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La fréquence des recours aux émotions dans l‘information

Chapitre 4 : Les résultats

4.2. La fréquence des émotions

4.2.1. La fréquence des recours aux émotions dans l‘information

Le corpus est formé de neuf entrevues d‘information de deux émissions soit Les Coulisses du pouvoir et Le

Téléjournal 22 h. Parmi ces entrevues, 34 recours aux émotions ont été identifiés représentant 313 secondes

de discours.

Les Coulisses du pouvoir présentent 8 recours aux émotions qui totalisent 100 secondes, ce qui représente

6,23 % de la durée totale des entrevues. Cette émission présente 0,30 émotion par minute. L‘extrait suivant illustre un recours à l‘émotion dans le cadre des Coulisses du pouvoir :

Reprise de l’extrait 2.8. Pauline Marois, Coulisses du pouvoir, 2008 Daniel Lessard

Dites-moi, cette campagne électorale, Mme Marois, elle ne lève pas. Pas seulement à cause de vous, mais il me semble que les Québécois ne sont pas très intéressés. Les gens n‘ont même pas envie d‘aller voter. Des péquistes, dans un sondage du Devoir je crois que c‘était 34 %, n‘étaient même pas certains d‘aller voter. Qu‘est-ce qui se passe?

Pauline Marois

Je trouve ça profondément triste pour notre démocratie. Moi, je crois que les gens ne

voulaient pas aller en élection. Ils l‘ont dit très clairement à M. Charest, ils nous l‘ont dit. M. Charest ne les a pas écoutés. Il a décidé quand même d‘aller en élection parce qu‘il pensait que c‘était bon pour lui. Il a fait un certain nombre d‘analyses, sauf que ce n‘était pas une bonne décision.

Cet exemple est intéressant à plusieurs égards. Le moment émotionnel est court (2 secondes), la politicienne utilise un ton de voix neutre qui ne traduit pas l‘émotion désignée et le journaliste pose une question sans la présence d‘émotion. Ce dernier élément est une caractéristique particulière aux Coulisses du pouvoir. Le journaliste pose peu de questions, comparativement au Téléjournal 22h, incluant un recours à l‘émotion (25 % des questions présentent une émotion). Lorsqu‘il y a la présence d‘une émotion dans la question du journaliste, il est attendu de voir une émotion dans le discours du politicien. Cependant, la majorité des recours aux émotions dans cette émission ne répondent pas à une question contenant une émotion, ce qui permet de croire que les recours aux émotions font partie d‘une stratégie discursive.

Cet extrait permet aussi de présenter la technique utilisée pour calculer la durée des recours aux émotions. Dans cet exemple, le mot triste est l‘indicateur verbal permettant d‘identifier un recours à une émotion du groupe de la tristesse. Le choix d‘inclure ou non la phrase suivante dans le calcul de la durée est fait de la même manière, c‘est-à-dire selon les indicateurs. Dans le cas présent, la phrase « moi, je crois que les gens ne voulaient pas aller en élection » ne contient aucun indicateur qui permette d‘identifier une émotion d‘une

des classes d‘émotion. Par conséquent, le calcul du moment émotionnel se termine avec la première phrase. Ainsi calculée, la durée permet de dresser un portrait valide de cette caractéristique des recours aux émotions.

Enfin, il est intéressant de remarquer que Pauline Marois n‘utilise pas les émotions avec la même fréquence que Jean Charest et Mario Dumont. Sur les huit recours aux émotions identifiés dans cette émission, six ont été repérés dans l‘entrevue de Pauline Marois. Dumont et Charest ont recours aux émotions une seule fois. Le discours de Pauline Marois présente des résultats ne correspondant pas à ce qui attendu par le type de questions posées. Il sera intéressant de voir si le même phénomène se présente dans les autres émissions analysées.

Bien que Pauline Marois soit celle qui a le plus haut nombre moyen d‘émotion par minute (0.66) et le plus grand nombre de recours aux émotions (6 recours aux émotions), Mario Dumont est celui qui présente le plus haut pourcentage de temps d‘entrevue occupé par des émotions (10,85). Cette différence entre les fréquences relatives est due à la durée des moments émotionnels. L‘extrait 2,8 présente un recours à l‘émotion typique du discours de Pauline Marois, c‘est-à-dire que les mises en place de l‘émotion sont courtes et directes. Mario Dumont présente un seul recours à l‘émotion, mais il dure 56 secondes (voir extrait 4.1). Il s‘agit d‘un recours à une émotion de la catégorie de la joie, soit la fierté. En effet, Mario Dumont s‘efforce de défendre le travail de son équipe et les indicateurs verbaux et paraverbaux (ton de la voix) permettent d‘identifier ce recours à l‘émotion12.

Extrait 4.1. Mario Dumont, Coulisses du pouvoir, 2008. Daniel Lessard

Mais je veux revenir, M. Dumont, sur l‘éducation et la santé dans cette entrevue, mais d‘abord, il y en a, dans cette population, qui ne veulent pas d‘élections, mais il va en avoir des élections. Il y a dans cette population une perception que l‘ADQ, et vous les connaissez comme moi, que l‘ADQ n‘a pas d‘équipe et qui n‘a pas formé l‘opposition officielle qui répondait aux attentes des Québécois. Comment changez-vous ces perceptions-là?

