enseignement, des médias), l’arabe classique demeure une langue qui caractérise peu les pratiques langagières de nos informateurs. Elle est très peu mentionnée avec des pourcentages qui varient entre 2% et 6%. A la question