Mario Dumont

Vous avez raison. Mais d’abord sur la question de l’équipe, nous avons vécu des

succès cette semaine. Par exemple, les journalistes de la région de Québec ont vu l’équipe adéquiste de la région de Québec, et ils ont dit WOW, c’est une équipe solide, des gens qui savent ce qu’ils font.

Maintenant, sur la performance des 18 derniers mois comme opposition officielle. D‘abord nous sommes conscients que beaucoup de gens ont été déçus. Les gens qui nous avaient fait confiance. Des gens qui voulaient que les changements qui étaient entre nos mains arrivent plus vite, que ça arrive mieux. Que ces gens-là ont été déçus. Moi j‘en assume

pleinement la responsabilité comme chef. Mario Dumont fait une pause. Il reprend un ton de voix heureux et relève la tête qu’il avait baisé en parlant de la déception des électeurs. Il maintient cette attitude jusqu’à la fin de cet extrait. Par contre, il faut dire les choses. Il y

avait un apprentissage à faire, nous sommes passés de 5 députés à 41. Donc 36 qui ne savaient pas ce qu’était une commission parlementaire et que trois semaines après ils étaient assis dans une commission parlementaire et il fallait qu’ils expliquent, qu’ils défendent des budgets, qu’ils questionnent le gouvernement sur les fins détails des budgets des ministères. Ce n’est pas rien. Je pense aussi qu’il y a peut-être eu une question d’impatience. Un parti qui a été fondé 14 ans avant, qui s’est toujours battu pour des changements, qui s’approche de la capacité à faire arriver ces changements-là. Il y a probablement eu de l’impatience aussi et tous ces éléments ont fait que ça ce n’est pas comme nous aurions voulu. Mais les gens ont travaillé fort, les gens ont travaillé beaucoup dans l’ombre, ils ont travaillé fort et ils n’ont jamais perdu le feu sacré d’offrir aux Québécois une différence.

Dans la première partie du recours à l‘émotion, la deuxième phrase a été incluse dans le calcul de la durée, contrairement à l‘extrait de Pauline Marois aux Coulisses du pouvoir en 2008. Les indicateurs paraverbaux ainsi que l‘expression « Wow c‘est une équipe solide » indiquent qu‘il ne s‘agit pas d‘un simple fait énoncé par Mario Dumont, mais que cet exemple lui permet de mettre en valeur la fierté qu‘il a face à son équipe de députés. La deuxième section de l‘extrait est consacrée à la défense de son équipe. Mario Dumont met en valeur le travail accompli par son équipe et montre sa fierté face aux membres de son caucus. La difficulté de cet extrait réside dans le fait que l‘essentiel des indicateurs sont paraverbaux. Il est donc difficile de justifier l‘intégration de certaines parties à l‘aide d‘un extrait écrit. Le ton de voix employé par Mario Dumont lorsqu‘il parle de son équipe et de son parti permet d‘inclure les phrases comme « Un parti qui a été fondé 14 ans avant, qui s‘est toujours battu pour des changements, qui s‘approche de la capacité à faire arriver ces changements-là ».

Le Téléjournal 22 h présente 26 recours aux émotions totalisant 213 secondes, ce qui représente 4,64 % du temps total des entrevues. En moyenne, cette émission présente 0,34 émotion par minute. Malgré qu‘il y ait plus de recours aux émotions dans les entrevues du Téléjournal 22h que dans Les Coulisses du pouvoir, ces derniers occupent un pourcentage de temps des entrevues moindre. Ceci s‘explique par le fait que les entrevues sont généralement plus longues au Téléjournal 22 h qu‘aux Coulisses du pouvoir. L‘extrait suivant présente un recours aux émotions tiré du Téléjournal 22 h:

Extrait 4.2. Pauline Marois,Téléjournal 22 h, 2008 Bernard Derome

Alors vous êtes fière que M. Duceppe fasse de M. Dion un premier ministre?

Pauline Marois

Non, je vous dis que je suis fière de ce que M. Duceppe va aller chercher pour le Québec. C‘est pour ça qu‘il est là et je crois qu‘il assume complètement le mandat que lui

ont confié les Québécoises et les Québécois.

Cet exemple présente bien l‘une des différences entre les recours aux émotions des Coulisses du pouvoir et celles du Téléjournal 22 h, soit la présence d‘émotion dans la question. Trente-neuf pourcent des questions posées par Bernard Derome contiennent une émotion comparativement à 25 % pour Les Coulisses du

pouvoir.

Enfin, Pauline Marois est celle qui a la plus basse fréquence absolue, mais le plus haut nombre moyen d‘émotion par minute. Proportionnellement à la durée des entrevues, Pauline Marois est celle qui a le plus recours aux émotions.

Pour résumer, les deux émissions d‘information analysées présentent des caractéristiques très différentes. Il serait difficile de présenter un extrait qui correspondrait à la fois aux Coulisses du pouvoir et au Téléjournal

22 h. Néanmoins, il est possible de dire que les entrevues politiques qui prennent place dans une émission

d‘information comptent peu de recours aux émotions et que ces derniers sont relativement courts.

4.2.2. La fréquence des recours aux émotions dans l’infodivertissement